Pôvre Kabylie

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A défaut de la tenir en main, la Kabylie lui tient à cœur, semble-t-il. Il se plaint de ce qu’on veuille la déstabiliser. C’est donc d’une drôle de manière qu’il contribue à faire échec à ce supposé complot anti-kabyle. Il s’est proposé de revisiter l’Histoire en empruntant de fausses pistes, ce qui l’a inévitablement amené à faire fausse route. Quoi de mieux, en effet, que de passer tous ses symboles à la moulinette pour garantir à cette région unité, stabilité et sérénité ! Pour ce faire, rien ne semble gêner Hocine. Il pense sans doute qu’en tant que personnage historique, il peut se permettre des approximations avec l’Histoire… Ainsi, Krim Belkacem est un militariste qui n’aurait rien à voir avec la politique, même s’il a été l’artisan et le signataire des Accords d’Evian. Pire : il serait complice de la liquidation physique de Abane Ramdane. Voilà une affirmation qui travaille en faveur de la stabilité de la Kabylie et qui améliorera sans doute les relations entre les villes de Azouza et de Draâ El Mizan (*) !Le colonel Amirouche serait un vampire assoiffé de sang, Ouamrane traînerait des tares inqualifiables, Mohand Oulhadj ne serait qu’un opportuniste… à tel point que la Kabylie ne saurait plus à quel héros se vouer… Du haut de ses prétentions passées, Saïd, visiblement déprimé, préfère l’ambiance des cafés maures à celle des grands meetings populaires. Entre deux claquements de dominos venant des tables voisines, tout en sirotant un café sans sucre, il s’attèle à réhabiliter le politique. Pour ce faire, il jette un regard haineux sur l’actualité et sur les femmes et les hommes qui la font. Il n’aime pas le FLN parce que, d’évidence, on ne peut pas aimer le FLN. Il a une dent contre Ouyahia et son parti, probablement parce que Ahmed n’est qu’un vulgaire plagiaire qui lui a copié ses moustaches et ses lunettes. Il n’aime pas Bouteflika et commence déjà à jurer qu’il ne passera pas en 2009… Il voue le FFS aux gémonies parce que Hocine fait dans la concurrence déloyale en matière de zaïmisme, il déteste Khalida parce qu’il n’a pas su la récupérer après l‘avoir jetée dans les bras de Bouteflika, il en veut à mort à Amara, dont les tares seraient si nombreuses qu’il faudrait tout un ouvrage pour les énumérer, il méprise Ferhat qui, selon lui, n’aurait jamais dû faire de la politique qu’à ses côtés… Bref, mis à part Djaballah, aucune politique ne trouve grâce à ses yeux. C’est pourquoi lorsque Saïd s’acharne à réhabiliter le politique, ce politique, c’est lui.Du haut de ses montagnes, la Kabylie s’éveille, écrasée par la lumière du soleil de juin. Elle cligne des yeux comme mal réveillée et visiblement agacée. La Kabylie est agacée par Hocine. Elle est agacée par Saïd. Et par tous les prétendants au titre de parrain…

A. R.(*) Azouza et Draâ El Mizan sont les villes natales de Abane Ramdane et de Krim Belkacem.

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