«Il suffit d’une prise de conscience…»

Partager

Nabila Siad Hamedi, enseignante à l’université Mouloud Mammeri de

Tizi-Ouzou et spécialiste des questions environnementales et de la gestion des déchets, estime qu’il faut aller vers une gestion durable des déchets en Kabylie.

La Dépêche de Kabylie : Lors du colloque consacré à la gestion des déchets organisé avant-hier à l’APW, vous avez abordé la question de la réglementation et des lois sur la gestion des déchets et on dit que l’Algérie est en retard dans ce domaine. Qu’en est-il vraiment ?

Nabila Siad Hamedi : En effet, j’ai abordé dans ma contribution la question liée à la réglementation sur la gestion des déchets. J’ai également parlé sur les lois concernant la protection de l’environnement, le développement durable mais aussi sur la gestion des déchets et la loi communale. Pour revenir à votre question, je dirai plutôt le contraire, l’Algérie a pris conscience de cette question très tôt. D’ailleurs, elle a participé, à l’instar de la communauté internationale, à la conférence sur l’environnement de Stockholm en 1972. C’est la toute première fois où l’on parlait de la protection de l’environnement à l’échelle planétaire. C’est justement à cette occasion qu’on a tiré la première sonnette d’alarme et il a été demandé aux États d’introduire dans leurs législations nationales des lois relatives à la protection de l’environnement.

Qu’est-ce qui a été décidé par la suite en Algérie ?

Une dizaine d’année après, soit en 1983, l’Algérie a adopté sa première loi concernant la protection de l’environnement. Il s’agit de la loi 83/03. Puis en 1992, on a commencé à parler du concept du développement durable dans la conférence de Rio de Janeiro (Brésil), ou bien entendu notre pays était présent. En 2003, la loi 83/03 a été promulguée. Puis vient l’année 2016, année de l’amendement de la constitution algérienne où le droit de chaque citoyen de vivre dans un environnement sain y a été consacré. C’est dire que l’Algérie n’a pas seulement ratifié la réglementation pour la protection de l’environnement, mais elle a fait de cela un droit constitutionnel de chaque citoyen.

À Tizi-Ouzou, les déchets foisonnent…

La cause principale c’est indéniablement notre mode de consommation qui a complètement changé. Dans ma famille à titre d’exemple, je produisais une quantité importante de déchets. J’ai changé de comportement en adoptant le tri sélectif et en changeant mon mode de consommation. À présent, je ne produis presque pas de déchets d’autant plus que 90% de mes déchets sont organiques. Le compostage m’a permis de diminuer significativement la quantité de déchets. La non-prise de conscience et les comportements tant au niveau des collectivités que des citoyens sont à l’origine du foisonnement des déchets. Ce n’est pas un problème de manque de CET ou de décharges contrôlées et encore moins du manque de moyens de collecte. La loi 01/19 du 12 décembre 2001 relative à la gestion, au contrôle et à l’élimination des déchets, encourage le tri sélectif et le recyclage pour un développement durable. Cela ne demande pas de grands moyens, il suffit d’une prise de conscience et d’un peu de volonté pour mettre un terme à l’insalubrité, chose qui a été expliquée dans la loi 01/19 dans son article 2.

Parlez-nous de l’expérience de la commune de Bouzeguène ?

Bouzeguène, c’est un bel exemple. Dans cette commune, l’expérience est lancée depuis 2014. La décharge communale a été fermée, l’APC n’assurait plus de collecte et la population était obligée de trouver une parade à leurs déchets. Il a fallu réfléchir à une solution durable et rentable. Un travail de sensibilisation avec l’aide du mouvement associatif, notamment les femmes qui ont joué un rôle prépondérant. Les villages ont adopté le tri sélectif, le compostage et la vente des produits recyclables. Un employé par village a été dégagé et payé par les familles à raison de 75 DA/mois par famille, ce qui est insignifiant mais fait un salaire de 40 000 DA à l’ouvrier. Présentement, l’environnement dans ces villages est pratiquement sain et la vente des déchets recyclables constitue une source de richesse. Si ce mécanisme a réussi à Bouzeguène, il peut l’être aussi au niveau de toutes les communes et villages de la wilaya. Il faut juste un travail de sensibilisation pour une plus large prise de conscience. L’inaction coûte plus chère que l’action. Nous n’avons besoin ni de CET, ni de décharge, ni de moyens de collecte. De la volonté suffira. Il y a aussi de nombreux villages à travers plusieurs localités qui commencent à adhérer à la démarche. L’espoir est grand.

Votre appel aux citoyens et aux collectivités…

C’est tout bonnement simple, entre la nature et l’humain, il y a un lien qui est soi disant rompu actuellement. Il faut le rétablir, le reconquérir et le reconstruire pour donner l’occasion au citoyen de vivre dans un milieu sain et agréable comme consacré par la Constitution. Je dirai que transformer les déchets en matière première, c’est possible, il suffit juste d’y croire et de s’y mettre.

Entretien réalisé par Hocine Taib

Partager