»18,82% des travailleurs ne sont pas affiliés »

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Le taux de chômage dans la wilaya de Béjaia, évalué officiellement à 15%, l’absence d’aides à l’emploi et l’incapacité des organismes de soutien aux jeunes nouvellement diplômés sont autant d’éléments favorisant la précarité du travail. Pour échapper à ce cycle infernal, les jeunes chômeurs, qui pour acquérir une expérience, optent le plus souvent pour l’activité en noir dont la tendance est à la généralisation de plus en plus dans différents secteurs, même si la plupart d’entre eux sont mis à rude concurrence dans des conditions de travail déplorables très souvent revues à la baisse. Par conséquent, les rapports employés – employeurs se détériorent, et le phénomène de la précarisation du travail prend place dans la société. Il suffit de voir le nombre de plaintes déposées au niveau des inspections du travail dans chaque wilaya pour constater l’étendue du phénomène. Par l’adjonction de ces soucis majeurs, l’instabilité et la précarité sont les concepts qui reviennent souvent dans le langage courant des jeunes. Ils caractérisent la majorité des professions dites libérales.

Dans le cadre de ces évolutions, l’Inspection du travail de la wilaya de Béjaia, dont la mission principale est de faire respecter la loi et de protéger les droits des travailleurs, a déjà enregistré pour le premier trimestre de l’année en cours 407 requêtes individuelles. Sur les 265 conflits traités par le bureau de conciliation (B.C), seuls 32 ont connu un dénouement positif, alors que 215 PV de non-conciliation ont été orientés vers les tribunaux qui statueront. Cette large contestation des conditions de travail témoigne des inquiétudes liées à la précarité de l’emploi, perçue par beaucoup comme une fatalité. M. Tahar Chaouche de l’Inspection de travail de Béjaia fait savoir que la non- déclaration des travailleurs à la sécurité sociale, le paiement des salaires, indemnités et primes, demandes de réintégrations, licenciement abusif et le non-respect du SNMG sont autant de raisons qui incitent les employés à se rapprocher de cette institution. Mais la mobilisation et la conscience de ces travailleurs ne sont pas pour freiner les employeurs dans cette voie. De plus, les constats des inspections du travail sont rarement pris en considération par les organismes employeurs. La plupart des procès verbaux sont resté sans suite.

Sur les 2 116 actes établis lors de 1587 sorties sur terrain qu’ a effectuées l’Inspection du travail de la wilaya de Béjaia en 2006, seuls 115 conflits ont été réglés à l’amiable. Au moment où 128 requêtes individuelles de violation de droit demeurent en instance et 810 appels sont portés, sur la base des procès-verbaux établis, au tribunal des affaires de sécurité sociale, juridiction d’exception qui juge les litiges soulevés par l’application du droit de la sécurité sociale.

Dans ce sens, M. Kibouche, chef de service à l’Inspection de Béjaia, sur la base des chiffres avancés, déclare que lors des leurs sorties effectuées en 2006 par 10 agents au niveau de toute la wilaya, il a été constaté que 18,82% des travailleurs de la wilaya ne sont pas affiliés à la sécurité sociale sur un échantillon de 802 travailleurs répartis dans 200 organismes employeurs. Concernant les grèves et arrêts de travail, cette institution a enregistré au cours de l’année écoulée 47 grèves dont 30 ont été signalées dans les institutions et administrations, contre deux débrayages dans le secteur privé. Pour l’année en cours, les inspecteurs ne sont pas avares en chiffres, puisque un total de six débrayages est déjà enregistré durant le premier trimestre de 2007. A l’origine de ces conflits, les salaires très bas, le problème de congés et indemnités….

En effet, ces cas sont légion dans la wilaya de Béjaia, à l’instar des autres régions du pays. Ne pouvant citer toutes les infractions commises, le cas de Faiza et sa copine Dalila, rencontrées à l’improviste au niveau de l’Inspection de Béjaia, mérite toutefois d’être relaté. Cette jeune économiste, venue s’enquérir de la suite réservée à sa plainte déposée 15 jours avant sa douzième visite, ne mâche pas ses mots et parle de son expérience dans un centre commercial à Béjaia. Elle demande d’être réintégrée à son poste « juste pour le principe », puisque le travail qu’elle exercçait comme vendeuse est loin d’être rémunérant. Le gérant, n’admettant pas ses réclamations incessantes en vue d’une régularisation et de déclaration à la CNAS, n’a pas trouvé mieux que de mettre fin à son activité. Elle raconte :

« Nous les jeunes, sommes confrontés à une dure réalité qui consiste à trouver un travail stable. La majorité d’entre nous est poussée à accepter des petits boulots dans l’espoir d’être recruté un jour même si les conditions de travail ne sont pas conformes à la réglementation. Les droits sont bafoués. On ne réclame ni sécurité sociale, ni salaire rémunérant et encore moins une quelconque indemnité. Le phénomène touche tous les secteurs d’activité, car ce qui constitue pour certains une couverture sociale, ensemble des mesures législatives et administratives qui ont pour objet de garantir les individus et les familles contre certains risques, appelés risques sociaux, est une entorse pour les entreprises employeurs, qu’elles soient publiques ou privées, qui cherchent à faire des bénéfices au détriment des employés. De plus, il n’est pas facile de trouver un travail, sachant que les employeurs recrutent à la tête des demandeurs. Non seulement il faut avoir un diplôme, une expérience mais aussi un beau physique. Toute activité féminisée est dévalorisée », se désole Faiza. Si son affaire n’est pas réglée, Faiza impute la responsabilité au fameux bureau de conciliation, qui « ne veille pas à l’application de la législation régissant ce domaine ». Dans ce sens, les inspecteurs du travail expliquent que leurs bilans demeurent très maigres en raison des moyens mis à leur disposition, et le déploiement de leurs éléments sur le territoire de la wilaya. Des facteurs qui sont à l’origine de l’inefficacité du système de l’inspection dans la wilaya.

Fatiha Lahiani

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