«L’avenir est dans la promotion de l’industrie locale»

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La Dépêche de Kabylie : Pour commencer, quel est l’objectif de ces Journées ?

Dr Maacha Rachid : C’est très important de nouer le contact, pour suivre les dernières avancées liées au domaine et échanger les expériences. C’est aussi l’occasion de parler de la pharmacie, de son état actuel, de son évolution et de ses aspirations. Il y a aussi un peu de pharmaco-économie. Le CHU de Tizi Ouzou va se lancer bientôt dans la greffe de la moelle pour les leucémiques. L’EHU d’Oran y est spécialisé. Il y a au programme une communication qui va nous expliquer les économies à faire et comment prendre en charge ces greffes à moindre coût. Je cite cela à titre d’exemple pour justement illustrer un des objectif qui n’est pas des moindres.

Quelle est l’actualité de la pharmacie hospitalière dans le pays et plus particulièrement au CHU de Tizi Ouzou ?

Aujourd’hui, la pharmacie hospitalière a atteint un degré où il faut passer à un stade supérieur. C’est fini l’époque où le pharmacien est là juste pour faire le bon de commande et ramener le produit. Le nombre de malades augmente et il faut gérer avec le même budget. Il faut gérer avec rationalité et intelligence. On n’a plus aujourd’hui les moyens d’apporter les princeps ou ce que nous appelons les molécules mères.

On est obligés de se rabattre soit sur les génériques soit sur le bio-similaire. C’est seulement avec ça que nous pouvons faire des économies et promouvoir une industrie locale algérienne. Le pays ne peut plus importer jusqu’à trois, quatre milliards de dollars chaque année. Il faut que l’argent de l’investissement aille justement dans ces produits. On a les compétences nécessaires, des spécialistes en galénique, en analytique en biochimie, des pharmaciens. L’université de Tizi-Ouzou forme des chimi-pharmaceutiques. Aujourd’hui, il faut produire local et même penser à exporter vers l’Afrique noire. On ne peut plus rester dans l’état actuel. Maintenant, s’il y a une molécule nouvelle qui pourrait donner plus d’espoir aux malades cancéreux, on sera obligé de la prendre, sinon il faut faire des économies.

L’idée de non-efficacité des produits génériques est répandue, qu’en est-il réellement ?

C’est une idée qu’on doit vraiment combattre. La différence entre le princeps et le générique, c’est qu’au départ même les génériques était des princeps, mais au bout de 20 ans, le laboratoire ayant fait beaucoup de gains, le principe actif devient de propriété publique. Donc, n’importe qui peut avoir cette formule. Le médicament est composé du principe actif et de l’excipient. Le principe actif est le même, ce qui change dans le générique c’est l’excipient et la différence est minime. Il y a des lobbies qui veulent placer leurs princeps et répande cette idée. Seulement, si on veut faire des économies on n’a pas le choix. Je vous donne l’exemple de la France. Elle est en train d’encourager les génériques, il n’y a donc pas de raisons pour que l’Algérie ne le fasse pas. La dépense en oncologie dans un CHU avoisine les 65%. Ce sont des centaines de milliards.

Le problème de la pénurie de certains médicaments dans les hôpitaux, vous le gérez comment ?

Il y a une pénurie de médicaments dits de confort. Le milieu hospitalier est un milieu d’urgence. On est plus dans l’injectable que dans le comprimé. Ce dernier, on le laisse à l’officinal. L’injectable est plus que disponible. Le traitement existe. Pendant la période d’hospitalisation, on n’envoie jamais le malade à l’extérieur pour en acheter. Même quand on a un manque de produit ici à Tizi-Ouzou par exemple, il y a le système des décharges inter wilaya. Ce système nous aide à prendre le malade en charge.

La pharmacovigilance, où en est-on ?

Il y a une équipe d’Oran et Pr Toumi est présent ici. C’est un des plus grands formateurs dans la discipline. Il forme des gens de l’Est de l’Ouest,… Aujourd’hui, il y a une structure, des chefs de services, un site présidé par Pr Toumi, une boite Mail… À n’importe quel moment, on peut signaler le moindre geste, le moindre accident qui peut survenir. Cet espace sentinelle peut alerter les pouvoirs publics pour le moindre effet. C’est pour cela que de temps en temps vous recevez dans les bulletins de télé que telle ou telle molécule est retirée. Les retraits se font une fois que les contrôles ont été faits, une fois que des effets secondaires non déclarés sont remarqués.

Le laboratoire de pharmacovigilance décrète le retrait après avoir fait une enquête. L’avenir est dans le professionnalisme. Si demain un médecin remarque quelque chose, il n’a qu’à saisir le pharmacien de sa structure qui lui va alerter les services concernés. On a d’ailleurs à Tizi-Ouzou un travail de recherche qui est en train de se faire. On a initié un travail avec le service de neurologie, on a suivi un certain nombre de molécules pour voir l’impact réel d’une molécule médicamenteuse. C’est un travail de recherche qui sera publié prochainement par Pr Tazekrit. C’est le premier pas de la pharmacovigilance ici à Tizi-Ouzou.

Propos recueillis par Kamela Haddoum.

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