Au-delà du creux babil

Partager

Après le temps du bouillonnement électoral et la proclamation des résultats des élections locales du 29 novembre dernier, l’espoir et les souhaits des citoyens-électeurs sont que toute cette “littérature’’ politique, débitée aussi bien par les etats-majors des partis que par les candidats et leurs soutiens locaux, puissent servir réellement la cause du développement local et de la démocratie dont l’un des attributs—certes essentiel, mais pas unique—est l’alternance au pouvoir par le moyen des élections. Car, on l’oublie trop souvent, obnubilés que nous sommes par la “mécanique’’ électorale, l’accès à l’hémicycle aux assemblées communale et wilayale n’est pas une fin en soi ; du moins, il ne devrait pas l’être. En annonçant les chiffres de la participation aux élections, le ministre de l’Intérieur fait montre d’un optimisme béat que trahissent pourtant les explications et les commentaires ultérieurs. Par quelle magie peut-on affirmer que les “résultats de ces élections réhabilitent les institutions élues’’ comme l’a soutenu Yazid Zerhouni dans sa conférence de presse au CIP de l’Aurassi ? Par quel miracle peut-on passer d’un esprit “abstentionniste’’ en mai 2007 et faire preuve de citoyenneté et de “devoir patriotique’’ six mois plus tard ? La nature de proximité du dernier scrutin—pour suivre le raisonnement du ministre de l’Intérieur et qui lui donnerait une force de mobilisation plus puissante que celle des Législatives ne réside en fait que dans le réveil des vieilles rivalités locales nourries par l’esprit de la tribu et des notabilités. C’est à qui fera passer le “fils du patelin’’ en dehors des considérations idéologiques ou partisanes. En outre, rendons-nous à l’évidence que 56% du corps électoral ne s’est pas exprimé, sans parler de presque deux millions de bulletins nuls entre pour les deux scrutins (APC et APW). On est vraiment loin du rush citoyen tel que l’exige l’étape historique que traverse notre pays aussi bien dans ses aspects politiques et socioéconomiques La jubilation du ministre de l’Intérieur va jusqu’à faire l’éloge des partis qui auraient accompli un “bon boulot’’. Accusés en mai dernier, par le même responsable, de salonnards incapables de faire passer leurs idées, ils se reçoivent subitement démagogiquement l’onction de Zerhouni pour avoir rehaussé le niveau d’instruction des candidats et rajeuni les membres des listes proposées au suffrage des citoyens. Cependant, c’est pour, aussitôt, briser les ardeurs de ceux qui se proposent de servir la collectivité en informant l’assistance que les Codes communal et de wilaya ne seront pas réformés dans un délai raisonnable. L’étroitesse et les limites des textes actuellement en vigueur régissant ces deux institutions (APC et APW) étant une réalité qu’il convient de déplorer et de dénoncer, il reste qu’à l’intérieur des prérogatives qui sont les leurs, les élus n’ont pas, par le passé, brillé par une gestion innovante et imaginative des affaires relatives à leurs localités. L’esprit d’initiative en est le grand absent. Ce ne sont sûrement pas les farces de certaines réunions des APW qui nous apprendraient le contraire. Les commissions spécialisées de ces assemblées ne sont généralement pas instruites des grands dossiers qu’elles viennent examiner avec l’exécutif concerné (direction de wilaya). Les données techniques et statistiques leur échappant complètement, elles compensent ce déficit par des péroraisons et des procès d’intention qui ne font avancer les choses en rien.

Il est bien beau et flatteur cet autre statut de “premier magistrat’’ de la commune dont se prévaut le président de l’APC pour peu que ce dernier fasse valoir ses attributs, ses compétences et son sens des responsabilités. Malheureusement, les prévarications, les magouilles et autres affaires interlopes dans lesquelles ont trempé nombre de maires ou de membres d’exécutifs communaux ont carrément oblitéré leurs devoirs envers leurs administrés et donné un coup de canif mortel au contrat qui les lie à leurs électeurs.

Ce n’est nullement une surprise de lire dans la presse que des maires sont poursuivis en justice pour gestion opaque des marchés publics, détournement de biens sociaux et autres délits de divers degrés de gravité. La série de fermetures de mairies, y compris dans certaines grandes villes, par les citoyens excédés par l’injustice et la dilapidation des fonds publics ne constitue pas non plus un scoop ou un événement extraordinaire tant la pratique, aiguillonnée par l’obstruction des voies de recours, a fini par entrer dans les mœurs. La culture de l’émeute est devenue une “constante nationale’’. Jusqu’à quand les boniments électoraux et les creux babils de circonstance tiendront-ils lieu de programmes politiques ?

Amar Naït Messaoud

Partager