Pour avoir pratiqué une césarienne «sans autorisation de l’administration», le Dr Touahri, chef de service de chirurgie générale, écope d’un «avertissement avec inscription au dossier». C’est le dernier avatar de la crise spasmodique qui ébranle l’hôpital d’Akbou depuis quelque temps. Une crise qui continue ainsi à s’exprimer sur le mode de l’absurde. «Sachez Monsieur le directeur que je peux être amené à reprendre chirurgicalement mes malades à n’importe quelle heure (…) et ce ne sera pas votre autorisation qui m’en empêchera (…) malgré que vous voulez faire de cet EPH une usine où toutes les machines seront éteintes à 16h00», réplique avec véhémence le chirurgien en chef à travers une lettre dont des copies ont été adressées aux médias et à toutes les autorités plus au moins compétentes de la wilaya.
La crise qui a éclaté précisément en raison du refus des chirurgiens de pratiquer des césariennes rappelle ainsi l’histoire du chien galeux qui court derrière sa queue. Un exercice pathogène de la médecine. Au 1er mars courant, la section syndicale des médecins spécialistes a ainsi révélé que des défaillances du groupe électrogène engendrent «la pratique d’interventions chirurgicales avec un éclairage manuel (bougies, téléphones portables) et l’annulation de certaines interventions après anesthésie générale des malades». Il ne faut pas halluciner car la suite est encore plus forte. Le syndicat parle de risque radioactif, confirmé par une équipe du HCR et de «pratique d’interventions chirurgicales de traumatologie avec des moteurs de menuisier» (sic !). Des assertions gravissimes que le directeur de la santé de la wilaya, approché en marge de la dernière session de l’APW par un de nos reporters, rejette en un revers de la main. «Je n’ai jamais été informé de tout ça !», soutient le Dr. Kessal qui laisse entendre que c’est la détérioration des rapports entre les parties en conflit qui est à l’origine de cet «invraisemblable» déballage. Mais, il y a pire que tout : mort d’homme. Les médecins, qui ont consigné leurs révélations dans un PV de réunion, parlent ainsi de retard dans l’approvisionnement en oxygène ayant occasionné le décès d’un nourrisson en pédiatrie. Le Dr Daoud, pédiatre à l’hôpital, revient sur cet incident survenu le samedi 29 novembre 2008 : “L’état du nourrisson exigeait sa mise sous oxygénation permanente car il était en détresse. Il commençait à poser des problèmes dès 7h30. La généraliste a été appelée afin de le réanimer et au moment de l’intuber, la pression de l’oxygène dans les bouteilles était insuffisante pour aérer convenablement ses poumons. Ce qu’elle m’a signalé à mon arrivée. Quelques jours plus tard, j’ai adressé une lettre explicative au DSP et au ministre”.
A l’unisson, les Drs. Daoud, Yousfi et Benyahia expliquent que le problème ne résidait pas dans le manque d’oxygène en soi mais dans l’ignorance des médecins de ce manque dont ils n’avaient pris connaissance que par ouï-dire, autrement ils auraient agi en conséquence. “Le programme opératoire de ce jour a été reporté et les couveuses ont été ouvertes juste après le décès du bébé pour éviter l’asphyxie à six autres bébés”, témoignent les trois médecins. Un tout autre son de cloche est néanmoins véhiculé par le directeur de l’hôpital. M. Abassen qui soutient que “l’enquête diligentée par le directeur à l’effet de faire la lumière sur ce fait a conclu au décès suite à la souffrance du nourrisson et les rapports en notre possession excluent formellement la thèse du décès à cause de manque d’oxygène». Le directeur insiste à dire que le médecin pédiatre était absent du service pédiatrie au moment du décès et rejette jusqu’à l’hypothèse d’une rupture de l’arrivée d’oxygène. “L’hôpital d’Akbou dispose d’une station d’oxygène, il est vrai qu’elle n’a pas été approvisionnée à temps, soit mardi 25 novembre 2008, à cause d’une défaillance du fournisseur, mais l’hôpital disposait de bouteilles pleines au moment des faits”, précise-t-il encore.
“Nous ne sommes jamais en rupture d’oxygène, nous adressons un bon de commande au fournisseur bien avant que la station ne soit épuisée à 20% de sa capacité volumique”, rassure le premier responsable de l’hôpital. Des explications qui n’évacuent pas tout à fait les suspicions qui pèsent sur la mort de ce nourrisson. Pour les médecins, les faits corroborent une mort suspecte et il n’ y a que l’autopsie qui peut évacuer la suspicion de façon certaine. Or, l’autopsie n’a pas été pratiquée.
M. Bessa/B.Sadi