Ouled Ben Salah veut sortir de l’isolement

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Les habitants du village Ouled Ben Salah dans la commune d’Ammal, à une trentaine de kilomètres au Sud-est du chef-lieu de la wilaya de Boumerdès, vivotent dans des conditions, le moins que l’on puisse dire, difficiles.

Distant d’Ammal de plus de sept kilomètres, le village Ouled Ben Salah est dans un dénuement total. Les habitants sont confrontés à une multitude de problèmes qui enveniment leur quotidien.

Les plus pénalisées par cette situation sont les 53 familles qui continuent de vivoter dans des conditions lamentables. Ces habitants ont été relogés depuis 2003 dans des chalets au lendemain du séisme qui avait ébranlé la région.

Une vieille femme qui habite seule dans son chalet nous a chaleureusement accueillis. L’intérieur de ce cabanon provisoire est complètement dégradé.

Le sol est creusé dans différents endroits malgré que des voisins l’aient réparé à l’aide de tôles et autre bois, les murs sont abîmés par de l’humidité jusqu’à former une couche verdoyante, l’eau des pluies s’infiltre du toit, le hall de l’entrée fait office d’une cuisine non aménagée, alors que deux chambres très exiguës sont séparées par un panneau sandwich.

À l’extérieur, une cabine qui fait office de vespasiennes construite par des voisins, ne répond plus aux normes d’hygiène en raison de l’absence d’eau. «Ce liquide précieux se fait rare. Il coule une fois par semaine dans nos robinets», dira la vieille dame. Les villageois s’approvisionnent en eau potable à partir d’une source d’eau (Thala Ntevhirth Ouali), aménagée récemment.

«J’habite ici depuis 2004, les conditions de vie ne cessent de se dégrader et l’espoir de notre relogement s’amenuise d’un jour à l’autre», dira notre interlocutrice, le visage plein de désespoir. Et d’ajouter : «Aucun responsable n’est venu nous voir», avant que Youcef, un jeune membre de comité de village, enchaîne : «Les élus ne viennent qu’en campagne électorale et une fois élus, ils nous tournent le dos. Nous avons à maintes reprises protesté notre colère contre le retard mis dans notre relogement, mais en vain.

Le chef de daïra nous a dit qu’il ne pouvait rien faire pour nous». Notre interlocuteur affirme avoir envoyé des missives aux différents walis, chefs de daïra et P/APC qui ont succédé à la tête de la wilaya, mais en vain. «À chaque protestation de rue, les autorités locales envoient des engins de travaux publics sur le site des 150 logements pour nous calmer», a-t-il ajouté.

«Nous vivons un calvaire sans égale en ces temps de froid glacial», renchérit un autre sexagénaire emmitouflé dans son burnous. Le projet de gaz naturel n’est toujours pas mis en service. Les habitants des chalets se réchauffent au gaz butane qui se fait rare en raison de l’absence de marchands ambulants de ce liquide précieux.

À quelques mètres du site des chalets, un groupement d’habitations précaires où vivent une quinzaine de familles apparait comme une cité fantôme. Les maisons, datant des années 80, sont dans un état de déliquescence avancé. L’école primaire Mohamed Salhi est dépourvue de moyens de chauffage.

Les chérubins grelotent de froid et l’absence de repas chauds à midi ne fait qu’accentuer leur calvaire. Les collégiens du village scolarisés à Ammal-centre sont également pénalisés par l’absence de moyens de transport. Au début de l’année scolaire en cours, un bus leur a été affecté mais il a été enlevé par la suite.

Le pire, les élèves payent 15 DA pour être acheminés à l’école distant de plus de sept km. Une collégienne, qui a éclaté en sanglot devant nous, presse les autorités afin de les reloger dans des habitations dignes de ce nom. Le projet des 150 logements sociaux n’est toujours pas sorti du sol.

À proximité de l’école du village, l’annexe de l’APC est toujours fermée depuis plusieurs années. Les villageois doivent se rendre en ville pour se faire délivrer les documents administratifs. Sur la crête du village, une maison de jeunes est squattée par un villageois.

Les jeunes de la région n’ont plus d’endroits où se rencontrer et se divertir. Le stade du village, qui a englouti plus de 12 millions de DA, est un immense chantier qui ne veut pas être achevé.

Des milliers de champs d’oliviers risquent

l’abandon

Par ailleurs, une vieille dame nous fait part de son inquiétude quant à ses oliviers perchés sur les hauteurs de Doukan, tout prêt de son domicile familial. Des milliers de champs d’oliveraies risquent d’être abandonnés faute d’accès. «Nos avons réclamé auprès des services des forêts l’ouverture des pistes, mais rien n’a été fait», dira notre jeune interlocuteur.

La région est connue pour sa production oléicole, elle contribue à hauteur de 40 % dans le secteur oléicole. Cependant, l’absence de commodités risque de faire fuir les villageois pour aller vivre en ville. Le village a connu, durant les années 90, l’exode de sa population.

Celle-ci a fini par regagner ses terres une fois la situation sécuritaire améliorée. «Nous espérons que les choses s’améliorent à l’avenir, car nous ne pouvons plus continuer à supporter ces carences qui ne font qu’envenimer notre quotidien», lance notre interlocuteur. Par ailleurs, les habitants dénoncent l’ADE et s’interrogent sur la façon avec laquelle sont calculés les montants de leurs factures.

Hekar Slimane, un homme de 65 ans et père de sept enfants, qui habite un chalet, affirme recevoir à plusieurs reprises des factures de 15 000 à 16 000 DA alors qu’il, selon ses dires, n’a jamais consommé ces montants. «L’eau vient une fois par semaine en période hivernale alors qu’en été, nous souffrons le martyr avec des robinets toujours à sec», a-t-il précisé avant de dénoncer le chantage de l’ADE qui, en plus de cet «harcèlement», envoi les gens devant les tribunaux.

«Un huissier de justice vient souvent dans le village et il m’a même averti contre tout retard dans le payement de mes factures», dira un septuagénaire qui survit grâce aux travaux journaliers qu’il effectue au village. La route qui mène au village est très exigüe. En remontant vers Toulmouts, la route devient impraticable. Les travaux de gaz naturel entamés récemment l’ont détérioré.

Cet état de fait a fait fuir les transporteurs privés et a contraint certains à changer d’activité. Le village offre des paysages féeriques à couper le souffle. Les responsables locaux auraient dû profiter de ce que dame nature leur a offert pour y tirer profit en développant le tourisme de montagne.

En haute montagne, des sites touristiques féeriques à valoriser, mais faute d’accès et de routes aménagées, il est impossible d’y accéder. L’existence de sources d’eau dans la région encourage la réalisation de stations thermales. Selon Fateh, un militant associatif, le roi berbère Firmus a séjourné dans la région avant de construire son château près des hauteurs de Thénia.

De même, des grottes karstiques furent découvertes, en janvier 2017, à Djerrah tout près de village Ouled Ben Saklah. Ces grottes longues de plusieurs mètres sont d’ores et déjà menacées par l’exploitation effrénée des carrières d’agrégats dans la région.

Retards dans la réalisation des logements

La commune d’Ammal est mal lotie en matière de projets de construction de logements. En plus du projet des 150 logements sociaux, un autre programme de 250 logements n’est toujours pas achevé. Les habitants dudit village et particulièrement du site des chalets ont interpellé le wali lors de sa visite dans la région sur le calvaire qu’ils endurent depuis plusieurs années.

«On nous a proposés des aides à l’habitat rural (Fonal) pour en finir avec nos chalets, mais nous n’avons pas accepté car la plupart d’entre nous n’avons pas de terrain pour réaliser une maison. Et en plus, les 700 000 DA octroyés ne suffisent pas pour construire quatre pièces et dans certains cas, cette aide ne suffit même pas pour sortir du sol vu la nature accidenté de la région», explique Youcef.

La demande, au niveau local, enfle alors que l’offre est loin d’être à la hauteur des aspirations des villageois. Sur les 900 demandes, 300 aides seulement sont réalisées en raison notamment des lourdeurs administratives. Beaucoup de demandeurs y ont renoncé et opté pour un logement social.

Cette localité n’a bénéficié que d’un minime programme de logement depuis les années 60. En 2015, le projet des 150 logements, lancé peu de temps après, l’entreprise réalisatrice a quitté précipitamment le chantier.

Youcef Z.

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