La léthargie risque de se prolonger

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Par Amar Naït Messaoud:

Outre l’indigence d’un grand nombre d’interventions des candidats à la députation sur les thèmes socioéconomiques et politiques, le citoyen appelé de mille manières à donner sa voix aux postulants au palais Zighoud Youcef est souvent tenu pour une quantité négligeable, voire pour un simple tube digestif, lorsqu’il n’arrive pas à détecter un soupçon de souci culturel chez ceux qui nous appellerons d’ici quelques jours les « législateurs ». La philosophie du droit administratif ennoblit cette catégorie d’hommes politiques en les rassemblant dans un concept abstrait mis au singulier sous le nom de législateur. Que proposent pour nous en matière culturelle ceux qui sollicitent aujourd’hui nos voix? Ni dans les meetings de villages ou de quartiers, ni dans les émissions spéciales de la radio et de la télévision, nous n’arrivons à capter un message qui vaille d’être porté analysé ou réfuté. Il est vrai que, pour des raisons de pure cupidité électoraliste, certains ressortent la revendication de l’officialisation de tamazight; un discours servi à la carte selon la région où le candidat officie. Non seulement cette profession de foi n’est pas toujours de bonne foi, mais aussi, sur le plan pratique, cela n’engage en rien son auteur. En matière de développement culturel, d’animation, de création et d’industrie liée au monde de la culture, il faut repasser. Au cours des cinq dernières années, on a construit des dizaines de bibliothèques des bourgades perdues des Hauts Plateaux; elles sont souvent habitées par des pigeons, visitées par des sangliers ou de couples en mal d’espace de défoulement. La planification en matière d’infrastructures culturelles manque visiblement de pertinence et n’arrive pas à se départir de la logique de la standardisation, mal issu de l’overdose de centralisation du pays et qui fait fi des spécificités des régions. Que proposent nos futurs députés pour casser cette interminable déperdition des énergies nationales et des deniers publics?

Qu’est-ce qu’a valu pour les citoyens la séparation entre le département de la Culture et celui de la Communication intervenue au milieu des années 2 000? Cette autonomisation des deux secteurs n’a visiblement pas pu libérer spécialement l’administration de la Culture, et singulièrement les directions de wilaya-à quelques exceptions près- pour un redéploiement tous azimuts dans le domaine si sensible de l’activité culturelle permanente. A-t-on réellement besoin de fines statistiques pour jauger du degré d’immersion de notre jeunesse dans l’animation et la création culturelles? A-t-on seulement conscience que le degré de développement culturel, plus que le développement industriel ou agricole, constitue le véritable signe et indice du développement global d’un pays? On n’a pas l’impression que ce soit là la préoccupation majeure de ceux pour qui il reste encore trois jours à discourir sur l’Arlésienne d’un bonheur à offrir aux Algériens, y compris parfois par la promesse de l’offrir dans l’au-delà. Un regard critique jeté furtivement sur l’état de la culture en tant qu’industrie et activité quotidienne-comme le faisait régulièrement dans ses colonnes le journaliste et homme de culture, feu Abdou Benziane- nous donne à voir un vide effarant, particulièrement dans les régions intérieures du pays. Ce vide ne peut nullement être remplacé par des actions d’éclat ou de prestige, ou bien encore être passé sous silence auprès d’une jeunesse gagnée par la mal-vie, l’ennui et la perte de repères. Les activités culturelles programmées dans les chefs-lieux de wilaya sont loin de pouvoir toucher les jeunes des bourgades de la montagne ou même des communes environnantes. Que prévoient pour eux les candidats à la députation, qui sont en train de constituer des cortèges festifs pour se rendre dans ces mêmes lieux et y semer la  »bonne parole »?

A. N. M.

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