Hemd Lehlou le poète novateur

Partager

Par Abdennour Abdesselam:

Des civilisations entières sont faites de poésie. La nôtre ne démérite pas moins et Hmed Lahlou le prouve avec juste force de poésie. Il est rentré dans cette magie de la parole non pas par effraction mais plus encore en transgressant les formes établies. Il les a bousculées pour libérer la poésie kabyle de ses anciens cadres formels.

Il s’est alors laissé guider par l’aventure intérieure de sa pensée jusqu’à tenter d’épuiser la voix des mots. Cette rébellion vis-à-vis des formes établies marque un tournant utile dans la production du genre littéraire très prisé dans l’ambiance culturelle de Kabylie. Pourtant, des signes attestent déjà de l’existence, dans la poésie kabyle ancienne, d’une production poétique à forme longue même si la thématique, pour ce genre de figure précise, traitait plutôt du domaine de la liturgie. Aussi, nous pouvons constater qu’il y a dans le genre Lahlouien comme un mélange fait tout à la fois de réappropriation, de rappel mais surtout de libération. Lorsque Lahlou déclame sa poésie, on entend plus qu’une versification. On entend le déroulement d’un discours qui ne s’accommode guère des mesures syllabiques et autres contraintes des obligations. La mesure et les contraintes sont vite englouties dans la profondeur de l’énoncé du sujet traité. Les mots s’engrangent et donnent le besoin de suivre, pas à pas, l’aventure racontée par le poète. Ainsi, la poésie chez Hmed Lahlou n’est pas refuge. Elle n’est pas le ronronnement de la lamentation qui a tant appauvri la textuelle poétique kabyle. Elle n’est surtout pas un divertissement ou un exutoire comme le précisait déjà Jean Amrouche natif d’Ighil Ali comme Hmed Lahlou lui-même. Il veut une poésie s’ouvrant sur une piste aérée ouverte et sans détours. Son poème « Amessebrid » ou -l’itinérant- qui lui a valu le premier prix lors des journées poétiques amazighes organisée en 2003, est une révélation sur les capacités de la langue kabyle à dire et concevoir le monde. Mais le dire du texte serait resté insuffisant sans la gestuelle majestueuse qui suit la silhouette élancée du poète s’en allant dans tous les sens de la scène avec ses va-et-vient qui sèment les mots d’une voix sûre et imposante comme dans un vaste champ où « le laboureur lance la graine » au plus lointain en dominant «les profonds labours » contemplés par Victor Hugo assis sous un portail à un moment crépusculaire. On peut nous aussi oser parler de l’égérie de Lahlou et revendiquer notre part dans l’interprétation du monde. Ainsi va le poète novateur Hmed Lahlou.

Abdennour Abdesselam ([email protected])

Partager