Al-Qaïda a eu la peau du Dakar

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L’édition 2008 du Paris-Dakar est annulée à une journée du départ prévu le samedi 5 janvier. La décision a été annoncée à Lisbonne, ville du coup d’envoi de la première étape, par les responsables de l’ASO, Amaury sport organisation. Cette décision est motivée selon ces mêmes organisateurs par « des menaces directes lancées contre la course par des mouvances terroristes ». L’organisation terroriste islamiste, Al Qaïda au Maghreb islamique a fini par avoir la peau de l’une des plus mythiques compétition du sport mécanique au monde. La voix de la sagesse est semble-t-il privilégiée par les organisateurs lesquels au lieu de succomber au chant des sirènes sahariennes ont préféré répondre favorablement au « warning travel »du ministère français des Affaires étrangères.

L’assassinat de quatre touristes français le 24 décembre et de trois militaires trois jours après en Mauritanie, sont les principaux éléments qui ont incité les services du Quai d’Orsay à déconseiller fortement cette destination aux touristes français et aux organisateurs du rallye. Les pourparlers engagés avec les autorités mauritaniennes et les garanties apportées par ces dernières ne semblent pas enrayer le risque terroriste.

D’après le tracé de l’édition de 2008, huit des quinze étapes du tour se dérouleront en Mauritanie du 11 au 19 janvier. Malgré les 4 000 soldats promis par la république islamique, les risques d’attaques terroristes sont jugés trop élevés.

En trente ans d’existence le rallye des sables a dû adapter son tracé au fil des menaces et des changements géostratégiques de la région. Dès 1989 l’étape algérienne est supprimée pour cause de troubles sur la scène politique du pays, privant ainsi les compétiteurs de la plus vaste partie du Sahara. En 2000 le tracé avait fait un tour à quatre vingt-dix degrés pour devenir le Dakar-Le Caire. Offrant par la même occasion au dictateur, néanmoins généreux contributeur Mouamar El Kadhafi, une occasion de pointer le doigt sur la scène internationale. Lors de cette édition les étapes nigériennes sont annulées pour causes de menaces de groupes armés difficiles à contrôler.

2001, les indépendantistes sahraouis du front Polisario, opposants de toujours du royaume marocain, ont menacé de reprendre les armes si le rallye traverse, ce qu’ils considèrent capitale du Sahara occidentale.

En 2004 et 2007 des étapes maliennes sont annulées pour les mêmes motifs de sécurité.

La compétition draine la plus importante campagne médiatique sur le continent africain. Pour les dirigeants des pays qu’elle traverse, cette exposition aux médias du monde constitue un gage de stabilité à l’égard de l’Occident.

Même logique animant les différents mouvements armés et groupe terroristes opérant dans la région, qui jouent ainsi les piques-assiettes en voulant s’attirer les feux de la rampe.

La région est constituée dans sa majorité par une immensité désertique partagée entre plusieurs pays nord-africains et subsahariens. Son importance géostratégique réside dans les quelques zones uranifères et autres îlots miniers pouvant constituer des sources vitales pour les gouvernements qui les exploitent. Les rebellions touaregs du MNJ, Mouvement nigérien pour la justice, au nord du Niger et de l’Alliance démocratique pour le changement au Mali inscrivent leur lutte dans un cadre plus égalitaire et de justice sociale. Pour ne pas s’attirer les foudres de la lutte anti-terroriste, ces mouvements n’hésitent pas à combattre eux-mêmes sur leur territoire les islamistes du GSPC algérien. C’est lors d’un accrochage le 27 septembre 2006 entre les Touaregs maliens de l’Alliance démocratique et les salafistes du GSPC que la branche sudiste de cette organisation avait perdu son chef Mokhtar Belmoktar.

L’intérêt que manifeste la nébuleuse de l’organisation terroriste internationale Al Qaïda pour cette région réside dans :

La volonté de l’organisation de se doter d’une base arrière pour exercer une menace permanente sur les champs pétroliers et gaziers algériens, véritable nerf de guerre. Position qui lui permet de menacer les intérêts occidentaux, français et américains en particulier.

Sa situation géographique, qui constitue un rempart naturel pour l’installation de camp d’entraînement pour les combattants loin des regards indiscrets.

L’arrestation par l’armée américaine de plus en plus de djihadistes en Irak originaire de la région, incite la Maison-Blanche à plancher sérieusement sur le problème.

Après Monrovia au Liberia pendant la guerre froide, la guerre contre le terrorisme international semble placer l’Afrique subsaharienne au centre des préoccupations géostratégique.

Mais les vraies questions que la communauté internationale devra se poser sont celles-ci : Faut-il continuer à abdiquer face à la menace terroriste ?

Pour combien de temps El Quaïda continuera-t-elle à dicter sa loi au monde ? Et plus grave encore, peut-on abandonner l’Afrique au fondamentalisme ? tout en sachant qu’aucune fuite en avant ne réglera le problème.

Zahir Boukhelifa

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