Les raisons d’une colère

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Voilà près d’une semaine, que la commune de Haïzer, distante d’une dizaine de kilomètres du chef-lieu de la wilaya de Bouira, vit au rythme des manifestations populaires.

Depuis mercredi dernier, où les citoyens avaient fermé l’accès à la RN 33, menant vers leur commune, la grogne des habitants de cette commune n’a cessé de croître. Pour rappel, la journée de jeudi passé a été particulièrement houleuse. En effet, la population locale avait organisé une marche pour dénoncer ce qu’elle a qualifié de “hogra’’ et d’incompétences de la part des autorités locales, à leur tête le chef de daïra de Haïzer. Ce dernier, et d’après les manifestants, est celui qui incarne le laxisme et la mauvaise gestion au sein de la commune. “Tant qu’il ne veut pas travailler, alors qu’il parte ! On n’a pas besoin d’un commis de l’Etat qui passe son temps dans les galas et autres réceptions !», s’exclamera un manifestant. Autre point qui n’a fait qu’envenimer les choses et fait durer cette crise : lors de la même journée, à savoir, jeudi passé une délégation citoyenne, composée d’une dizaine d’individus a été carrément ignorée par le premier magistrat de la wilaya. Ce geste qui a été assimilé à du mépris et du dédain par les représentants de la population de Haïzer. L’un d’entre eux dira d’un ton extrêmement virulent : “Puisque c’est ainsi, il n’aura qu’à assumer ses responsabilités ! On va lui montrer de quel bois on se chauffe !” Enfin, hier matin, la ville de Haïzer a connu une grève générale, qui a été massivement suivie par la population. “Cette forte mobilisation démontre bien la volonté des citoyens de faire bouger les choses, car notre commune n’a qu’un seul défenseur : sa population !», dira ce citoyen. A signaler que lors de cette journée “ville morte», une plateforme de revendications a été remise au chef de daïra de Haïzer et une autre a été adressée au wali. Afin de comprendre les raisons qui ont conduit à cette fronde citoyenne, il est indispensable de se pencher sur le cas de Haïzer, notamment, sur les volets de l’aménagement urbain et celui des projets structurants.

Un chef-lieu abandonné

Selon les différents témoignages recueillis auprès de la population, cette commune a été complètement abandonnée par les élus locaux et aussi par les pouvoirs publics, notamment le chef de daïra, qui d’après les citoyens est le responsable numéro 1, de cette situation catastrophique. “Vous avez vu déjà un chef-lieu de daïra aussi mal tenu ? C’est une honte pour nous et pour nos dirigeants. Ces derniers ont complètement délaissé la population. Honte à eux !», tonnera Samir, un contestataire d’à peine 25 ans. Il est vrai que cette commune est loin d’un être modèle d’urbanisme et d’aménagement : insalubrité ambiante, chaussée cabossée, routes impraticables…

D’ailleurs, le boulevard principal du chef-lieu communal est dans un piteux état, surtout lors des jours de pluie, où il se transforme en une vaste piscine à ciel ouvert. “Lors des dernières intempéries, notre commune a connu de graves inondations, on a été obligé de ressortir nos bottes et nos pelles afin de dégager la voirie de la gadoue… Ou sont les projets d’aménagement promis par le wali ? Ou sont ces pseudos milliards qui ont été dégagés pour notre commune ? Ou sont-ils ?!», s’interrogera ce citoyen. Autre carence relevée par la population, celle inhérente à l’alimentation en eau potable, qui selon eux, manque cruellement. En effet, les habitants sont unanimes quant à l’inégalité voire l’inexistence de raccordement au réseau d’AEP. “Cela fait des années que on nous promet un raccordement à l’eau potable, cependant, à ce jour, on est contraint de s’approvisionner via les camions citernes», soulignera cet habitant. Un autre plus en verve ne manquera pas de mettre à l’index les services de l’ADE, qui d’après lui, ne font pas leur travail convenablement. Par ailleurs, les citoyens de Haïzer sont exaspérés des fréquentes coupures de courant dont-ils sont victimes. Amar, père de famille de son Etat nous apprendra que l’électricité est devenue un “luxe’’ ces derniers temps. “Dernièrement, on a passé trois jours sans électricité ! Mais le comble de l’absurde ce n’est pas cela, c’est au niveau de la Sonelgaz. Ces derniers font mine de ne pas être au courant de la situation, alors que je me suis déplacé chez-eux à plusieurs reprises ! Mais de qui se moque-t-on ?», arguera-t-il.

Le chômage endémique sévit toujours

Sur les volets économique et structurel, la commune de Haïzer semble avoir été oubliée par les autorités locales, tant leur inexistence est criarde ! A ce sujet, la population interrogée prendra l’exemple de la subdivision de l’agriculture, qui est d’après leurs dires à l’abandon depuis près de six mois. “Comme chacun le sait, Haïzer est une région d’agriculture par excellence. Toutefois, les pouvoirs publics semblent avoir omis cela, vu l’amateurisme et l’incompétence qui priment dans ce secteur», dira Hocine, un des leaders de cette contestation, en ajoutant : “Des centaines d’agriculteurs de la région se sont retrouvés au chômage technique du jour au lendemain, et ce, à cause de la mauvaise gestion qui règne au sein de notre subdivision de l’agriculture. Les preuves de cette incompétence et de cette gestion hasardeuse, on a un divisionnaire de l’agriculture qui vient quand bon lui semble, il vient une fois tous les quinze jours… C’est grotesque ! En plus, les subventions qui ont été promises à nos agriculteurs, à ce jour, on n’en a pas vu encore la couleur !», a-t-il affirmé. Avant d’ajouter: “On exige aussi, le départ du divisionnaire de l’agriculture ! Celui qui ne veut pas se mouiller pour notre commune, alors bon débarras !” Autre exigence de la population, la primauté des offres d’emploi aux jeunes issus de Haïzer. “Notre jeunesse est qualifiée autant que celle des autres régions, alors pourquoi les autorités embauchent les étrangers ? Nos jeunes rasent tous les murs et constatent avec la plus grande amertume que des jeunes issus d’autres communes viennent leur voler leur pain ! En quoi consiste cette stratégie ? Quel est le but de cette ségrégation ?», fulminera ce jeune chômeur et de poursuivre : “Nos dirigeants veulent nous casser ! Et bien, je peux vous assurer qu’ils n’y parviendront pas. On se battra pour nos droits et s’ils veulent la manière forte et bien ils l’auront !” A travers ces déclarations, on peut se faire une idée sur les motivations qui ont poussé les citoyens de Haïzer à se révolter : l’eau, le gaz, l’électricité tant de problèmes qui peuvent paraître anodins, voire banals dans la wilaya, tant ils sont récurrents. Ajouter à cela le chômage et la précarité on se retrouve devant un cocktail détonant, qui peut exploser à tout moment. D’ailleurs et selon le porte-parole de ce mouvement citoyen, les évènements de ces derniers jours ne seraient que les prémisses d’un soulèvement populaire qui balayera tout sur son passage !

Ramdane B.

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