Un précurseur majuscule de l’étude du berbère

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Une matinée a été consacrée, hier, à Boulifa par la Maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou.

Sous l’intitulé «Boulifa : Précurseur de la recherche anthropologique et linguistique de sa société», des conférences ont été animées par le Dr Saïd Chemakh, un enseignant de français à la faculté de lettres, M. Halouane Hassan, et une petite-nièce du concerné en l’occurrence Lynda Boulifa. Cette dernière fut la première à prendre la parole pour témoigner de ce qu’a été son grand oncle sans rien apporter de nouveau de son parcours. Elle a émis le vœu de voir baptiser un établissement public du nom de son illustre aïeul. Elle citera l’exemple du campus de Tamda qui ne porte aucun nom jusqu’à présent. Elle sera suivie par le Dr Saïd Chemakh dont l’intervention, bien documentée, a subjugué l’assistance composée d’élèves, pour la plupart d’un CEM de Tizi Rached, qui ont, malgré leur jeune âge, suivi sagement et attentivement les propos des intervenants. Le Dr en linguistique berbère soulignera notamment : «La biographie d’un auteur n’est pas trop importante, comparée à son œuvre. Certes, il est admis que la connaissance d’éléments biographiques peut aider à la compréhension d’une œuvre, mais ceux-ci ne sont pas les seuls et uniques repères pour comprendre ce que l’auteur a publié. C’est le cas pour l’œuvre de Boulifa». Certes, ce n’est pas parce que l’on a approché un homme de grande dimension intellectuelle que l’on pénètre les aspects, les secrets et les subtilités de son œuvre. «Boulifa, poursuit Chemakh, a publié son premier ouvrage en 1887. Il portait le titre de : «Une première année de langue kabyle» La même année ; paraissait simultanément les «méthodes de langue kabyle» de René Basset et Belkacem Bensedira. Rien n’est dû au hasard puisqu’en juillet 1885, le décret portant Brevet de langue kabyle est publié et une prime pour tout instituteur ayant ce brevet est instituée. En 1887, c’était le diplôme de langue kabyle qui est créé à l’Université d’Alger. Comparé aux autres ouvrages d’enseignement du berbère publiés à l’époque, le manuel de Boulifa est d’une excellente facture : il se base simultanément sur les progressions grammaticales et sémantiques et sur les versions ou le cours de grammaire. D’ailleurs, ce sera le seul manuel à connaitre une seconde édition au début du siècle passé. Quant au second ouvrage de Boulifa, le fameux «Recueil de poésie kabyle» publié en 1904 chez Jourdan, outre la note relative à la femme kabyle où il est question de remise en cause de certaines thèses de Hanoteau, il est surtout question de collectes de pièces de poésie kabyles et vérifications de l’authenticité des pièces de Si Mohand. Boulifa a même rencontré ce dernier pour lui, lire un certain nombre de «neuvains» et vérifier s’ils sont vraiment son œuvre. Pendant longtemps ce recueil sera selon ce qu’a écrit M Feraoun le «Livre de tous les Kabyles.» Il va de soi que Boulifa a été sociologue, anthropologues, linguiste, archéologue et sa bibliographie a été singulièrement riche et diversifiée. «Il n’est pas resté confiné aux limites de sa région natale, comme l’écrit Salem Chaker ; comme d’autres précurseurs, il a élargi son horizon aux autres régions du monde berbère, puisqu’il est l’auteur de deux travaux qui ont été longtemps des références sur le berbère marocain, alors à peine exploré (…) Toute l’œuvre de Boulifa a été un plaidoyer fougueux pour «la défense et l’illustration de la culture berbère», dans toutes ses dimensions linguistique, littéraire, historique et sociales, et dans son extension géographique.»

Sadek A.H.

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