Les CET, une solution manquée et limitée

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Une journée d’étude, d’information et de sensibilisation sur la nouvelle stratégie nationale de gestion des déchets a eu lieu, hier, à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou.

La rencontre était organisée par l’université Mouloud Mammeri, en collaboration avec la direction de l’environnement de la wilaya. Les participants ont insisté sur la nécessité et l’urgence d’agir pour la préservation de l’environnement et pour une gestion durable des déchets. Un film-vidéo a été projeté à l’assistance, faisant ressortir un constat alarmant. Les rivières, le littoral, les routes, les forêts et les plaines, aucun endroit n’est épargné par l’insalubrité. Les déchets foisonnent et menacent la santé publique et la survie de la faune et de la flore. Le reportage montre notamment que les APC ne jouent pas leur rôle et que l’éducation est à la traîne, d’où la nécessité de la création d’une «police environnementale».

On y apprend également que les CET créés arrivent très vite à saturation, faute de tri, de compostage et de recyclage des déchets. A cela s’ajoutent les oppositions de citoyens qui ne veulent pas voir s’implanter ces centres à proximité de leurs villages et habitations. L’incivisme est également pointé du doigt, comme facteur aggravant de la situation, à travers les quatre coins de la wilaya.

Les dangers qu’engendre ce foisonnement des déchets sont également abordés par le film, qui se conclut néanmoins sur une lueur d’espoir, mettant en exergue ce qui se fait dans certains villages de la commune de Bouzeguène, en matière d’acheminement, de tri, de compostage et de récupération des déchets. Le cas du village Taourirt est cité comme une totale réussite. D’autres villages suivent l’exemple, un peu partout à travers toutes les communes de la wilaya.

La généralisation de l’expérience de Bouzeguène permettra, selon les organisateurs, de mettre un terme définitif à l’insalubrité et de créer de l’emploi et des richesses. Mais l’incinération des déchets ultimes (non recyclables) est toujours d’actualité avec tous les risques encourus. Il faut donc trouver d’autres moyens pour éliminer ces déchets non recyclables, tels des CET réservés uniquement aux déchets ultimes, comme cela se fait dans les pays avancés dans ce domaine.

A signaler que l’ouverture officielle de cette journée d’information a été prononcée par le secrétaire général de la wilaya, Zinedine Tirbourtine, en présence de la représentante du ministère de l’Environnement, du représentant du P/APW, du directeur de l’environnement, du représentant du recteur de l’UMMTO, des P/APC, de chefs de daïra, des associations et de nombreux citoyens.

L’Algérie a pourtant «pris conscience très tôt»…

La première conférence, animée par Mme Hamedi Siad Nabila, a porté sur la gestion des déchets intégrés et assimilés. La conférencière reviendra sur l’historique de la protection et de la gestion des déchets en Algérie, qui, selon elle, n’a pas de retard dans ce domaine : «L’Algérie a pris conscience de cette question très tôt. D’ailleurs, elle a participé, à l’instar de la communauté internationale, à la conférence sur l’environnement de Stockholm en 1972.

C’est la toute première fois que l’on parlait de la protection de l’environnement à l’échelle planétaire. C’est justement à cette occasion qu’on a tiré la première sonnette d’alarme et demandé aux Etats d’introduire dans leurs législations nationales des lois relatives à la protection de l’environnement. Une dizaine d’années après, soit en 1983, l’Algérie a adopté sa première loi concernant la protection de l’environnement, il s’agissait de la loi 83/03».

L’intervenant ajoutera : «En 1992, on a commencé à parler du concept du développement durable, à la Conférence de Rio de Janeiro (Brésil) où bien entendu notre pays était présent. En 2003, la loi 83/03 a été promulguée. Puis vint l’année 2016, année de l’amendement de la Constitution Algérienne où le droit de chaque citoyen de vivre dans un environnement sain a été consacré.

L’Algérie n’a pas seulement ratifié la réglementation pour la protection de l’environnement, elle a fait de cela un droit constitutionnel de chaque citoyen». La conférencière a ensuite abordé l’expérience de Bouzeguène et s’est dit convaincue que «les solutions existent et qu’il suffit d’un travail de longue haleine pour informer, sensibiliser et surtout impliquer les femmes, pour non seulement préserver la nature, améliorer l’état de notre environnement, mais aussi aller vers la création de richesse et d’emplois.

Les villageois de Bouzeguène et d’autres sont en train de donner la preuve sur le terrain». «Certains disent que la terre nous appelle, moi je trouve que c’est l’homme qui nous appelle et que ce n’est pas parce qu’on ne peut pas tout faire qu’il ne faut rien faire, alors je vous invite à faire quelque chose !», conclura-t-elle.

40 APC ne procèdent pas à la collecte dans les villages

La deuxième conférence, assurée par M. Hammoum Arezki (enseignant à l’UMMTO), avait trait à la présentation d’un schéma communal de gestion durable des déchets ménagers et assimilés pour la wilaya de Tizi-Ouzou. Le professeur a fait remarquer : «Actuellement, nous avons 70 villages qui commencent à faire du tri, du compostage et de la récupération à travers la wilaya. Bien entendu, les opérations villageoises ne coûtent rien, juste de la volonté.

Il faut savoir, à titre d’exemple, que la commune de Tizi Ouzou dépense 16 milliards par année dans la collecte, Azazga 35 millions de dinars, des sommes colossales pour des résultats insignifiants. La preuve vient d’être donnée par le représentant de l’APC de Tizi ouzou qui déclare que nous ne faisons que bricoler».

Et de noter : «Nous avons choisi de commencer par Bouzeguène, parce que là-bas la collecte par l’APC n’existe pas. Les villages sont organisés et disposent d’associations activant dans l’environnement. Dans chaque village, il y a au moins une association de femme. C’est pourquoi notre choix s’est porté sur cette commune pour lancer la nouvelle stratégie de gestion des déchets». Plus loin dans son intervention, l’orateur signalera : «En Algérie, chaque citoyen produit 0,8 kg de déchets quotidiennement.

A Tizi-Ouzou, le chiffre est de 0,5 kg de déchets par jour et par personne. 60% des déchets produits sont organiques, 20% recyclables et 20% des déchets ultimes. Actuellement, la collecte en mélange (sans tri) contribue à la saturation précoce des CET». M. Hammoum abordera ensuite la politique de l’Etat en matière de CET : «Il a été retenu la réalisation de 300 CET, mais seulement 91 ont été réalisés. Les coûts sont énormes.

73 des casiers existants sont saturés à hauteur de 70%, en l’espace de quelques années seulement, alors que la durée de vie d’un CET est normalement de 20 à 25». Il relèvera : «Les CET ne constituent pas la solution définitive puisqu’il faut en construire plus et l’espace manque. Ajouter à cela les contraintes liées à l’émanation de gaz à effet de serre, les lexiviats, leur saturation précoce et la collecte qui doit être faite tous les jours avec le prix fort qu’il faut mettre.

L’idée des CET a été du coup abandonnée». Plus loin, le conférencier signale : «Dans notre wilaya, la collecte ne se fait pas dans les villages. Je connais 40 APC qui n’assurent pas le ramassage des ordures dans les villages. Il y a des communes qui le font, mais à raison d’une seule fois par semaine et généralement elles créent des décharges sauvages, du coup un nouveau schéma s’impose».

Et d’expliquer : «Il suffit de trouver un coin pour réaliser de petits centres de tri dans les villages. L’acheminement se fera par les citoyens, mais le tri doit commencer dans les familles. Une fois au centre, les déchets ménagers seront compostés et serviront d’engrais et de fertilisants naturels. Le verre, le plastique, les canettes, le carton seront stockés et vendus aux entreprises de recyclage.

Les déchets ultimes seront normalement acheminés vers des CET, mais à présent, notamment à Bouzeguene, ils sont brulés, une opération qui doit être prise en charge par l’Etat, car les villageois n’ont pas les moyens. De cette manière, la création d’emploi et de richesse est assurée, la protection et la préservation de l’environnement sont garanties. Beaucoup de villages sont en train d’appliquer cette nouvelle manière de gestion des déchets.

Toutefois, les villageois ont besoin d’être accompagnés et encouragés, pour justement assurer la pérennité des actions villageoises dans ce domaine sensible». A signaler que plusieurs autres contributions ont été assurées par des universitaires sur des thèmes liés à l’environnement. Des témoignages d’agents de nettoiement, des associations, des comités de villages ont été également au menu de la journée thématique. Des recommandations et des résolutions ont été prises et comme à l’accoutumée, les participants ont été honorés avec des diplômes.

Compte rendu de Hocine Taib

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