10 ans de prison pour le neveu de Saïd Sadi

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L’affaire remonte à la nuit du 6 au 7 avril 2004, quand le local commercial de la famille Allouache, situé en plein centre de Fréha fut incendié vers 2h du matin, causant la mort du jeune Hakim qui dormait paisiblement à l’intérieur. Tenant compte du contexte très particulier de cette affaire (veille des présidentielles, rivalités RCD-arch, la présidente du tribunal a tenu à accorder aux deux parties tout le temps nécessaire pour étayer leur dires, ce qui explique la durée, relativement très longue de ce procès.

Dès 10 h, juste après l’ouverture de l’audience et la lecture de l’acte d’accusation, la présidente fera défiler pas moins de 18 témoins. B. Yahia, le principal accusé sera interrogé dès 11 h. Rachid Allouache et son père seront écoutés 30 minutes plus tard avant que le,juge ne s’intéresse à S. Sadi (24 ans) quelques minutes après. Il faut dire, ici, que ces quatre témoignages n’ont rien apporté de nouveau dans le déroulement du procès, puisque les cités ont maintenus leur versions respectives concernant les faits.

Après une première pause, effectuée à 13h15, le bal des témoignages reprendra de plus belle. Etrangement, c’est le docteur Laounaouci qui a été cité à la barre. Son témoignage n’a duré qu’une poignée de minutes pour céder la parole à un personnage incontournable dans ce procès : le Dr Salhi, le médecin légiste qui a effectué l’autopsie sur le corps de la victime, serein et confiant, le médecin n’a pas hésité pour (re) déclarer devant le juge et le jury que le décès de Hakim Allouache est dû à l’inhalation de gaz carbonique, provenant de la fumée de l’incendie. Le Dr Salhi a été également très tranchant quand il affirmera que le corps de la victime portait de petites traces de brûlures mais que celles-ci n’ont rien à voir avec son décès.

A 14h30, la présidente de la cour a appelé à la barre M. Z. Nacer, témoin-clé de l’affaire. Ce militant du RCD était à la permanence de son parti à Fréha la nuit du drame. Il affirme avoir vu les deux accusés roder aux alentours du local incendié, à bord de la 406 du “RCD”, quelques minutes à peine avant qu’il n’apprenne que la librairie des Allouache venait d’être incendiée. Le témoin confirmera sa version initiale dans son intégralité en attestant, notamment, que l’autre témoin (un certain A., également appelé à la barre plus tard) lui a lancé à chaud : “Le magasin des Allouache brûle ! c’est Kamel qui a fait

ça…” (allusion faite à l’accusé principal ndlr). Toutefois, quand ce dernier fût entendu, il niera en bloc cette version des faits. Il affirma, tout bonnement qu’il n’a rien vu, qu’il n’a rien dit et qu’il ne se souvient même pas des horaires. Ce témoin s’est entêté même à dire qu’il n’a pas reconnu les accusés la nuit du drame et qu’il ne sait pas qui a défoncé la porte du magasin incendié et qui a transporté la victime jusqu’à la 305 d’un taxieur du coin. Pourtant, il déclarera au tribunal quelques instants plus tard qu’il a assisté aux faits jusqu’à ce que le défunt soit acheminé vers l’hôpital. Ce témoin a maintenu cette version même lorsqu’il a été confronté à Z. Nacer, avec lequel il se trouvait au siège du RCD. Vers 15h00, le tribunal a appelé tour à tour le propriétaire du taxi qui a transporté la victime jusqu’à Tirsatine, avant de l’évacuer dans la 406 des deux accusés (censée être plus sûre et plus puissante) ainsi que leur accompagnateur, plus tard, c’était au tour de A. A. Bachir, l’homme qui a averti les pompiers et un certain B. de Mekla d’être entendus par la présidente. Le défilé, devenu long et épuisant, des témoins prendra fin à 18h. Le tribunal prend congé pour une petite pause. Les plaidoiries seront entamées à 19h tapante.

Le procureur requis la peine capitale

Le bal des plaidoiries sera inauguré par Me Benarbia avocat de la partie civile qui, avant d’en venir aux faits, rappelle au tribunal, aux jury et à la nombreuse assistance, le contexte explosif dans lequel cette affaire a eu lieu. Il ne faut pas oublier que le RCD était pourtant pour ces présidentielles et que les archs ont appelé au rejet. “Cela a créé un climat d’animosité qui a failli déborder à plusieurs reprises. Les esprits étaient chauffés à blanc et l’irréparable pouvait être commis à tout moment….”, dira-t-il en substance. Quant au meurtre du jeune Hakim, l’avocat s’est contenté de mettre en exergue certains éléments qu’il juge troublant, comme la présence des deux accusés dans les environs du lieu du sinistre quelques minutes avant le forfait, la présence de traces de mazout dans le domicile de l’un des deux prévenus, alors que ce fuel est rarement utilisé au printemps, etc. Me Belarbia s’est également interrogé pourquoi la voiture des deux prévenus a démarré tous feux éteints et pourquoi l’accusé a fait disparaître son téléphone portable. (Une attitude que l’avocat explique par le souci de ce dernier d’effacer volontairement toute trace d’appels donnés et plus important encore reçus). Les plaidoiries des Mes Haouche et Chikhaoui se sont, quant à elles, axées sur la parfaite cohésion des témoignages requis dans cette affaire; Des témoignages, affirment-ils qui ont permis d’établir un lien direct entre la présence des deux mis en cause sur les lieux de l’incendie du local des Allouache et le décès du jeune Hakim.

Ceci dit, l’intervention la plus attendue était celle du procureur de la République qui, en affirmant que “les éléments apportés laissent conclure que les deux accusés sont coupables” et qu’”ils ont incendié le magasin sans savoir que la victime se trouvait à l’intérieur”, requiert la peine capitale à l’encontre de B. Y. et S. S. Avant cela, le représentant de l’Etat a tenu à émettre quelques remarques sur la présence de banderoles dans la salle d’audience et l’utilité de convoquer le Dr Laounaouci en tant que témoin.

Quand la défense s’attaque à… la Dépêche de Kabylie

Les avocats de la défense ont pris la parole et hormis l’intervention saluée et très professionnelle de Me Miloud Brahimi, qui a très objectivement épluché le dossier et touché les points sensibles de l’affaire, l’assistance était étonnée (voire scandalisée) des propos tenus dans certaines plaidoiries. Au lieu de s’intéresser aux faits et de tenter de prouver l’innocence de leurs clients, certains avocats ont tristement versé dans la polémique, frisant, à plusieurs fois invective. La première victime de ce réquisitoire était – pour on ne sais pourquoi – la Dépêche de Kabylie accusée de vouloir verser dans la désinformation pour embraser la région. Une avocate exhibe même la dernière interview accordée par Rachid Allouache à notre quotidien et une déclaration publique des archs pour dire que ce sont ces deux parties qui veulent… instrumentaliser l’affaire. Mais puisque le ridicule ne tue pas, c’est Me Saheb qui fera mieux. Après avoir traité M. Z. Nacer, le témoin-clé de l’affaire de “lâche”, il s’en prendra à notre journal et à nos journaliste, sans aucune retenue ni respect pour le juge et le jury. Il déclara, tout d’abord que tous les articles parus dans la Dépêche de Kabylie concernant cette affaire sont des “pures provocations” il n’hésitera pas à insulter le professionnalisme d’un de nos journalistes en déclarant tout sourire, que l’un de ses articles ressemblerait plutôt à un écrit d’un élève de… 9e année.

Au moment où notre éminent avocat, qui a publiquement revendiqué son appartenance au RCD, allait s’attaquer à nos confrères du Soir d’Algérie, la présidente du tribunal lui intime sèchement l’ordre d’arrêter son… cirque. Au cours de 20 heures de procès Me Saheb (et on est vraiment navré pour lui !) était le seul avocat interpellé par le juge pour recentrer son débat sur l’affaire. Alors pour le professionnalisme, Me Saheb devrait plutôt apprendre son métier avant de s’en prendre à l’intégrité des journalistes.

Le verdict

Au premières heures de la matinée du vendredi vers 3h, la présidente du tribunal suspend l’audience pour délibérer. L’attente aura duré plus d’une heure et demi. Le verdict sera lu à 4h45, là un silence terrible règne dans la salle. A l’écoute du jugement du tribunal, aucune réaction n’est décelée, que ce soit chez les accusés eux-mêmes, leurs familles et proches ou encore au sein des Allouache, dont la mère a tenue à être présente jusqu’au terme des débats.

B. Yahia va écoper de 10 ans de réclusion criminelle pour être reconnu coupable de l’incendie du local et le décès de Hakim. Le tribunal criminel près la cour de Tizi-Ouzou lui a toutefois accordé certaines circonstances atténuantes, ce qui explique la peine. Son co-accusé, S. Sadi sera quant à lui acquitté car le tribunal qui ne l’a pas reconnu coupable. La demande de réparation matérielle introduite par la famille Allouache sera rejetée par le tribunal pour absence de pièces d’état civil. Le procès prendra fin dans le calme à 5 h du matin.

Ahmed B.

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