Dda Rachid Adjaoud, une vie, un engagement, un combat

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L’Algérie libre, reconnaissante à ses enfants, retiendra le nom de chacun de ces héros de la trempe de Dda Rachid Adjaoud qui ne mourront jamais. Ils sont nés pour donner leurs vies, comme leurs aïeux avant eux, pour ce cher et beau pays qui, contre vents et marées, restera debout.

S’ils ont inscrit leurs noms en lettres d’or sur le fronton des braves, c’est pour que nous qui côtoyons les derniers en vie et les générations à venir puissions vivre dans la paix et la sérénité parmi les peuples et nations qui les ont toujours admirés. Et c’est nous, leurs proches, qui les premiers leur devons respect et gratitude. Le devoir de mémoire nous dicte l’obligation de nous rapprocher des derniers survivants pour les faire connaître, ainsi que leur histoire qui est la nôtre, aux générations d’aujourd’hui. C’est dans ce contexte que nous nous avons rendu visite à cet homme qui, au déclenchement de la guerre de libération et avec exactitude en 1956, décide de monter au maquis. Dda Rachid vient à peine de sortir de l’adolescence, il avait alors 17 ans. Malgré cet âge prématuré c’est avec un grand courage qu’il décida de quitter la mairie où il était commis aux écritures, de prendre sa dactylographie et d’aller participer à la saisie des textes du congrès de la Soummam, et ce, le 20 août 1956. Cela lui a permis de gravir les échelons de la hiérarchie de L’ALN pour devenir enfin secrétaire du commandant de l’historique wilaya III, en l’occurrence Si Amirouche. Nous l’avons rencontré pour nous parler de ses mémoires et il a accepté de se livrer à nous à cœur ouvert. Nous nous sommes étonnés de ce monsieur qui n’a pas envie de courber l’échine, puisque ce personnage garde toujours la même verve d’autant que, selon lui, le combat qu’il a entrepris à l’âge de 17ans continue. A l’indépendance, il a été chargé d’appliquer les accords d’Evian à Sétif puis, fut directeur des hôpitaux, ensuite député et enfin patriote ; l’homme n’a pas changé d’un iota. Toujours souriant et alerte. Il est très heureux dans sa presque retraite. Presque retraite parce qu’il sillonne l’Algérie pour donner des conférences et des témoignages sur la guerre d’Algérie 1954 tout on écrivant sont livre intitulé le dernier témoin. Ce livre est scindé en deux tomes. Le premier comporte trois parties : la 1re partie est consacrée à son enfance ainsi qu’aux retombées des événements de l’époque que les citoyens ont connu de 1937 à 1945, contenus dans plusieurs chapitres. Celle-ci est achevé par un chapitre intitulé La deuxième guerre mondiale tire à sa fin, dans lequel il relate comment l’occupant a essayé de juguler le mouvement nationaliste. Dans la 2e partie, l’auteur évoque la période 1945-1954, on relatant les causes qui ont été à l’origine des événements du 8 Mai 1945 ainsi que la façon dans laquelle ils étaient réprimés ; comment le mouvement nationaliste est amorcé et comment celui-ci est férocement contrecarré par la cruauté du commissaire Salle installé à Béjaïa ville, soutenu par le réseau d’informations qu’il a monté à travers toute la région jusqu’aux endroits les plus reculés, tout on s’appuyant sur les témoignages du docteur Ferri cités dans sont livre intitulé médecin en Berberie. Dans la même partie, il aborde aussi l’état d’âme du mouvement nationaliste en plein éveil contenu dans le chapitre intitulé Le mouvement enfante des hommes indomptables, tout en retraçant les différentes étapes, depuis sa démarcation de la doctrine messaliste jusqu’à la lutte armée, tout on citant les hommes qui faisaient partie de cette pépinière. Dans le même sillage, il mentionne des hommes de légende, dit-il, qui ont mis sur raille la guerre dans la région tels que : cheikh Elfodil El Ourtilani, cheikh Laïfa de Sétif, Saïd l’Indochine, Si Mohand Akli Naït Kaâbache, Arezki Laures, le medecin Benabid, Salah El Mohli et tant d’autres, tout on donnant un aperçu de la politique de poids deux mesures menée par les Français, en excluant les partis politiques qui revendiquent l’indépendance de la scène politique tout on encourageant ceux qui demandent l’intégration d’activer en toute aisance. Quand à la 3e partie, elle est consacrée à la période 1954-1956, dans laquelle il nous décrit les circonstances du déclenchement de la guerre et les premières actions entreprises tout en citant les premiers militants qui ont mis le feu aux poudres. C’est à cette époque qu’il avait appris à flotter en politique, dit-il, en suivant à la lettre les instructions de Elhacene Seghier et Si Mohand Akli Naït Kaâbache. Dans la même partie, au chapitre, Les hommes du génie qui ont du géni, l’auteur relate majestueusement l’implication de chaque partie de la région dans la guerre et la visite inopinée de Si Amirouche à l’issue de laquelle, le premier commissaire politique a été désigné en la personne de Mokrane Ouchenene tout en mettant en relief sa première mission en Tunisie en mai 1956 pour acheminer des armes des frontières tunisiennes vers les maquis. Ce premier tome est clôturé par un vœu intitulé le rêve d’un vieux maquisard. Égale à lui-même, Dda Rachid nous a signifié : «Quoique l’idée d’écrire mes souvenirs et ce que j’ai vécu pendant la guerre de libération ait germé en moi depuis longtemps, j’ai hésité de peur de passer pour héros, alors que les vrais héros, y ont laissé leurs vies. Gloire à nos Chouhada !». Dda Rachid observe un mutisme, puis continue : «Il y a un an, j’étais touché au fond de moi-même quand on a touché à la notoriété de Si Amirouche. Je me suis dit, comment se taire devant de telles atteintes à la mémoire des hommes qui ont tout donné à leur pays. Je me sentais comme un abdiqué si je ne faisais rien pour réhabiliter la mémoire de cet homme avec qui j’ai été au maquis depuis 1956 jusqu’à son départ vers la Tunisie, soit 15 jours avant qu’il ne tombe au champ d’honneur». «Ce serait peut-être un de mes derniers devoirs que j’accomplisse. Celui de dire la vérité rien que la vérité aussi moche soit-elle, certainement auprès des personnes qui n’ont pas admis que le gros de la révolution s’est joué à la wilaya III. Mais grâce à l’intelligence et la persévérance du colonel Amirouche, nous sommes parvenus à venir bout des multiples gangrènes montés par les services spéciaux français», conclut-il. C’est dans le deuxième tome que le voile est levé sur autant de choses pour rétablir certaines vérités historiques qu’il a lui-même vécue, ou par des témoignages de ses compagnons de lutte tel que la Bleuite (épisode de la révolution à laquelle il a ramené beaucoup de correction parce que les historiens ont mêlé l’histoire à la fiction et en guise d’illustration, le livre d’Yves Courrière qui l’avait cité dans cette affaire. L’auteur nie complètement qu’il a connu ce monsieur), l’Oiseau bleu, de la bombe qui a explosé au poste du PC de wilaya III, des maquis des Messalistes, des oppositions entre les dirigeants de l’intérieur et ceux de l’extérieur, et de l’opposition entre les dirigeants de l’extérieur basés à Tunis (plus tard, le GPRA) et ceux basés auparavant au Caire, nous renseigne Dda rachid. La lecture de cette œuvre est une véritable embarcation dans un voyage à revisiter le passé qui a mis le cap sur les rives de la glorieuse révolution de Novembre par des témoignages poignants, des documents officiels datant de la guerre de libération dont deux lettres adressées par Si Amirouche au GPRA sous formes de cri d’alarme, des photos des homme les plus influents de la révolution ainsi que des photos d’anciennes constructions de valeur qui, la plupart d’entre elles, ont subi des transformations ou on été complètement éradiquées. Dans ce premier tome, l’auteur rêve que la Soummam redeviendra «La vallée des héros» tel que nommée après la tenue du congrès de la Soummam, au lieu d’«une vallée pourrie» tel que appelée par les Français pour la même raison. Mais, si l’auteur l’avait désigné ainsi, c’est pour des considérations purement économiques. Sur ce sujet, l’auteur met en relief la dégradation à vu d’œil de son paysage surprenant sous l’œil complice de nos dirigeants. Ce livre paraîtra incessamment puisque 5 éditeurs au total ont émis le vœu de le publier, nous révèle Dda rachid. A une question qui se rapporte au titre du livre, l’auteur nous répond : «J’ai intitulé ce livre, Le dernier témoin, puisque je suis le dernier des compagnons de Si Amirouche encore en vie», dit-il. Avant de nous séparer, M. Adjaoud nous dira : «Vous les jeunes, vous devez comprendre que la guerre d’Algérie n’est pas basée sur la duperie tel que le colonisateur veut nous le faire croire, même après l’acquisition de notre indépendance. Nous avons lutté pour une cause jute avec une armée régulière qui a respecté la morale qui régit les guerres, contrairement à l’occupant qui a usé de tous les moyens abjects et inhumains et des méthodes barbares qui ont dépassé les limites de la perversion au point où il n’était plus possible de leur opposer la raison et la sagesse. D’ailleurs le terrorisme que notre pays a connu en est une parfaite illustration. Si Dieu me prête vie, je vais écrire un livre sur les 18 ans de terrorisme qu’on a connus, et avec un peu d’extrapolations de cette période que vous avez vécue sur celle qu’on a vécue, vous saurez distinguer le vrai de l’ivraie».

Tahar Bouallak

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