L’oléiculture est l'une des principales richesses de Kabylie. Elle est suivie de près par la céréaliculture, les maraîchères et l’élevage.
Chaque année, à pareille période, une effervescence fort apparente s’empare des villageois, qui se libèrent des autres tâches pour se consacrer uniquement à la cueillette des olives qui se fait d’une seule traite sans interruption, sauf durant les journées du mauvais temps. Comme de coutume, la campagne du ramassage des olives se prépare bien avant son entame. Ainsi, nos campagnards affichent une remarquable fébrilité en s’attelant aux préparatifs d’usage pour être fin prêts le moment venu et être au rendez-vous pour ne rien perdre de la récolte. Préparatifs qui consistent, d’abord, à passer en revue et vérifier minutieusement l’état du matériel nécessaire à cette millénaire activité à l’image du raccommodage des filets à récolte, le rassemblement ou renouvellement des sacs, des gaules, le renforcement et l’ajustage des échelles, la vérification des haches et scies à main et enfin l’aménagement d’une aire où doivent être déposées les olives en attendant la fin de la récolte pour les transporter ensuite vers une huilerie pour la trituration.
Une bouffée d’oxygène pour
les familles
Certains de ces petits paysans qui constatent que les gaules et petites perches de l’année précédente sont tordues ou vermoulues, se rendent dans les proches ravins où pousse l’olivier sauvage, «azebboudj» en kabyle, pour en confectionner d’autres, en les découpant dans les branches de cette plante sauvage qu’on choisit d’abord pour la solidité de son bois et les longues branches fines et droites qu’elle donne et dont les rameaux permettent d’obtenir des perches dotées de crochets. En parallèle à ces préparatifs, les cultivateurs qui disposent d’un peu de temps se rendent dans les oliveraies et s’attellent au nettoyage du dessous des oliviers qu’ils débarrassent des herbes sauvages en majorité épineuses, des branches et des pierres gênantes, et ce, pour faciliter le ramassage des grains d’olives tombés hors du filet. D’autres ramenaient des pieds droits fins terminés par deux cornes sous forme de piquets qu’ils utilisaient pour soulever et soutenir les branches basses surchargées d’olives, d’abord pour leur éviter de se briser sous le poids de la récolte, ensuite, les mettre hors de portée des animaux ruminants et des sangliers qui raffolent des olives arrivées à maturité. Tous ces préparatifs peuvent être qualifiés de pré campagne. Sur le plan psychologique, on est déjà plein dedans, sachant qu’en parallèle, l’on se libère de toutes autres obligations en liquidant les affaires en instance pour se consacrer entièrement au ramassage de la récolte d’olives, d’autant plus qu’elle est exceptionnellement abondante cette année. Toutefois, les violentes tempêtes de vent qui ont soufflé la semaine écoulée, sur la région, ont en malheureusement fait tomber la majorité. Par conséquent, le ramassage prendrait beaucoup plus de temps. L’excitation et la fébrilité qui s’emparent de nos braves campagnards s’expliquent aussi par le fait que tous les signes et indicateurs confirment un rendement appréciable, qui renflouerait les budgets familiaux et apporterait, sans aucun doute, une nette amélioration de leur cadre de vie, étant donné que le surplus de la récolte d’huile serait proposé à la vente et que le bénéfice à en tirer serait assez conséquent. Une bulle d’oxygène pour les familles à faibles revenus pour couvrir les indispensables dépenses pour toute l’année à venir.
L’entraide pour perpétuer la
tradition
Cette récolte d’olive est d’un apport important pour les petites et moyennes bourses, soit tous ceux vivant avec de modestes rentes, lesquels constituent l’écrasante majorité de cette partie du pays qu’est la Kabylie. Sur ce, les pères de familles défavorisées gardent un œil joyeux sur cette prometteuse récolte et un autre inquiet sur le ciel pour suivre l’évolution des conditions climatiques, sachant qu’une longue perturbation atmosphérique durant ce mois de décembre signifierait la perte d’une bonne partie de la récolte. De même pour les agriculteurs qui guettent l’angoissante menace que constitue l’arrivée des essaims d’oiseaux migrants, grives et étourneaux, deux espèces voraces qui causent des ravages sur la récolte d’olives, de la même ampleur que celle d’une invasion de sauterelles. Cependant, le fait rassurant cette année est que la canicule qui a sévi durant le mois d’octobre a précipité la maturité de la récolte, ce qui donne une bonne longueur d’avance aux agriculteurs qui peuvent d’ores et déjà déclencher la campagne du ramassage et prendre de vitesse ces diverses menaces qui planent sur la récolte, lesquelles ne commenceront à se manifester sérieusement qu’après la 3ème décade du mois de décembre, tant pour les prédateurs (oiseaux) que pour les perturbations climatiques, dont la neige et le verglas. L’agriculture constitue l’unique richesse de la Kabylie en général et de la région de M’Chedallah en particulier, en l’absence d’investissements dans d’autres secteurs. Une richesse qui fait reculer la précarité sociale et qui soulage le maximum de la population, dont le niveau de vie est conditionné par cette récolte au point d’être qualifiée de sacrée par les uns et de planche de salut pour les ménages par les autres. Il est à noter que ceux des propriétaires d’oliveraies qui ne peuvent, eux mêmes, procéder au ramassage de la récolte, la confient à ceux qui n’ont pas d’oliviers, cela moyennant rémunération en nature, généralement des prélèvements sur la récolte pour les oliveraies irriguées, prélèvements de l’ordre du tiers de la totalité des quantités récoltées. Sur celles non irriguées, l’intervenant intermédiaire prendra carrément la moitié de la récolte en fin de campagne. Sur ce volet des intermédiaires, il est de coutume, depuis plusieurs générations, de voir des tribus entières originaires de la région de M’sila, comme Beni Yelmane, Ouennougha, Sidi Hadjeres, débarquer durant cette saison pour proposer leurs services, notamment auprès des coopératives des biens vacants et les fermes EAC dans toute la vallée du Sahel, à partir de la commune d’El Adjiba jusqu’à celle de Tazmalt, dans la wilaya de Béjaïa. Ces nomades (les tribus) installent des tentes au milieu des oliveraies et vivent durant toute la saison hivernale dans de lamentables conditions en absence de toute commodité et d’hygiène. Une fois la campagne oléicole menée à terme, les hommes de ces tribus sont recrutés par les propriétaires des huileries pour la campagne de trituration sans assurance et avec un salaire bien en deçà de la moyenne des salaires courants. Un cas sur lequel doivent se pencher les services concernés de l’Etat pour mettre un terme à l’exploitation honteuse de ces déracinés, qui ressemblent aux misérables de Victor Hugo.
Le rendement est fort appréciable cette année
Cette année, les huileries ont ouvert leurs portes en même temps que le démarrage de la campagne de ramassage d’olives, avec en prime un rendement au dessus de la moyenne. L’un des propriétaires d’une huilerie de Tamurt Ouzemour, dans la commune de M’Chedallah, Monsieur Ahmanach Farid en l’occurrence, qui a démarré la trituration depuis une semaine, affirme que le rendement évolue dans la fourchette de 15 à 18 litres par quintal alors que la moyenne en début de saison variait d’habitude entre 12 et 14 litres par quintal. Notre interlocuteur est affirmatif : «le rendement en fin de saison, soit durant la période où la récolte atteindra sa pleine maturité franchira la barre des 22 litres par le quintal d’olives». Une sensible hausse du rendement qui s’explique par l’abondance de la récolte. Notons pour conclure que le prix du litre d’huile d’olive frôle à l’heure actuelle les 600 DA.
Oulaid Soualah

