Amar Berzouk

«Le relief, première contrainte»

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La pénurie d’eau dans certaines communes de la wilaya de Tizi-Ouzou persiste malgré les promesses des autorités. Le directeur local de l’ADE, M. Berzoug Amar, revient sur ce problème et sur celui du non-paiement des créances par les citoyens depuis le début du mouvement populaire.

La Dépêche de Kabylie : Lors de sa visite dans la wilaya l’année dernière, le ministre des Ressources en eau avait fait part d’un plan d’action pour en finir avec la pénurie d’eau dans les villages. Néanmoins, le problème persiste, comment l’expliquez-vous ?

Amar Berzoug : Effectivement, lors de la dernière visite du ministre en avril 2018, il nous a octroyé un programme de 200 milliards de centimes. Il s’agit de 54 projets à travers tout le territoire de la wilaya. Ce n’est que maintenant que nous commençons à concrétiser ces projets et à en voir les résultats. Il s’agit entre autres de la chaine MTI où nous perdions 3 000 m3 par jour, on a pu récupérer ces volumes et on arrive à satisfaire l’alimentation en eau potable de Makouda, Sidi Naaman, Mizrana et une partie de Tigzirt, et là nous somme à l’aise. Il y a la chaîne de Tassadort où nous avons réfectionné la branche vers Mâatkas et la branche vers Béni Douala et nous avons pu récupérer beaucoup de volume qui partait dans les anciennes conduite vétustes et c’est bien parti pour cette saison. Tous les projets qui ont été mis en service donnent des résultats. Maintenant, je dirai qu’il reste en effet quelques points noirs qui subsistent à travers la wilaya, mais nous sommes en train de les régler au fur et à mesure.

Qu’en est-il du projet d’alimentation de Bouzeguène depuis le barrage de Tichy Haf ?

Pour la région de Bouzeguène, on n’a en effet pas de pression là-bas, mais nous sommes en train de les alimenter correctement. Le projet de Tichy haf avance à petits pas, il est un peu freiné par des oppositions des riverains. Le projet en lui-même, dans sa partie refoulement, avance très bien, à part quelques points d’oppositions dans la partie gravitaire, il faut savoir que ce projet alimentera les communes d’Idjer, Bouzeguène, Iloula et Aït Ziki.

Mais il était prévu qu’il soit opérationnel la fin de l’année dernière déjà…

Oui en effet, mais hélas, sur le terrain on a trouvé des difficultés. C’est un projet de l’ANBT. On supervise avec eux. Lorsque ce projet sera terminé, on en finira avec le problème d’eau dans la région.

Pourriez-vous nous en dire plus sur les points noirs ?

Il n’y a pas beaucoup de points noirs, c’est plus les communes en hauteurs. En période de grande consommation, tous les points hauts en pâtissent. Ils sont défavorisés par la géographie. Il faut souligner que l’urbanisme anarchique, la conception des projets en elle-même rend la distribution difficile. C’est une situation qui nous dépasse, ce n’est pas l’ADE qui réalise ces projets. On trouve beaucoup de difficultés sur le terrain. Par exemple, si l’on prend, dans la ville de Tizi-Ouzou, le lotissement Bouzar, c’est un lotissement où le réseau a été fait anarchiquement sans prendre en considération les besoins réels. Il y a aussi le cas du pole d’excellence à Oued Falli, initié pourtant par l’État, où aucun plan d’alimentation n’a été prévu, et c’est un problème. Tous ces problèmes de conception impactent négativement l’action de l’ADE. En ces temps de crise, tous les points hauts sont les moins servis et c’est à l’origine du mécontentement des citoyens. On doit chercher des solutions pour ce problème.

Certaines localités continuent à recevoir de l’eau une fois par semaine, ou tous les quinze jours, bien que le barrage ait enregistré son plus haut niveau cette année. Les citoyens ne comprennent pas…

Prenons le cas de la région de Mekla, Aït Khellil et Souama par exemple, là le projet n’est pas encore terminé. Le problème qu’on vit un peu partout n’est pas un problème de ressources. Il y a plus de 800 moteurs pompes, et c’est le problème des coupures électriques qui nous pénalise. Il y a aussi le problème de la sous-tension. Quand on est à l’arrêt pendant une heure dans une station de pompage, ça se répercute négativement sur la distribution. Les répercussions peuvent être grandes et aller jusqu’à des jours d’arrêt de la distribution. On a 200 stations de pompage à travers la wilaya. Combien même le barrage est plein, il faudrait faire parvenir cette eau au citoyen. Des fois il faut la pomper trois fois, c’est le cas de Aïn El Hammam, puis on la re-pompe vers Larbâa Nath Irathen, puis vers Mekla. Voilà où se situe les difficultés, il s’agit du relief de la wilaya. Actuellement, la fréquence d’alimentation dans la wilaya et un jour sur trois ou sur quatre, sauf exceptions.

Donc, c’est ce qui explique les disparités régionales, souvent contestées par les citoyens ?

Oui ça les explique, mais pas que. Il ne faut pas oublier l’humain.

Qu’entendez-vous par là ?

Depuis le début du mouvement populaire, les citoyens nous boudent. Ils ne payent pas les factures et c’est fatal pour nous. Actuellement, nous sommes en train d’enregistrer les plus basses caisses jamais enregistrées. Nous faisons à peine 50% de nos objectifs, on ne pourra même pas payer nos salaires. Et on a souffert pour payer les mois précédents. Le citoyen doit s’acquitter du minimum. Au lieu de faire 17 milliards par mois d’encaissement, on fait à peine 7 milliards, et ça depuis le mois de février. Ça nous a mis sous pression et en difficulté. Nous perdons quelque 36 milliards de centimes par trimestre. Le non-paiement des créances a un impact sur la gestion. Même nos fournisseurs ne nous font plus confiance. Tout le monde est mal à l’aise, en plus des autres problèmes qui existent à l’ADE. Nous produisons 1 m3 à 40 DA et nous le revendons à 18 DA, on est déficitaires donc et ce problème vient accentuer notre crise. C’est la mort annoncée et nous attirons l’attention des citoyens par apport à ça. On ne dit pas qu’il n’y a pas de manques de la part de nos services et nous les assumons. Parfois on est dépassé et on a beaucoup de pression. La situation de notre unité reste critique par apport au Hirak. On fait dans la résistance pour soulager les citoyens. On a pu gérer plusieurs situations d’urgence comme durant les examens et l’arrivée de la saison estivale.

Les réseaux de distribution sont vétustes et c’est la cause dit-on de beaucoup de pertes enregistrées. Y a-t-il une évolution à ce niveau ?

On a résolu beaucoup de problèmes oui. Chaque jour que Dieu fait, on répare des fuites. Dès qu’elles sont signalées. Actuellement, on est en train de perdre 20%. C’est un taux admissible dans le monde entier.

Vous avez soulevé la complexité du relief. Au lieu d’investir dans des projets coûteux, pourquoi ne pas faire dans le captage des sources naturelles et leur exploitation ?

Ce n’est pas suffisant comme ressource. Bouzeguène par exemple est actuellement alimentée à partir d’une source, Aït Ziki aussi. On produit là-bas un peu plus de 2000 m3 par jour, à partir de trois sources. Aït Idjer aussi, Mekla… Dernièrement, on a entendu des déclarations disant que 80% des sources en Kabylie sont polluées, je démens formellement cette information et je me porte garant en tant que directeur de l’ADE. Jusqu’à preuve du contraire, tous les villages qui disposent de sources les utilisent. On traite ces sources et on fait des prélèvements. On a plus 1 700 sources à travers la wilaya. Il y a un programme de réhabilitation des sources, celle-ci a été lancée en 2015 et elle a donné un résultat. Elles sont contrôlées. Le ministère a mis un programme pour la reprise de sources par l’ADE. À nos jours, les prélèvements ont été effectués dans 15 communes.

Entretien réalisé par H. K.

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