Dommageables avatars

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À différentes occasions, le ministre de l’Intérieur a fait état de l’intention du gouvernement de renforcer les prérogatives des représentant de l’État au niveau de ses démembrements (chef de daïra, wali). La voie est même tracée pour introduire cette nouvelle orientation dans les nouveaux codes de la commune et de la wilaya censés être soumis, au cours des prochains mois à l’examen de l’APN. Si un tel projet devait être avalisé par les deux chambres du Parlement, ce serait nécessairement au détriment des élus qui, par ailleurs, ne cessent de réclamer plus de marges de manœuvres, partant, plus de prérogatives. Partout dans le mode développé, c’est sur ce point d’équilibre entre élus et administrateurs- dont on ne possède pas encore les repères sous nos latitudes- que repose l’architecture et l’organisation générale des institutions. Lors de la réunion avec les walis en décembre 2006, le président de la République a tenu à mettre en exergue la place centrale qu’occupent ces grands commis de l’État aussi bien dans la pyramide institutionnelle du pays que dans les rouages et les mécanismes de la dynamique de développement des territoires qu’ils administrent.

Il est évident que le test de ce face-à-face vaut aussi bien pour les charges qui pèsent sur les représentants locaux que pour les canaux par lesquels passent les actions de développement. En effet, le passage de la centralisation démesurée et hypertrophiée- où les décisions d’inscription des programmes étaient élaborées dans les bureaux douillets des ministères- à une relative déconcentration, à partir de 2004, qui transfère ces prérogatives aux wilayas par le biais des DPAT (Direction de la planification et de l’aménagement du territoire), n’est pas expédié comme une ‘’lettre à la poste’’ et ne va pas sans un certain nombre d’impondérables qui, quelque part, sont les signes d’un malaise qui couvait depuis longtemps dans l’administration algérienne. On tombe, en quelque sorte de Charybde en Scylla. A une concentration maladive des pouvoirs au niveau hiérarchique central ont succédé des comportements similaires au niveau du premier démembrement géographique de l’État, à savoir la wilaya ; comportements qui ne sont pas moins dommageables pour la marche équilibrée de l’économie nationale et pour la mise sur orbite de tous les projets de développement inscrits dans le cadre des différentes lois de finances ou du Plan de soutien à la croissance. Le wali se retrouve ainsi au cœur d’une mécanique fort complexe qui englobe tous les secteurs de la vie publique. L’un des indices révélateurs de la difficulté des wilayas à mettre en œuvre l’ensemble des projets de développement qui leur sont confiés est sans aucun doute la lourdeur administrative qui grève la passation des marchés publics. Depuis la mobilisation des fonds relatifs aux programmes traditionnels- auxquels il faut ajouter les programmes Sud et Hauts-Plateaux-, les bureaux des marchés au niveau des wilayas croulent sous les poids des dossiers. Les commissions des marchés, ligotées dans la camisole du Code des marchés publics datant de juillet 2002- camisole qui n’exclut ni manœuvres ni détournement de l’esprit des lois tant le texte comporte beaucoup de non-dits et de ‘’blancs’’- ne sait sur quel pied danser.

La période exceptionnelle de la vie de la Nation qui a contraint le pouvoir politique à installer des délégations exécutives en lieu et place des maires élus est assez riche en enseignements pour pouvoir éviter une inflation du pouvoir exécutif à tous les échelons de la République. La crédibilité et l’efficacité de l’administration ne seront certainement pas rehaussés par l’adjonction de nouvelles prérogatives aux chefs de daïra, qui, sous d’autres cieux, ne font que représenter symboliquement l’État. Face à une situation où les institutions intermédiaires deviennent des goulots d’étranglement pour tout ce qui a trait au développement local et à l’émancipation citoyenne et de la société, la seule solution- du moins la plus sage et la moins coûteuse- est une décentralisation à la mesure des dimensions du pays et des frétillements de la société.

A. N. M.

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