Pourquoi lit-on si peu ?

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On s’accorde à dire que le lectorat fait défaut, ce qui d’ailleurs n’est pas spécifique à Tamazight. La littérature d’expression aussi bien française qu’arabe connaît le même problème. L’Algérien ne lit pas suffisamment. Si l’on se réfère aux chiffres avancés par le HCA, le lectorat amazigh existe et en nombre très important. En effet, cette institution avance le chiffre de près de 240 000 élèves bénéficiant de l’enseignement de tamazight pour l’année 2012/2013. Alors qu’en 94, la première année de l’enseignement de tamazight, ils n’étaient que 35 000 à apprendre Tamazight. Le nombre allant crescendo, on peut donc aisément déduire que 18 ans après l’avènement de l’enseignement de tamazight, le nombre de personnes qui savent lire tamazight à considérablement évolué. Ainsi donc, et théoriquement, le lecteur à l’état brut existe. Mais alors, pourquoi lit-on si peu ? L’enseignement de tamazight forme-t-il des lecteurs ? Déjà il faut rappeler que tamazight a été introduite à l’école dans la précipitation. Pas de formateurs en terme de qualifications pédagogiques, pas de programmes et pas de manuels. Le statut même de l’enseignement de tamazight n’était pas clairement défini. En fait, l’exigence pédagogique n’était pas une préoccupation dans les négociations qui ont abouti à l’introduction de tamazight à l’école. Depuis, les choses ont évolué. Sauf que la lourdeur et la technicité caractérisant l’enseignement de tamazight n’est pas pour susciter le plaisir de lire auprès de l’élève. Ce dernier est assommé de grammaires et autres connaissances savantes. Ce qui le place d’emblée, dans une posture d’extériorité comme s’il avait à faire à une langue étrangère. Et parce que l’enseignement de tamazight n’intègre pas et d’une manière fondamentale la dimension socioculturelle de l’élève, l’émotion et le plaisir sont forcément évacués. Or, «ce sont l’émotion et le plaisir qui forgent le lecteur». La visibilité et la médiatisation du livre sont deux facteurs qui participent, à un degré moindre, à susciter l’intérêt du lecteur. Or, le livre d’expression amazighe est quasiment invisible et peu médiatisé. En effet, beaucoup d’Algériens, même des universitaires, ignorent jusqu’à l’existence de ce livre. Sa diffusion par l’éditeur n’obéit, et c’est légitime, qu’à la seule considération commerciale. Ce qui explique qu’il ne soit présent que dans quelques librairies «spécialisées» implantées essentiellement en kabylie. Donc, hormis la Kabylie, et accessoirement la capitale, le livre d’expression amazighe est invisible en Algérie. Quant à sa médiatisation, dans le meilleur des cas, l’œuvre est présentée d’une manière factuelle par quelques quotidiens (pas forcément spécialisés). Cela reste insuffisant pour susciter un quelconque intérêt auprès du lecteur du journal. En fait, n’obéissant qu’à cette donne commerciale, les médias, la presse écrite tout particulièrement, ne sont intéressés que par le «bon client», le best-seller. Et là encore, plein feu sur l’auteur, mais pas forcément sur l’œuvre.

 S.O.A.

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