«Il faut intensifier la sensibilisation sur ce mal»

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La Dépêche de Kabylie : À priori, que peut-on dire sur le phénomène du suicide dans la wilaya de Tizi-Ouzou, présentée comme première à ce podium macabre ?

Pr Ziri : Cela est faux ! Tizi-Ouzou n’est pas classée première en matière du suicide. C’est une thèse que j’ai toujours contestée. Car les chiffres que nous avons ne démontrent pas que c’est la réalité.

C’est-à-dire…

Au fait, pour confirmer cette thèse qui renvoie au fait que la wilaya de Tizi-Ouzou détient la tête du podium en matière de suicides enregistrés sur son sol, il faut connaître l’ensemble des chiffres enregistrés à l’échelle nationale. Il faut préciser qu’au jour d’aujourd’hui, il n’existe aucune étude prospective à l’échelle nationale en dehors de quelques études faites par certains établissements hospitaliers.

Lesquelles ?

Il y a des études au niveau de l’EHS Fernane Hanafi, ainsi qu’au CHU Mohamed Nedir. Outre celles-ci, nous n’avons pas d’autres études exhaustives. Nous sommes les seuls à avoir fait une étude prospective, descriptive et très approfondie pour connaître l’exactitude des suicides au niveau de la wilaya de Tizi-Ouzou. Une étude qui nous a permis d’acquérir beaucoup de renseignements et d’informations du reste quant au profil du suicidaire au niveau de la région. J’aimerais également ajouter que dans le monde, les Etats-Unis qui est un pays développé est celui qui enregistre le plus grand taux de suicide sur terre, avec 32 pour 100.000 habitants.

Peut-on avoir des chiffres concernant la wilaya de Tizi-Ouzou ?

En ce qui concerne notre wilaya, les chiffres que nous avons enregistrés de 1999 à ce jour, dévoilent que l’incidence du suicide varie entre 4 à 6 pour 100.000 habitants. Et ma foi Alger et la région de l’oranais enregistrent des taux plus important que ceux là.

Comment expliquez-vous en tant que psychiatre le recours à l’acte du suicide ?

Les explications sont diverses à ce sujet. Il en existe plusieurs aspects, notamment psychologique, philosophique, sociologique et génétique. Mais il y a également l’aspect religieux. Toutes ces idées et causes peuvent expliquer la genèse et l’étiologie d’un suicide. Nous avons surtout remarqués énormément de cas relatifs à la difficulté de la vie des citoyens, quelle soit sociale, physique, affective ou encore ce qui relève de l’honneur. Il y’a également les troubles psychiques et mentales qui peut être à l’origine de cet acte. Ces dernières ont, d’ailleurs, une très grande part dans la genèse et le cas échéant du suicide. De plus, il y a la longévité de la vie. Si nous repartons dix ans en arrière, l’espérance de la vie n’était pas aussi importante. Ces dernières années, nombreux sont les gens qui supportent mal la vieillesse. Car il faut signaler qu’il y a beaucoup de cas de dépression chez les sujets âgés qui ne sont pas connus. Actuellement, la dépression des sujets âgés est méconnue. Elle est responsable de pas mal de suicides. Parmi ces facteurs aussi, citons les difficultés enregistrées en milieu professionnel, le harcèlement, le stresse, ainsi que le problème de l’emploi et sa précarité. Ces dernières années, nous assistons également à un autre problème qui ne cesse de se répéter, mais qui est considéré comme tabou car les familles et les amis n’en parlent pas. Il s’agit du suicide des jeunes femmes qui tombent enceintes dans des relations non déclarées. Cette situation peut parfois conduire aussi au suicide. Sans oublier de parler des conduites additifs, c’est-à-dire la consommation de la drogue qui prend de plus en plus de l’ampleur, notamment en milieu scolaire et universitaire. Cela aussi peut être incriminé dans la survenue du suicide. C’est pour cela, le travail de sensibilisation ne devrait jamais cesser envers ces franges à la merci de ces situations d’instabilités pour ne pas dire de désespoirs.

Entretien réalisé

par Samira Bouabdellah

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