Place aux actes !

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Par Amar Nait Messaoud

Comment faire pour que la conférence nationale sociale et économique de la jeunesse, dont les travaux ont commencé hier, lundi, à Alger, ne soit pas la reproduction de tous les forums qui ont eu lieu sur le même sujet depuis le milieu des années 1990? Comment dépasser la harangue de circonstance et les promesses oiseuses en direction de ce qui constitue presque 70% des 40 millions d’Algériens? Au moment où, doucement mais sûrement, le flambeau commence à passer entre les mains de cette jeunesse pour prendre la relève dans tous les domaines de la vie, on se rend compte que la transition est quelque peu mal vécue. Elle s’enclenche péniblement, non pas tant pour de strictes causes de changement de génération, mais essentiellement de la non-préparation de terrain. Ou du moins, cette préparation a pris tant de temps qu’elle a fini par se diluer et voir ses effets se neutraliser. L’instruction adressée en 2013 par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, en direction de toutes les administrations publiques et des entreprises publiques pour se « délester » du personnel ayant atteint l’âge de 60 ans, a sans doute mal fonctionné au niveau des entités ciblées. Un vide effarant s’est créé au niveau de certains postes sensibles. Non pas qu’il manque du personnel sur le plan du nombre, mais l’arrivée de jeunes cadres s’est faite avec des frictions parfois difficiles à gérer, d’autant qu’il se pose un terrible problème d’expérience et de background. Certains signes ne trompent pas quant à la difficulté de faire face à de telles difficultés. Un certain nombre de cadres de l’administration et des entreprises publiques ont été tout bonnement… rappelés au service, même s’il faut passer par un autre type de relation de travail, sans doute des contrats temporaires. Mais, comment en est-on arrivé là? Avec près de 12 millions de jeunes sur les bancs de l’école (entre l’enseignement général, l’Université et la formation professionnelle), en plus du nombre de ceux qui ont déjà obtenu leurs diplômes au cours de ces dernières années, l’Algérie vit une crise aiguë dans la prise en charge de sa jeunesse. Le recul du niveau de l’enseignement, l’enfermement de l’économie nationale dans l’hégémonie des hydrocarbures et la mono-exportation, la détérioration générale du cadre de vie, le déficit de loisirs et de moyens de divertissement, tous ces facteurs et bien d’autres encore ont freiné la fougue de l’énergie juvénile quand il ne l’on pas gravement pervertie dans des comportements asociaux versant dans la violence, la drogue et le banditisme. La situation est d’autant plus complexe que les jeunes âgés aujourd’hui de 25 à 30 ans ont passé leur enfance dans l’atmosphère de la violence du terrorisme islamiste. Ils ont perdu quelques années de leur précieuse enfance, ne pouvant pas se livrer aux jeux de société voyant, pour certains d’entre eux, leurs établissements scolaires brûlés ou leurs professeurs assassinés. Les politiques publiques en direction de la jeunesse, avec le recul de la violence terroriste et la reprise de la santé financière du pays, auraient dû investir dans une sorte de « thérapie » par des programmes culturels et éducatifs, puis par l’insertion dans le monde professionnel. La nouvelle ministre de la Culture, Mme Nadia Labidi, a révélé la semaine passée, que sur le programme quinquennal 2010-2014 de son département ministériel, seuls 25% ont été réalisés! Ayant été tenue à une distance « respectable » du domaine de la culture, la jeunesse algérienne voit ses repères se brouiller davantage. Les rendez-vous prestigieux, qui mobilisent d’énormes fonds, ne concourent que très peu à cet objectif. À travers les télévisions étrangères et le monde virtuel de l’internet, les jeunes de chez nous voient le monde bouger, les jeunes des autres pays vivre, festoyer et gravir les échelons; ils les voient prendre commande des entreprises, des associations et des assemblées élues. Les autorités politiques de notre pays se sont rendues compte, dès le milieu des années 2000, de ce grand hiatus et du danger des impasses qui se dessinent pour la jeunesse algérienne. Entre 250 à 300 000 jeunes diplômés arrivent chaque année sur l’hypothétique marché du travail, outre les jeunes qui n’ont pas de qualification. Cependant, les dispositifs mis en place on péché par manque d’ambition et d’imagination. Il est vrai que certaines micro-entreprises issues du soutien de l’Ansej ont brillamment réussi. Cependant, cela demeure loin de la dynamique économique qu’on est en droit d’attendre d’une jeunesse truculente qui, à maintes reprises, a fait montre de ses capacités et de son génie. Ces capacités et ce génie sont aujourd’hui sollicités, dans le cadre de la conférence économique et sociale organisée par le ministère de la Jeunesse, pour une meilleure implication dans le tissu économique national. En effet, il ne peut y avoir d’insertion des jeunes, y compris ceux qui croupissent dans les maisons d’arrêt pour consommation de drogue, cambriolage ou autre délit, que par le moyen du travail. Le travail salarié suppose la multiplication du tissu d’entreprises conduites par des capitaines d’industrie dans les créneaux en friche, hors de la sphère des hydrocarbures. Quant à la création de PME ou de micro-entreprises, la dynamique enclenchée au cours de ces dernières années devrait être réorientée pour mieux cibler les jeunes, en leur assurant un environnement administratif, bancaire et fiscal plus fluide et moins contraignant.

A.N.M

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