Pour que le calme régnant aux alentours du Foyer ne signifie pas isolement pour les pensionnaires, le DAS de Bouira, M. Bounab compte investir davantage dans sa politique d’action sociale. Dans une entrevue qu’il nous a accordée, en marge de notre visite au Foyer pour personnes âgées et handicapés, le DAS se dit préoccupée par une série de mesures visant à la préparation de projets pédagogiques et éducatifs. « Nous ne voulons pas uniquement accompagner nos pensionnaires vers leurs ultimes demeures et qu’ils attendent leur dernier souffle en croisant les bras. Nous souhaitons mettre en œuvre des ateliers de jardinage, vannerie, tricotage, broderie, etc., pour les aider à revivre. Egalement nous souhaitons que nos pensionnaires aillent vers le monde extérieur pour combattre leur isolement. C’est pour cela que nous essayons d’organiser, chaque fois que c’est possible, des sorties pédagogiques et thérapeutiques. » La directrice du Foyer, elle, insiste sur le bien-être de « ses pensionnaires » comme elle aime à les appeler, et surtout sur le rôle du foyer. « Je considère que tout être humain, après avoir donné toute son affection à sa famille, est en droit de recevoir à son tour l’affection qu’il mérite. Le mot foyer évoque avant tout, une famille, et nous sommes réellement une famille. Nous essayons d’insuffler une nouvelle dynamique à cet établissement pour rendre le sourire aux pensionnaires qui ont tout perdu. Nous avons énormément d’ambition pour soulager nos pensionnaires et parvenir à améliorer leur quotidien, toutefois nous déplorons entre autres l’absence d’un médecin généraliste en permanence au niveau du Foyer. » A propos des dons que le Foyer reçoit de la part de généreux donateurs, généralement à l’occasion de chaque fête religieuse, la directrice estime que cela permet d’améliorer le quotidien des pensionnaires qui ne restent pas insensibles devant ces témoignages de charité à leurs égards. « Cela leur fait extrêmement plaisir de recevoir des cadeaux de personnes étrangères. Ces gestes ne les laissent pas indifférents et permettent de renouer une certaine convivialité entre les pensionnaires qui se sentent vraiment heureux lors de ces occasions. »
L’envers du décor
Parmi les préoccupations de la direction du Foyer, le recrutement d’une assistance sociale se fait ressentir. Des cas explicites illustrent cette demande qui n’est pas un luxe, bien au contraire. Pour intervenir auprès de différentes administrations afin de régler des problèmes relatifs aux reversements de pensions ou de statuts inhérents aux handicapés, une assistance sociale est un impératif auquel ne peut échapper un foyer de ce genre. Le cas d’un pensionnaire, célibataire et sans enfants, qui possède des terres dans sa région natale proche de Bouira est un véritable casse-tête pour la direction du Foyer. En effet, comment protéger la propriété qui appartient toujours au pensionnaire ? Une parcelle de terre plantée d’oliviers, est pourtant un bien non négligeable en cette période. Comment la mettre à l’abri des voleurs et des chapardeurs ? Autant de questions que peut évidemment résoudre la direction du Foyer à condition de recruter une assistance sociale. Sur un autre registre, la vocation essentielle et principale de cet établissement a souvent été mal interprétée. Créé uniquement pour les personnes âgées et les handicapés, il aura fallu énormément de temps pour convaincre la société civile que le Foyer n’était pas un débarras humain. C’est ce que nous affirme la directrice de l’établissement qui a vu défiler un nombre important de personne voulant être admises dans ce Foyer. « Au début, lorsque nous avons ouvert le Foyer, tous les S.D.F, et aliénés mentaux qui étaient retrouvés dans la rue étaient directement acheminés ici. Nous avons eu beaucoup de mal à faire comprendre aux autorités et à la société civile que ces personnes pouvaient se montrer agressives envers nos pensionnaires. Représentant un réel danger au sein de cette institution, ne disposant d’aucune prérogative, ni de moyens pour soigner les aliénés, nous ne pouvions pas les accueillir. » Cela dit, le DAS, nous révèle qu’un centre médico-pédagogique avec ferme-pilote sera ouvert d’ici la rentrée prochaine. Ce centre sera chargé d’accueillir les handicapés et les préparer à une activité agricole pour préparer leurs réinsertions.
Valeurs sociétales et rigidité institutionnelle
Le Foyer pour personnes âgées et handicapés de Bouira est un modèle de structures spécialisées pour accueillir les vieillards et les infirmes. Soins, attention et surtout un climat convivial peut certes apporter du réconfort et un certain soulagement auprès des pensionnaires en détresse, mais cela ne peut remplacer l’entourage familial qui fait défaut. Dans la société algérienne, il faut souligner que le phénomène d’abandon est somme toute assez récent, et hélas récurrent. La cherté de la vie et l’absence d’un pouvoir d’achat digne de ce nom ne semblent pas être les seuls motifs qui poussent des familles à abandonner leurs proches dans un établissement de ce genre. L’absence de repères traditionnels, la perte des valeurs ancestrales, et la soi-disant modernisation de la société sont également d’autres facteurs qui contribuent largement à ce phénomène d’abandon. Une éducation des enfants basée sur le respect envers les parents afin de renforcer les liens sacrés de la famille serait souhaitable pour éradiquer définitivement ce phénomène. Dans une société qui se dit musulmane, prendre soin de ses parents est un billet d’accès au Paradis est-il expliqué dans le Coran. Mais de la religion, seul l’ostentatoire est retenu. L’humanisme, lui, fait défaut, et prend hélas la forme d’un établissement froid et rigide réchauffé par des âmes sensibles rémunérés pour s’occuper de ceux désormais sans famille. Les vieux aussi, comme les oiseaux, se cachent pour mourir, mais dans ce qui leur reste de dignité en attendant leurs funérailles.
Hafidh Bessaoudi