Adonis à l’APN

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Ils étaient très peu nombreux, les députés à venir “ débattre” le plan d’action du gouvernement présenté par le Premier ministre Ahmed Ouyahia. Il n’y avait rien à discuter, mais il fallait quand même satisfaire à la procédure. L’apparat, désormais ultime subterfuge permettant de maintenir en vie une institution organiquement grabataire et politiquement désuète, avait même besoin de quelques élans enthousiastes pour accentuer l’illusion. Alors des élus du peuple se sont proposés pour la délicate expédition. Et les envolées étaient tellement dithyrambiques que ça a fini par embarrasser l’un des députés. Révolté par le fait qu’on gaspille autant de temps et d’énergie à louer les vertus du président de la République et le supplier de se porter candidat à un troisième mandat présidentiel, outré par le zéle mis par ses collègues à énumérer les “acquis” réalisés et les projets à venir, l’honorable député islamiste a invité les présents dans l’auguste assemblée à arrêter de dire… les évidences ! Sobre, mais d’une rare finesse, ce député mérite vraiment la palme du meilleur brosseur, un peu à la manière du vainqueur du concours du plus grand égoïste. Ce dernier a simplement dit : “ L’égoïste, c’est celui qui ne pense pas à moi !”. Les élus du peuple n’étant par définition pas du tout égoïstes, ils n’ont à aucun moment tiré la couverture à eux. Ils étaient par exemple nombreux à “féliciter le peuple algérien pour les grandes réalisations auxquelles ils ont grandement contribué.” Très humbles nos députés. Généreusement reconnaissants surtout, envers des Algériens qui n’attendent rien d’eux et pour cause, il ne les ont pas élus. Il n’étaient pas nombreux et il n’y avait pas grand-chose à débattre, mais nos députés savent se débrouiller et toujours trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Tenez, un député -encore un islamiste mais la précision n’a plus d’importance, est revenu sur l’épisode Adonis.

Quand il a commencé par “exprimer son soutien”, des âmes naïves ont tout de suite pensé au pauvre Amine Zaoui, le directeur de la Bibliothèque nationale qui a payé de son poste l’invitation d’un poète arabe encombrant. Ou alors à l’homme de lettres Adonis qui aurait quand même pu trouver dans cette assemblée une voix réconfortante même s’il ne s’est jamais fait d’illusion sur les régimes arabes.

Non, “ le soutien” du député venu débattre du plan d’action du gouvernement est allé à…- Abderrahmane Chibane, président de l’Association des ulémas musulmans algériens, vraisemblablement le premier à tirer sur le poète et condamner sa liberté de ton et son sens critique. Habitué à l’anathème, Adonis ne doit pas s’en offusquer outre mesure. Et le député qui a invité ses pairs à ne pas ressasser, a dû compter cette “évidence” parmi celles qui ont suscité son courroux.

S.L.

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