706 milliards détournés en 15 ans ?

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L’implication présumée de deux anciens ministres de la Solidarité nationale dans les affaires de corruption, citées ces derniers jours par la justice algérienne, démontre à quel point le tentaculaire fléau n’a même pas épargné le secteur de l’aide et de la charité. Cités à comparaître devant les magistrats instructeurs, les anciens ministres de la Solidarité nationale, Djamel Ould Abbès, 85 ans, ayant dirigé ce département entre 1999 et 2008, devra répondre sur de présumées affaires de dilapidation des deniers publics, autant que Saïd Barkat, 70 ans, qui a été à la tête de ce ministère, en 2012.

Ces révélations sur les supposées sommes détournées de ce ministère, qui s’occupe des démunis et des populations fragiles, témoignent de la gabegie qui a toujours caractérisé les actions de solidarité y compris à l’échelle locale, notamment durant le mois sacré de Ramadhan. Bien qu’ils soient à «petite échelle», les soupçons de détournement d’argent et de biens alimentaires ou autres destinés aux nécessiteux et individus fragiles ont toujours émaillé les opérations de solidarité.

En témoigne les scandales relayés par les médias et ayant éclaboussé les structures en charge de la distribution de ces aides, notamment le Croissant-Rouge algérien et les Commissions sociales de certaines APC. D’où les querelles internes qui ont maintes fois paralysé le fonctionnement des Comités locaux du CRA sans oublier les bagarres et autres bousculades que connaissent les sièges des APC, lors des opérations de distribution de ces aides fournies par l’Etat dans le cadre de la politique de la solidarité nationale.

A moins de vingt-quatre heures du début du mois de Ramadhan, d’aucuns se focalisent sur les opérations de solidarité qui brassent des milliards de centimes. Même si pour cette fois-ci, les couffins alimentaires sont remplacés par des chèques libellés aux bénéficiaires à une somme minimale de 5000 dinars/famille, il n’en demeure pas moins que la transparence dans la gestion des fonds qui y sont destinés est sujette à des soupçons, en ce sens que les scandales et soupçons de détournement, avérés ou supposés, ont toujours prévalu à l’occasion.

Pendant que les personnes nécessiteuses ou fragiles éligibles au soutien de l’Etat percevaient d’une façon aléatoire les aides de la Solidarité, des sommes faramineuses ont été injectées dans les comptes des Associations et ONG, en relation avec le ministère de la Solidarité nationale, sans motif avéré sur le terrain, selon les dernières révélations diffusées, avant-hier, par la chaîne d’information continue Dzaïr news.

Plus de 706 milliards de centimes auraient été alloués d’une façon soupçonneuse à des Associations et ONG, dont certaines sont fondées ou présidées par Djamel Ould Abbès, alors qu’il était à la tête de ce ministère, selon la même source. Le même chaîne avait indiqué que «la justice a ouvert des enquêtes sur, notamment, le financement des Associations présidées par Djamel Ould Abbès et sur des conventions illégales signées par Saïd Barkat».

Ces affaires concernent, selon Dzaïr news, «un montant de 706 milliards de centimes qui auraient été détournés durant 15 ans», soit durant les périodes où les deux personnages influent du FLN étaient à la tête du département de la Solidarité nationale. La chaîne d’informations affirme qu’ «un PV de la justice situe la période entre 2001 et 2016» et que «le procureur de la République en charge du dossier a adressé des convocations à 21 personnes présumées impliquées dans ces affaires de détournement, parmi lesquelles 9 cadres du ministère.

Les 12 autres personnes sont celles ayant présidé les Associations et ONG en relation avec le ministère, au temps d’Ould Abbès et de Saïd Barkat». Deux grandes associations soupçonnées d’avoir bénéficié de ces «aides fictives» sont présidées par le ministre lui-même. Il s’agit de l’Association africaniste de la médecine d’urgence, qui aurait bénéficié de «52 milliards de centimes en 2007 sous couvert de l’acquisition de 250 bus scolaires».

L’association «Paix et solidarité», fondée et présidée par Ould Abbès également, aurait «reçu une somme de 43 milliards de centimes sous couvert d’acquérir des bus au profit des victimes des inondations de Ghardaïa», en 2010. «Ces bus n’ont jamais été acquis», affirme Dzaïr news, laquelle se réfère à des documents qu’elle dit avoir obtenus de sources crédibles. D’autres associations sont citées par la justice pour avoir «reçu des sommes faramineuses pour leurs supposées activités lesquelles n’ont jamais ou peu été honorées».

Il s’agit de la Fédération nationale des handicapés moteurs (49 milliards de centimes), de l’association «Lalla Nafissa pour la promotion de la femme», l’association «Iqra» et l’association «Flambeau de vie plein air». Cette dernière aurait reçu une somme de «10,8 milliards de centimes qui devaient être destinés aux femmes nécessiteuses et aux orphelins du sud du pays». Mais le plus gros lot, selon Dzaïr news, est le supposé «détournement d’argent dont a été complice l’Union des étudiants algériens et dont la somme est de l’ordre de 556 milliards de centimes entre 2010 et 2012 (période où Saïd Barkat était à la tête de ce département)».

Destinée, selon la même source, à l’acquisition des ambulances et aux aides aux étudiants dans le besoin, cette ONG estudiantine n’a pourtant aucune relation avec le ministère de la Solidarité nationale «si ce n’est son président qui s’avère être un haut fonctionnaire de ce ministère», a conclu Dzaïr news, se référant toujours aux documents qu’elle dit avoir en sa possession.

M. A. T.

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