Le stress sous toutes les coutures

Partager

C’est  »fou » le nombre de communications, toutes aussi intéressantes les unes que les autres, qui ont été présentées jeudi, à l’amphithéâtre de l’établissement hospitalier spécialisé (EHS) en psychiatrie Fernane Hanafi de Oued Aissi (Tizi-Ouzou) à l’occasion d’un 11ème congrès international de psychiatrie qui s’y est tenu.

Il est vrai que le thème retenu, intitulé  » Psychopathologie du travail : du stress au harcèlement professionnel » est si vaste et d’actualité qu’il a bien inspiré ceux qui ont présenté la trentaine de communications, de 10 minutes chacune, organisées en pas moins de six séances.

Il y eut aussi beaucoup de monde qui est venu assister à l’événement, si bien que les retardataires étaient nombreux à suivre le déroulement des travaux, débout à l’arrière de la salle, alors qu’une autre bonne partie restait tout à fait dehors.

Le Congrès a vu une participation étrangère toute modeste mais fort intéressante, représentée par le Pr Gilbert Ferry (France) et son épouse, M. Mimouni (Tunisie) et des compatriotes que sont le Dr Kadri du CHU Reims (France) et le Dr Taleb (Hôpital Vernon, Paris, France).

L’événement a commencé dans la bonne humeur avec l’intervention du Pr Malika Ladjali, conseillère au ministère de la Santé mais aussi une des premières femmes de la 1ère promotion en médecine en Algérie après l’indépendance, a tenu à rappeler un de ses collègue et ancien camarade de classe,le Pr Ridouh, qui interviendra juste après elle. L’entrée en la matière ainsi faite avec un peu d’humour dans l’air aura rendu la situation peu stressante (pour rester dans le sujet) pour ceux qui allaient prendre le micro et présenter les communications.

Des généralités sur le stress et du concept de harcèlement moral…

 »Le stress au travail : Généralités » est le premier thème présenté par le Dr. Djezzar et pour lequel sont associés le Dr.Namane et le Pr. Ridouh de l’EHS Frantz Fanon de Blida.  »Le phénomène n’épargne plus aucun secteur d’activité », dira-t-elle avant de passer à la définition du stress au travail qu’elle situe au moment où survient un  »déséquilibre entre la perception qu’une personne suites aux contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ». Le sujet sera longuement décortiqué à travers les facteurs de stress.  »60 % des salariés interrogés estiment devoir fréquemment interrompre une tâche qu’ils sont en train de faire pour en commencer une autre. 48 % déclarent travailler dans l’urgence (devoir toujours ou souvent se dépêcher). 53 % déclarent que leur rythme de travail est imposé par une demande à satisfaire immédiatement. 1 salarié sur 4 travaillant en contact avec le public subit des agressions verbales. 42 % déclarent vivre des situations de tension avec le public (parmi les 68 % des salariés en contact avec le public) », a-t-elle ajouté.

 »Le terme de  »stress » a été introduit pour la première fois par Hans Selye (1907-1982), médecin-endocrinologue autrichien. Pour Selye, le stress est une  »réponse non spécifique de l’organisme face à une demande ». Il est à l’origine du concept de « syndrome général d’adaptation’’, qui décrit “les trois réactions successives de l’organisme face à une situation stressante (alarme, résistance, épuisement) », a-t-elle ajouté dans une longue communication fort intéressante mais écourtée par la nécessité de gérer le temps imparti à l’événement. Elle conclura en affirmant que  »le stress fait partie des risques psychosociaux ».

Le Pr Gilbert Ferrey de l’hôpital Simone Veil d’Eaubonne (Paris, France), présentera ensuite une communication sur l’origine du concept du  »harcèlement moral » en l’attribuant à la psychiatre Marie-France Hirigoyen, qui a consacré un livre au sujet en 1998 intitulé:  »Le harcèlement moral. La violence perverse au quotidien ». Mme Hirigoyen s’est appesantie au départ sur le harcèlement moral dans un couple mais c’est la partie consacrée au harcèlement au travail qui suscitera l’intérêt jusqu’à faire vendre à 400.000 exemplaires son ouvrage. Nombreux sont ceux qui se sont reconnus dans le harcèlement qu’elle décrit, a expliqué le Pr Ferrey en indiquant que le livre a suscité ensuite un débat en France pour finir en quelques années par un article dans le code pénal et le code du travail. Mme Herigoyene publiera ensuite un autre livre de référence intitulé  » Malaise dans le travail, harcèlement moral : démêler le vrai du faux », basé sur une enquête qu’elle a menée.

Les pompiers de Tizi-Ouzou majoritairement stressés

 »Contraintes mentales chez le personnel de la Protection civile de la wilaya de Tizi-Ouzou », la communication présentée par Dr Zatout du service de médecine du travail du CHU de Tizi-Ouzou, aura retenu également l’attention en ce sens qu’elle s’intéresse à l’environnement immédiat du congrès, c’est-à-dire Tizi-Ouzou. L’équipe de médecins- enquêteurs a mené son travail en suivant une méthode rigoureuse pour arriver au constat qu’un peu plus de 70% de nos pompiers se considèrent stressés dans leur milieu professionnel.

Cet état de fait est expliqué objectivement par la nature des interventions des sapeurs pompiers, les horaires non programmés, l’exécution de tâches non spécifiques et l’environnement inconnu auquel ils sont confrontés, a-t-il expliqué.  »Constitue un harcèlement moral au travail, tous les agissements répétés visant à dégrader les conditions humaines, relationnelles, matérielles de travail d’une ou de plusieurs victimes de nature à porter atteinte à leurs droits et leur dignité pouvant altérer gravement leur état de santé et pouvant compromettre leur avenir professionnel », est la définition retenue par le Conseil économique et social en 2001, rapportera pour sa part le Pr Farid Kacha de l’EHS Mahfoud Boucebci (Cheraga, Alger) dans une communication intitulée  »Harcèlement sexuel et moral au travail ».

Des exemples de gens stressés ont été présentés pour illustrer les communications qui vont suivre. Il en est ainsi de ce cas du garde communal qui de statut de combattant engagé et viril a sombré dans une situation de stress à la limite de la dépression après un attentat au cours duquel il a vu un de ses collègues mourir et d’autres blessés.

Le harcèlement sera illustré par le cas de ces femmes de Hassi Messaoud ou encore d’un groupe de témoignage tiré des pages d’un confrère. Le Congrès aura révélé ainsi la difficulté qu’ont nos médecins et chercheurs à disposer de statistiques nationales sur des sujets qu’ils abordent. Pour illustrer leurs sujets, ils sont obligés de se rabattre sur des données et des études françaises ou européennes.

Le harcèlement existe en milieu hospitalier

Le Directeur du centre hospitalier et universitaire (CHU) de Tizi-ouzou,le Pr Abbès ZIRI, qui a ouvert les travaux, le wali de Tizi-Ouzou étant retenu par une visite non annoncée dans la ville des Genêts du ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, M. Daho Oul Kablia, a assimilé l’événement à une  »journée de formation (qui) s’inscrit dans la stratégie de la promotion de la santé mentale et l’amélioration de l’environnement professionnel ».

 »Compte tenu de l’importance du stress et du harcèlement professionnel, cette journée a été initiée afin de débattre de ces problèmes et essayer d’asseoir une stratégie de prise en charge de ces troubles qui perturbent le bien être du salarié et finalement de la santé de l’entreprise », a déclaré le Pr Ziri dans son intervention. Il a reconnu en apparté dans une déclaration à la dépêche de Kabylie que le harcèlement moral notamment à l’endroit des femmes existe bel et bien en milieu hospitalier.

L’EHS Fernane Hanafi manque de paramédicaux et de médecins…

L’EHS Fernane Hanafi, où s’est déroulé ce 11ème congrès, manque d’au moins 16 infirmiers en psychiatrie et en soins généraux, de 4 médecins spécialistes et autant de généralistes, a indiqué son directeur, M. Abbassen Achour, interrogé par la Dépêche de Kabylie. “L’établissement qui est d’une capacité de 330 lits, pour quatre pavillons, enregistre un taux d’occupation de 100% », a ajouté M. Abbassen comme pour souligner le degré de saturation atteint. L’hôpital accueille des patients qui viennent des wilayas de Tizi-Ouzou, Béjaia, Bouira et Boumerdes. 17 spécialistes y exercent parmi un personnel de 445 personnes, tous corps confondus, a-t-il précisé. Un projet de service de pédopsychiatrie, envisagé pour acceuillir des enfants suivant le procédé  »de l’hospitalisation de jour », est en cours de réalisation.  »Les travaux avancent bien », a déclaré M. Abassen. Les délais sont de 18 mois.

Belkacemi Mohand Said

Partager