Journée printanière à At Rgad. La souvenance de Tafsut 80 était parée des couleurs arc-en-ciel. Toute taddart et toutes les sensibilités qu’elle compte s’étaient donné rendez-vous devant chez Sadiya n l’Euro. Et comme à chaque rencontre avec le Printemps berbère, la phraséologie a anesthésié le fondamental. Le FFCD, le FLNRD, le HAFIS, les activistes de barakat, les autonomistes indépendantistes, les autonomistes «teddez tebrez», les autonomistes «oui, mais», les autonomistes facebookistes, les décentralisateurs, les nationalistes nedjma wehlal, les nationalistes «nedjma wehlal, zed imazighen» … Tous ont investi l’esprit opportun de Tafsut, tous ont tenu à souligner tout le bien qu’ils en pensent et, surtout, à rappeler que sans eux, tamazight ne serait pas ce qu’elle est. C’est ainsi que le représentant du FLRND s’enorgueillissait devant chez Sadiya : «Tamazight langue nationale, c’est nous ! Son officialisation, ça va être nous ! Les centaines de milliards de dollars de réserve, c’est nous ! Echaâb el âadhim, c’est vous !…» Le HAFIS aussi avait pris la parole : «tamazight langue nationale, c’est aussi nous ! Notre amour pour tamazight n’a d’égal que notre amour pour la langue du coran. Nous aimons tamazight à tel point que nous donnons forme et assise au Daesh amazigh !» Le FFCD, lui, n’a pas pris la parole. Il a, par contre, brandi des banderoles couleur huile d’olive où étaient écrits, entre autres : «Ma ulac tamazight, ulac, ulac…», «Ahya baba ccix, aseggas-agi ad tt-nawi !», «FFCD yewâer macci d la tchitchi». Au moment où allait prendre fin le rassemblement, une délégation de «Cirta, capitale de la culture arabe» accompagnée de Chabha Le Chignon de l’association «Zwi-tt, Rwi-tt», s’amène avec une gerbe de fleurs. Un jeune Constantinois habillé d’une tenue de sortie de la Numide ancienne prend sans qu’on l’y invite la parole : «Massinissa c’est nous ! Saint Augustin c’est aussi nous !». Sadiya n l’Euro n’en croyait ni ses yeux ni ses oreilles. Le jeune numide ne s’arrête pas là. Il reprend à son compte une phrase non-sens : «je suis amazigh parce que je suis arabe !» Pendant ce temps, loin du cérémonial pompeux et sous les cieux de la réalité le ministère de l’éducation nationale puise dans son nationalisme et cède 209 postes à l’Algérie amazighe sur les 19000 annoncés, soit 0,11%.
T.O.A
«Le nationalisme est une maladie insidieuse, un cancer de l’esprit, qui vous gagne lentement, mais en profondeur et qui vous coupe de la logique globale qui permet un fonctionnement complet de vos cellules. Vous n’observez bientôt plus qu’un point unique, celui que vous voulez atteindre, et vos œillères vous empêchent de voir comment le monde tourne autour de vous. D’argument paranoïaque en argument paranoïaque, vous construisez un édifice qui semble solide, mais qui ne peut résister aux chocs de la réalité que si vous vous coupez d’elle. Vous paraissez d’autant plus convaincu de vos idées que vous n’avez plus que celles-ci pour convaincre : en général, elles sont simplistes, vont droit au but, rejettent les autres, sans nuances et avec fracas. Les imbéciles trouvent là leur pitance : vous devenez un crétin facile à comprendre (puisque vous défendez des idées auxquelles il n’y a rien à comprendre) et vous ramenez l’homme à la barbarie en désignant des boucs émissaires qui vous offrent de vous présenter en victime quand on n’est pas d’accord avec vous».
Frank Andriat