Les Keramane crient à l’injustice

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Après près de deux longs mois d’attente et de suspense, le procès de l’affaire Khalifa a connu son dénouement dans la joie des familles des acquittés et surtout dans un désarroi incommensurable pour les proches des personnes condamnées. Explosions de joie et cris de détresse se mêlaient à la lecture de l’énoncé des verdicts par Mme Fatiha Brahimi, celle-là même qui avait promis d’être clémente. Réagissant à leurs condamnations, Abdelwahab et Abdenour Keramane, respectivement ex-gouverneur de la Banque d’Algérie et ancien ministre de l’Industrie, considèrent à travers une déclaration parvenue, hier, à notre rédaction, que leur condamnation obéit « non pas une décision de justice mais à une violence dirigée par un pouvoir politique (…) fondée sur une machination grossière ». A voir de plus près les condamnations prononcées -plus d’une quarantaine- il ressort clairement que la justice a abattu sa main lourdement sur les responsables des caisses sociales et ceux ayants occupé des postes-clés dans la banque Khalifa, tandis qu’elle a été, de l’avis de certains avocats, magnanime envers les personnes accusées de simples délits. Ces dernières ont été présentées, surtout par le représentant du ministère public, comme des corrompues sans scrupules qui ont bénéficié des largesses de Moumen Khalifa, telles que les cartes thalasso, des voitures ou bien encore les cartes de gratuité sur les lignes de sa compagnie aérienne, Khalifa Airways.

Un réquisitoire vite battu en brèche par les avocats de la défense qui ont mis à nu une qualification des plus cocasses vu que le corrupteur est inexistant. C’est d’ailleurs ce qu’a corroboré avec justesse une des avocates lorsqu’elle avait affirmé que la chambre d’accusation s’est laissé faire par « un travail bâclé », sinon le nombre des personnes accusées par l’instruction aurait été beaucoup moins élevé. Un impair que le tribunal s’est cru obligé de réparer en concédant autant d’acquittements. Concernant les condamnations par contumace, des personnes en fuite, à leur tête Abdelmoumen Rafik Khalifa, à de lourdes peines, celles-ci étaient prévisibles dans la mesure où ces individus avaient préféré prendre la poudre d’escampette en lieu et place de défendre leurs causes. Par ailleurs, l’on ne peut faire l’impasse sur ces moments de détresse et de douleur durant lesquelles les familles des personnes écrouées ont proféré des commentaires au vitriol à l’endroit du tribunal, accusé d’être « aux ordres ». Profondément éplorés, celles-ci ont crié leur colère de voir les leurs payer à la place de certains, notamment ceux ayant assumé fortement leurs responsabilités. Le verdict rendu donne l’impression d’avoir susciter un grand sentiment d’injustice parmi les condamnés et leurs familles.

Ne pouvant sortir des limites de l’arrêt de renvoi, comme le stipule la procédure judicaire, la présidente du tribunal s’est offusquée, en des termes sibyllins, de voir des témoins défiler devant la barre alors que le simple bon sens les aurait confondus dans les habits d’accusés. C’est cette « iniquité » dans le traitement des mis en cause, que les familles des accusés ont brocardés. Car, traiter tout le monde sur un même pied d’égalité, au delà d’établir l’équité, avait allégé le faix de la condamnation sur les frêles épaules des inculpés. Le tribunal a ouvert, par ailleurs, à un moment donné, des pistes même escarpées dans les sentiers difficilement accessibles de la transparence de la justice algérienne, notamment lorsque des personnalités et des ministres avaient été dépouillé de leurs « statuts d’intouchables » pour devenir l’espace d’un témoignage, des justiciables comme tout simple citoyen. La justice va-t-elle entretenir « cet espoir » né les premiers jours du procès, d’une institution indépendante, loin des influences politiques ? Le premier des actes est de ne pas faire de l’affaire Khalifa, un procès qui sera vite oublié par la population. L’urgence est d’ouvrir d’autres instructions judicaires qui permettront au verdict prononcé mercredi d’être plus juste. Dans le cas contraire, les cris d’injustice des familles des condamnés hanteront les arcanes du tribunal de Blida.

Hocine Lamriben

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