Abordé à la fin de la projection de son film en compétition, intitulé «Asmi i terbeh, joyeuse saga des Kanaris», lors du Festival culturel national du film amazigh, le réalisateur Abderrazak Larbi-Cherif parle de la JSK et des difficultés rencontrées pour se procurer les archives pour la réalisation du documentaire.
La Dépêche de Kabylie : Pourquoi ce choix sur la JSK ?
Abderezzak Larbi-Cherif : J’ai opté pour la JSK car elle fait partie de nous même et de notre région. Je me souviens quand j’étais lycéen à Tizi-Ouzou dans les années 80, j’ai commencé à aller au stade et c’est une époque qui m’avait beaucoup marquée. Au-delà du football, il y a toute cette question d’identité de la culture berbère qui se greffe à cette équipe et à ce football.
Quand je regarde une image ou un match du club, ça me fait rappeler toute ma jeunesse. À travers la JSK, on retrouve la fierté d’appartenir à ce pays, à cette culture et à cette région. C’est un peu toutes ces raisons conjuguées qui m’ont poussé à faire ce film.
Avez-vous rencontré des difficultés pour vous procurer les archives ?
Oui j’ai rencontré beaucoup de difficultés, parce que je n’ai pas trouvé tout ce que je souhaitais, notamment les matchs sur lesquels j’ai voulu revenir. J’ai pu retrouver des archives de l’ENTV et également à travers d’anciens joueurs qui ont gardé des photos et des documents et puis un certains nombre de journalistes qui ont écrit sur le sujet, des gens qui aiment la JSK qui ont pu filmer quelques séances d’une manifestation de la rue après un match de football.
Le documentaire invite à un voyage à travers les 50 glorieuses années de la JSK…
Tout à fait. La JSK a été créée en 1946, lorsque l’Algérie était sous la colonisation. C’était une bande de jeunes qui essayaient de jouer au football mais qui n’avaient pas toutes les facilités parce qu’à cette époque-là, il y avait une équipe européenne à Tizi-Ouzou qui s’appelait l’Oto, donc les autochtones n’avaient pas la chance de jouer dans cette équipe, ils étaient chassés de ce club.
À un certain moment de fierté, ils se sont dits pourquoi on ne crée pas une équipe. Ça a commencé à cette époque-là et puis dans les années cinquante, c’était la guerre de libération et le club avait arrêté de jouer. On peut dire qu’au lendemain de l’indépendance, l’équipe a repris avec un nouveau souffle dans un pays indépendant. Petit à petit, génération après génération, cette équipe s’est formée dans le sérieux, dans l’abnégation dans l’amour de la région, dans la maîtrise du football…
Il faut toujours dire que indépendamment de ces facteurs liés à la culture, à l’amour de la région aux couleurs, ces jeunes jouaient très bien au football. J’ai trouvé des articles de presse européens qui comparaient la JSK à Barcelone. Effectivement, ils avaient raison parce que Barcelone aussi possède cette particularité identitaire et culturelle.
Au milieu des années 70 et les années 80, la JSK est devenue une grande équipe sur le plan national et au-delà sur le plan africain et dans le bassin méditerranéen (parce que le club jouait notamment avec des clubs espagnoles, italiens…) et toujours la JSK avait sa place jusqu’au milieu des années 90. Malheureusement après, il est venu une période de déclin jusqu’à maintenant. À une renaissance de la JSK c’est ce qu’on espère. Avec cette nouvelle direction, j’espère que cette équipe redevienne ce qu’elle était dans le passé.
Dans le documentaire, vous avez interviewé l’entraîneur polonais Zywotko…
C’est quelqu’un qui a énormément marqué la JSK. On est parti le voir en Pologne, actuellement il avoisine les 100 ans. Pourquoi Zywotko, parce que à cette époque-là, le football dans l’Europe de l’Est était très développé. On se rappelle tous de l’équipe de la Yougoslavie qui était une vraie machine de football.
La Roumanie et l’Allemagne de l’Est étaient de grandes équipes. Zywotko était venu dans le cadre d’une reforme sportive. Le gouvernement algérien de l’époque avait décidé de ramener des entraîneurs de l’Allemagne de l’ouest pour effectivement épauler et donner un autre souffle au football algérien, malheureusement les autres clubs n’ont pas gardé ces entraîneurs et l’un des rares clubs à l’avoir fait c’était la JSK. Stefan Zywotko a trouvé un climat favorable au club avec Mahieddine Khalef. Ils ont formé un duo légendaire, deux hommes qui se complétaient. Chacun a fait ce qui sait faire de mieux et leur complicité a donné des résultats extraordinaires. Ils ont permis à la JSK de se développer et de devenir le grand club que l’on connaît.
Entretien réalisé par S. I.