«Le réseau d’assainissement n’est pas une poubelle ! »

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Dans cet entretien, Amar Khendriche, le directeur de l’ONA de Bouira, revient sur le rôle de l’office qu’il gère, ses principales missions et sur les contraintes que les agents rencontrent au quotidien. M. Khendriche parle également des objectifs de l’office, dont le principal est la couverture totale des 45 communes de la wilaya à l’horizon 2017.

La Dépêche de Kabylie : Pourriez-vous pour commencer nous résumer l’historique de l’office ?

M. Khendriche : L’ONA de Bouira a été créé en 2005 et a dépendu pendant 2 ans de l’unité de Tizi-Ouzou. En 2007, l’antenne de Bouira devenait un centre à part entière. Au départ, il gérait seulement le centre de Bouira, mais à présent, nous disposons de cinq centres implantés au niveau de cinq daïras mères (Bouira, Lakhdaria, Sour El Ghozlane, Aïn Bessem et M’Chedallah). L’ONA de Bouira compte un effectif de 260 employés et plusieurs parcs au chef-lieu et à travers les daïras. L’office gère également les trois stations d’épuration : celles de Bouira, de Lakhdaria et de Sour El Ghozlane. Côté moyens, nous disposons de cinq camions hydro-cureurs, 2 camions vide-fosses (aspiratrices), 7 camions double-cabines-bascules et 6 camions de 2,5 tonnes à bennes plateaux. Nous disposons aussi de petits engins tels les motopompes, ainsi que de matériel d’intervention manuelle.

Quelles sont les missions de l’Office ?

L’une de nos missions est la protection de la nature contre la pollution. Par exemple, au niveau des stations d’épuration, nous récoltons toutes les eaux usées de la ville que nous traitons. Ces stations sont implantées en amont des barrages. Celle de Bouira en amont du barrage de Tilesdit, celle de Sour El Ghozlane en amont du barrage Lakhel et enfin celle de Lakhdaria est en amont du barrage de Beni Amrane. Ces eaux traitées sont rejetées dans les oueds et réutilisées par les agriculteurs pour les besoins d’irrigation. Quand on épure ces eaux, on récupère des boues qui sont utilisées comme des engrais naturels de grande valeur. Dans certains pays elles sont carrément vendues. Chez nous, il y a un travail de sensibilisation à l’endroit des agriculteurs à l’effet de valoriser ces boues qui leur sont offertes gratuitement. L’expérience a fait ses preuves dans notre pays. A Tizi-Ouzou, cette expérience a donné de bons résultats. Au niveau de Bouira, nous avons déjà entrepris avec les responsables du parc national du Djurdjura (PND) et quelques fellahs des démarches dans ce sens. On a des contacts avec la DSA et la chambre de l’agriculture pour encore valoriser ces boues. Il y a aussi tous les déchets qu’on récupère des réseaux. On ne les jette pas dans la nature, on les achemine vers les CET.

Récemment, un chef de daïra a demandé l’installation de l’ONA dans les communes de sa circonscription, cela suppose que vous n’êtes pas implantés dans toutes les communes de la wilaya ?

Actuellement, on est présent à travers 33 communes sur les 45 que compte la wilaya. Pourquoi ? C’est parce qu’on suit l’ADE. L’Algérienne des eaux gère 36 communes et nous sommes dans 33. Comme vous le savez, nous vivons d’une redevance (taxe) d’assainissement incluse dans la facture de l’eau dont s’acquitte chaque citoyen. L’ADE la reverse ensuite à l’ONA. Donc, on suit l’évolution de l’ADE. Ceci étant dit, nous avons, à plusieurs reprises, saisi toutes les communes dans l’optique de signer des conventions. Mais on n’a pas eu d’écho favorable. Lors de la dernière session de l’APW, le wali a instruit les chefs de daïra de saisir les communes pour signer des conventions avec l’ONA. C’est bénéfique pour les communes car elles ne paient rien. En fait, nous allons les soulager d’un fardeau. Notre objectif c’est d’arriver à une couverture des 36 commune où est présente l’ADE d’ici décembre et la couverture de la totalité des 45 communes de la wilaya en 2017. Ce qui va nous permettre de disposer d’autres moyens. Les moyens viennent en fonction des communes gérées.

Qu’en est-il de la couverture de la daïra de Bordj Khris ?

Comme je l’ai expliqué, l’office est implanté dans les cinq daïras mères. Par exemple, l’unité de Bouira gère les daïra de Bouira, Haizer et Bechloul. Pour ce qui est de Bordj Khris, nous voulons y installer une antenne. Il est vrai cette daïra est éloignée du centre de Sour El Ghozlane dont elle dépendait jusque-là. Nous avons déjà saisi le chef de la daïra pour nous dégager un local et des agents dans le cadre des dispositifs d’emplois. Les démarches sont actuellement en cours et cela se concrétisera d’ici le premier trimestre 2017.

Peut-on connaître les différentes interventions que vous effectuez au quotidien ? Des chiffres peut-être ?

Nous intervenons dans les opérations du curage des réseaux d’assainissement. Il y a deux types de curages : celui préventif et il se fait suivant un programme élaboré à l’année. Il y a celui curatif. On a recours au curatif quand un citoyen fait appel à nos services où dans le cas des débordements ou stagnations des eaux. Pour les déchets récupérés, ils sont ramenés au niveau des CET. On paie 1 200 DA pour chaque tonne de déchets déposée dans les centres d’enfouissement. Il faut aussi noter qu’on a la certification ISO 14001 et nous n’avons pas le droit à l’erreur. On ne peut pas jeter les déchets dans la nature surtout les produits dangereux. On a souvent recours au tri sélectif dans le cadre de conventions que nous avons signées avec des centres spécialisés. Pour les chiffres, l’ONA a procédé, par exemple sur la période allant du 20 octobre au 9 novembre derniers, au curage de 144 regards et 540 avaloirs. Rien que pour la journée du 7 novembre, où des intempéries ont été enregistrées, on a effectué 43 interventions aux quatre coins de la wilaya. Sinon, en temps normal, nous effectuons en moyenne une dizaine d’intervention par jour.

Dans vos missions, quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?

Nous sommes souvent confrontés au phénomène des avaloirs bouchés surtout en temps de pluie. Beaucoup pensent que c’est notre rôle de gérer ces avaloirs alors qu’en fait, nous ne gérons pas le réseau pluvial mais celui de l’assainissement. Mais nous intervenons quand même pour aider les communes et les citoyens, car nous ne pouvons pas laisser les quartiers et les rues inondés. Je tiens à souligner que les gravats et autres matériaux de construction entreposés sur les trottoirs et aux abords des routes posent un vrai problème. Quand il pleut, il y a systématiquement un charriage de ces matériaux, ce qui finit par boucher les avaloirs. Ce qu’on extrait comme déchets au niveau des stations d’épuration est énorme à Bouira comparé à d’autres wilayas. A vrai dire, les réseaux d’assainissement sont mis à rude épreuve. On doit faire un travail de sensibilisation pour expliquer aux gens que les réseaux d’assainissement ne sont pas des poubelles.

Comment jugez-vous le rythme de travail des équipes d’interventions ?

Le rythme est intense. Il y a des jours où la tâche n’est pas du tout facile, notamment quand il faut intervenir dans plusieurs endroits. Nous manquons cruellement de personnel. Mais c’est surtout quand il pleut que c’est plus compliqué, sinon en temps sec, le rythme de travail est correct.

Un dernier mot…

Je profite de cette occasion pour lancer un appel aux citoyens. Nous les prions de ne pas jeter les déchets n’importe où et de respecter l’horaire de passage des camions de ramassage des ordures. Je tiens aussi à dire que tous (citoyens et responsables) doivent conjuguer leurs efforts pour éviter que les scenarios des inondations ne se reproduisent. Je peux vous assurer que ces inondations sont dues au charriage des déchets. Avec un peu de civisme, on évitera toutes ces stagnations des eaux pluviales au niveau des points noirs de la ville de Bouira.

Entretien réalisé par Djamel Moulla

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