Grands moments de cirque à Béjaïa

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Mardi dernier, le cirque Amar, « Florilegio », a entamé sa tournée nationale de 2015 par la ville de Béjaïa. Installé sur l’air du parking jouxtant le siège de la wilaya, autrefois lieu d’érection du Souk El-Fellah de la ville, le chapiteau du cirque brillait de mille feux, avant-hier en début de soirée. Arrivés sur les lieux deux jours auparavant, les techniciens ont vite fait d’occuper les lieux en y plaçant leurs installations à grande vitesse. Le chapiteau n’avait pas réussi à faire salle comble, en cette première soirée, même s’il y avait eu une foule nombreuse. Les spectateurs étaient venus essentiellement en famille ou en petits groupes. Le spectacle a commencé vers dix-huit heures par un numéro de fauves dressés par un spécialiste venu du Mexique. (Une douzaine de nationalités seront représentées dans ce cirque, à cette occasion). Il présentera un lion avec sa magnifique crinière et deux lionnes à qui il fera faire quelques acrobaties, pour le plus grand plaisir des enfants et de l’assistance qui a beaucoup apprécié au vu des chaleureux applaudissements qu’ils ont faits. Après les lions, ce fut au tour des tigres, annoncés comme étant les plus dangereux et les plus féroces animaux sur la planète. Deux tigres blancs de Sibérie et deux autres tigres du Bengale sont venus exécuter leurs numéros sous le regard émerveillé de l’assistance.

Plusieurs animaux présentés 

Durant deux heures, le cirque en a mis plein les yeux aux spectateurs. Acrobaties aériennes sans filet de sécurité jongleur, dresseur de serpents et de crocodiles, numéros de dressage d’un cheval arabe, de poneys, de zèbres, un hippopotame,… Au total, près d’une vingtaine d’animaux ont ainsi assuré le spectacle d’ouverture de cette période de cirque prévue jusqu’au vingt-quatre de ce mois en cours. Approché par nos soins durant l’entracte, Steve Tony, le directeur du cirque, nous a expliqué qu’à ses yeux, il était important de rapprocher les gens des animaux qui ont toujours fait partie de notre environnement dans le passé. Il y avait une sorte d’échange entre les hommes et les animaux, chacun rendant service à l’autre, à sa manière. Le cirque redonne ainsi l’occasion au public de renouer le contact avec ses animaux. Les numéros présentés étaient très variés. On passait allègement du spectacle de fauves à un moment de danse hindoue, ou de présentation d’un numéro clownesque avec ses éclats de rires. Il y eut aussi des moments très émouvants, quand un acrobate a exécuté une danse aérienne sur un fonds musical fort, riche en émotions. Une danse indienne fut aussi programmée, ainsi qu’un numéro de magie très attendu par le public. Mais ce n’étaient que des numéros classiques qui ont été présentés. Des numéros déjà assez connus, dont youtube regorge à profusion, dévoilant même les astuces et les subtilités des tours présentés. Ce fut, à notre avis, le moment le moins magique de cette soirée. De la magie, il y en a pourtant bien eu, mais c’était durant l’entracte, lorsque les animateurs de cirque ont invité les enfants à faire un tour de piste sur les dos des poneys. Les visages des enfants se sont illuminés, et leurs parents se bousculaient pour les prendre en photos. Le spectacle a terminé en apothéose, lorsqu’un numéro de motos a été présenté au public. Deux, puis trois de ces motos ont été rentrées dans une sorte de cage en forme de boule. À toute vitesse, les engins ont exécuté des numéros d’un extrême danger. Mais ce fut un grand moment de cirque. Les organisateurs ont même invité un spectateur volontaire à pénétrer dans la cage, se mettre au milieu de la scène et de laisser les motos exécuter leur dangereux numéros autour de lui. Cela a augmenté le suspense du public qui avait retenu son souffle. L’expérience en valait certainement la peine, mais il faut reconnaître que le risque pris, même calculé était très grand.

Interactivité 

L’interactivité entre les organisateurs et le public fut aussi une grande réussite, quand le clown de service a fait participer cinq jeunes à une expérience d’équilibrisme à laquelle ils n’étaient pas du tout préparés. Ce fut aussi une des questions sur lesquels nous avons discuté en aparté avec Steve Tony, le directeur du cirque. Y aurait-il, selon lui, un balbutiement indiquant l’espoir de voir un jour, des artistes de cirque des dresseurs et des acrobates algériens ? Ce à quoi il nous a répondu, le sourire aux lèvres, que trente pour cent du personnel de son cirque sont algériens. Depuis douze ans qu’il est en Algérie, il ne cesse d’intégrer et de former des algériens aux différents aspects liés à la gestion technique, acrobatique et artistique de son crique. Selon lui, une douzaine d’algériens ont déjà été formés par ses soins (originaires essentiellement de la région de Blida). Ils exercent actuellement à l’étranger, comme en Russie ou en Amérique du Sud. De plus, une partie du personnel technique de cette soirée sont algériens. C’est le cas du dresseur du cheval arabe, le responsable de la sono et de la musique, les joueurs de tambours,… et de Widad Rahmoun, la chargée des relations publiques du crique. Il y a, en effet, des potentialités intéressantes à exploiter, pour peu que Florilegio trouve les financements nécessaires pour créer une école itinérante du cirque en Algérie.

Le prix du billet

Le manque de financement est aussi une des raisons pour lesquelles le prix du billet est aussi cher. Mille six cents dinars la place est hors de prix. Même si certaines places coûtent un peu moins cher, ça demeure quasiment inaccessible au grand public, à la bourse modeste. Steve Tony nous a ainsi expliqué qu’il était à la recherche de sponsors pour permettre à son spectacle de baisser les prix et de rendre le billet accessible au plus grand nombre. Selon nos calculs, pour ce chapiteau d’environs mille cinq cents places et pour une vingtaine de représentations, le chiffre d’affaire du cirque devrait se situer autour de quarante millions de dinars. Ce n’est pas une grosse somme au vu des moyens mis en place, des charges dues à la gestion du cirque, des assurances, de la nourriture des fauves, des frais de déplacements, des salaires, des équipements,… Ce n’est pas le parrainage accordé par le ministère de la Culture qui suffira à faire face à ces gigantesques frais de fonctionnement. Toujours est-il, il y a une certaine volonté d’encourager le cirque en Algérie, et même si tout le monde ne peut pas encore y accéder, il faudra persévérer dans cet effort, et durer suffisamment longtemps pour créer une tradition dans ce domaine, former des talents et assurer la relève. Quand même, au vu du nombre de spectacles prévus en deux semaines, quelques trente mille places sont ouvertes à ceux qui pourront se permettre le prix des billets, en attendant de meilleures occasions.                                        

N. Si Yani

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