Envoûtante Nouara

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Arezki Azzouz, le talentueux animateur de l’émission “Tibugharin G’id”, a tenu le public et les auditeurs en haleine durant une bonne dizaine de minutes. L’auditorium de la radio affichait en effet complet, en cette soirée de mercredi. La salle était bondée de monde. Il y avait des artistes, des hommes de culture et surtout des dizaines d’anonymes venus écouter la mythique voix de Nouara. Certains sont venus surtout par crainte de ne plus voir l’artiste se produire sur scène, d’autres sont venus témoigner et raconter un épisode vécu avec la star de la soirée. Vêtue d’une robe kabyle et coiffée d’un foulard, Nouara fait son apparition sur scène sous un tonnerre d’applaudissements, et les acclamations d’un public qui connaît la carrière de l’artiste.Elle rend le salut, debout devant l’orchestre de la radio rejoint pour la circonstance par le maestro Rabah Tissilia et sa chorale de chants polyphoniques venus de la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. Sans trop tarder, l’animateur de l’émission prie son invitée de commencer la soirée par une de ses plus belles chansons. Accompagnée par un orchestre de connaisseurs, Nouara entame “Sigh lmesbah” (allume la bougie) sous les acclamations du public, toujours attentif.Cette chanson dont les paroles ont été écrites par le poète Benmohamed, et la musique composée par M’djahed Hamid, a été interprétée au début des années 1970. Malgré le poids des années, Nouara n’a rien perdu de sa voix. on dirait qu’on est en train d’écouter la jeune Nouara en début de carrière. La chanson finie, Nouara retourne auprès de l’animateur, pas pour chanter mais pour parler. Et la question qui revient le plus souvent est “Pourquoi Nouara ne chante plus ?”. La réponse et mystérieuse mais osée. l’artiste qui n’exclut pas de retourner à la chanson un jour, explique qu’elle était obligée de choisir entre l’art et ses parents. Elle interroge même le public qui lui répond qu’elle peut sauvegarder les deux. Mais le choix semble être fait. Nouara ne chantera plus, du moins en public.Arezki Azzouz, l’animateur, informe l’assistance et les auditeurs que des invités surprise seront appelés en renfort. ça commence. Et le premier n’est que l’autre grand, Aït Menguellet. l’émotion est à son comble. Lounis rappelle à Nouara qu’ils avaient fait un duo. Elle ne se souvient pas vraiment. Et le poète est gêné “à divulguer le titre de la chanson, et la chanson s’appelle “nek tsin hugegh nefraq” (je me suis séparé de celle que j’aime). La pudeur avait fait que Lounis a trouvé du mal à prononcer la phrase. Puis, Nouara demande à Aït Menguellet de lui réciter un de ses plus beau poèmes. Elle a même eu du plaisir à chanter avec lui “lemer ad-as hesegh i wul-iw” (si j’ai entendu mon cœur).Une chanson mythique des années d’or d’Aït menguellet qui plonga l’assistance dans une nostalgie pleine de mélancolie.Ce fut par la suite autour de Farid Ferragui de raconter son “aventure” avec la diva qui l’avait accompagnée pour une chanson intitulée “Khas hemlegh-k” (même si je t’aime) en 1996. Là aussi, Nouara ne se souvient point des paroles, à peine si elle se rappelle de l’air. Elle raconte, par contre, que les gens croyaient qu’ils vivaient une histoire ensemble. Entre chaque intervention d’artistes, l’animateur demande à la star de la soirée de chanter une de ses chansons. “Amek e Tebgham ul…” (comment voulez-vous que mon cœur aime un autre ?) et d’autres belles interprétations ramènent encore le public à des années lointaines.Emus, beaucoup de présents ne se sont pas gênés de verser de chaudes larmes. L’émotion était accentuée par la vivacité de cette voix qui n’a rien perdu de sa beauté. La soirée s’est poursuivie par un défilé interminable de chanteurs, avec chacun son anecdote. Medjahed Hamid, Chérif Hamani, Ouazib, Ali Meziane, Shamy et autre Si Moh ont tenu à partager l’hommage rendu à leur aînée. On apprendra d’ailleurs que la chanteuse a répété en 1969 la chanson “Sigh lmesbah” au téléphone avec Medjahed Hamid.Comme on ne peut pas parler de Nouara sans citer Chérif Kheddam, l’animateur a tenu à faire participer le maestro à l’émission. Il est intervenu par téléphone à partir de Paris pour apporter son témoignage. C’était aussi le cas de Idir qui, même s’il n’avait pas chanté avec Nouara avait tenu à lui rendre hommage.Trois heures durant le public a été envoûté et enchanté d’entendre une des plus belles voix de la chanson algérienne se produire en direct. Ni le poids des ans (Nouara part à la retraite ce mois-ci) ni l’éloignement de la scène, n’ont entamé la beauté de la voix de Nouara, qui a avoué que même si elle n’a rien gagné sur le plan matériel, le public et son affection lui ont suffi.Et c’est justement la meilleure des victoires. La seule qu’une artiste la trempe de Nouara peut avoir. Espéré.

Ali Boukhlef

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