Le septième art algérien ou la quadrature du cercle

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Un débat autour de la problématique de la relance du cinéma algérien, animé en marge de la 14e édition du Festival culturel national annuel du film amazigh et entrant dans le cadre des journées d’études programmées dans le même contexte, s’est ouvert, hier, dans la petite salle de la Maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou sous la direction d’Ahmed Béjaoui et de Tahar Boukela, tous les deux universitaires et spécialistes du cinéma algérien.

D’entrée, Ahmed Béjaoui fixe la méthodologie et tente de cerner «les racines du mal dont pâti le cinéma algérien. «Faut pas trop se leurrer. Dans le temps, les cinéastes pouvaient compter sur un réseau de plus de 400 salles de projection, héritées de la période coloniale. Aujourd’hui, tout le pays ne tourne qu’avec quatre ou cinq salles. Le maillon ‘public’ manque dans la chaîne et il n’est pas possible de faire du cinéma dans ces conditions», dira-t-il, centrant la problématique sur le côté organisationnel, commercial et industriel de la production cinématographique. L’homme qui revendique un «amour fébrile» pour le cinéma, l’homme de l’émission culte des années 70-80 «télé ciné club», sait également les difficultés du présent. «À l’époque, 14% des recettes dans les salles étaient reversés à un fonds d’aide pour le cinéma. La machine tournait bien et il n’y avait pas besoin d’aller chercher ailleurs les financements». Ainsi, les films : Chroniques des années de braise de Mohamed Lakhdar Hamina et L’Opium et le Bâton de Rachedi, qui ont l’un comme l’autre enregistré plus de 2 000 000 d’entrées, n’ont pas été financés par l’État, mais «par les contribuables», rétablit Béjaoui pour souligner l’apport du schéma organisationnel de l’époque. Le démantèlement de ce réseau de salles, confié dans les élans populistes passés à la tutelle des collectivités locales, avait précipité le secteur dans le gouffre ; les municipalités n’ayant ni les moyens financiers ni la vocation, encore mois la compétence nécessaire pour gérer ces espaces, le patrimoine a tout simplement fini par être dilapidé. Improvisations et «résistances».

C’est tout l’univers du cinéma, à l’amont et à l’aval de la production, qui s’en est trouvé déstructuré. Aujourd’hui, les cinéastes s’appuient sur des réseaux de militants du cinéma pour pouvoir montrer leurs films au public. Les animateurs de ciné-club (ils sont trois ou quatre seulement à activer dans le pays), ne savent plus à qui s’adresser pour pouvoir disposer des copies à projeter, quand les moyens techniques de la projection le permettent. Mais alors, faut-il aller vers un désengagement de l’État et l’ouverture au privé du droit d’exploitation des salles, entre autres segments du processus ? L’État devra être là pour réglementer, certes, mais pas du tout pour gérer», estime Béjaoui. Quant à M. Boukela, président de la commission de la relance du cinéma, il suggère que «les salles de proximité ont fait leur temps et qu’il est dès à présent le moment de penser aux multiplex, des complexe comprenant plusieurs salles dans un même espace, où loisirs et divertissement pourront se conjuguer dans la convivialité utilement.» Il ne s’agit pas, en fait, d’un problème de financement, de pénurie de public ou de réalisateurs et techniciens du cinéma mais bel et bien de politique innovante et audacieuse en la matière.

Sadek A. H.

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