Le nouveau plan comptable est établi selon les normes IFRS (International Financial Reporting Standards) adoptées à l’échelle internationale. Après maints séminaires et journées d’études consacrés à ce nouvel instrument de gestion financière de l’économie nationale, il a été décidé de le faire adopter officiellement à partir du 1er janvier 2009. Cependant, vu la non maturité de la phase préparatoire, le ministère des Finances a préféré y surseoir et de différer son application au 1er janvier 2010. Le Comité de suivi de la mise en œuvre qui vient d’être installé est une instance regroupant des représentants d’organismes de formation, d’utilisateurs de différents secteurs et de professionnels de la comptabilité. Il sera chargé de “conforter la mise en œuvre du système comptable financier à travers notamment la mise en place des programmes de formation aux nouvelles normes comptables et des programmes de formation en comptabilité en collaboration avec les ministères de l’Enseignement’’, selon les termes le communiqué du ministère des Finances.
Aux normes IFRS
Pendant plusieurs années, les pouvoirs publics ont, pour améliorer, moderniser et promouvoir aux standards internationaux le système comptable national, fourni des efforts méritoires qui ont abouti, en 2007, à l’adoption par l’Assemblée populaire nationale d’un nouveau système comptable offrant plus de transparence et de lisibilité malgré les efforts d’apprentissage et de mise à niveau qu’un tel système exige des entreprises et des personnels appelés à le manipuler. Ce système applicable dès janvier 2009 « hissera la comptabilité nationale aux normes de fonctionnement de l’économie moderne et permettra de produire une information détaillée reflétant une image fidèle de la situation financière des entreprises », soutenait devant l’APN, en septembre de l’année dernière, Karim Djoudi, ministre des Finances. C’est au début de l’année en cours qu’un travail de vulgarisation a été entamé à l’intention des futurs utilisateurs de ce nouveau système. Des experts comptables estiment que « le travail de vulgarisation fait jusqu’ici par le Conseil national de la comptabilité n’est pas à même de rendre les comptables algériens prêts à l’application du nouveau plan ». Lors d’un séminaire organisé en février dernier à Alger sur les modalités d’application du nouveau système comptable et des normes IFRS (International Financial Reporting Standards), M. Abci, consultant formateur, juge qu’ « il est aujourd’hui nécessaire que les structures ayant été à l’origine de la conception du nouveau plan expliquent aux professionnels ses modalités d’application. Cette importante démarche constitue un instrument essentiel pour l’accompagnement du processus de passage de l’ancien au nouveau système ». Le nouveau système remplacera, à partir de janvier 2009, le plan comptable national datant de 1975. Ce dernier ne répond plus aux exigences de la nouvelle économie ouverte sur le monde et sur l’investissement privé. Le système comptable adopté par l’Assemblée nationale en octobre 2007 est censé « permettre la production d’informations détaillées, fiables et comparables reflétant notamment une image transparente et plus précise de la situation financière des entreprises (…) Comme il donne à la gestion de la comptabilité une nouvelle conception dominée par l’aspect économique qui intéresse les investisseurs, au lieu du juridique et fiscal qui intéresse beaucoup plus l’administration fiscale ». Le nouveau plan comptable national, pour lequel des séminaires et journées d’études sont régulièrement organisés pour être au rendez-vous de janvier 2009, sera l’instrument comptable légal des grandes entreprises nationales, de quelque 200 000 PME privées et 711 PME publiques ; mais son application est finalement différée à 2010 pour permettre aux entreprises de se préparer convenablement. Outre la maîtrise et la modernisation des informations comptables et statistiques propres à l’administration, aux entreprises et aux autres services, l’Algérie est attendue sur le terrain de la mise en circulation des ces informations de façon à mieux en démocratiser l’usage. À bien y réfléchir, la mise à la disposition du large public (journalistes, bureaux d’études, écoles spécialisées,…) des informations statistiques fiables et exploitables participe inévitablement des efforts pour asseoir La transparence de la gestion et la bonne gouvernance.
De nouveaux instruments de gestion et de planification
Pour les analystes de l’évolution des structures administratives ayant pour mission d’encadrer l’économie du pays, la mise en place d’un Commissariat au Plan, intervenue au mois d’août 2008, est un autre moyen technique et de concertation qui revêt un caractère d’heureuse innovation destinée à combler un vide dans l’architecture institutionnelle de notre pays. Ce poste managé par le professeur Sid Ali Boukrami, un éminent économiste, est censé être un » instrument pour redéfinir les politiques du gouvernement en matière d’emploi sur la base des statistiques « , selon la déclaration du ministre des Finances, Karim Djoudi, faite lors de l’installation. En fait, les structures de la planification dans notre pays ont suivi l’évolution imprimée à l’économie. Pendant les années 70 et 80 du siècle dernier, l’action de planification bénéficiait de tout un département ministériel. Mais, comme chacun le sait, cette mission se contentait de suivre les contours d’une économie administrée, régentée par le pouvoir central au profit des ‘’masses’’. D’ailleurs, pour brocarder l’économie ‘’socialiste’’ de l’époque- aussi bien en Algérie qu’en Europe de l’Ouest- on lui colle aujourd’hui l’épithète ‘’planifiée’’, non sans créer un écart sémantique préjudiciable à une fonction, la planification, pourtant portée sur les fonds baptismaux de l’Europe occidentale dite capitaliste après la fin de la seconde Guerre mondiale. Ce précieux instrument de ‘’guidance’’ économique et sociale trouvera sa pleine expression pendant les années de l’expansion économique européenne (les trente Glorieuses) et surtout après le choc pétrolier en 1973. Planifier le développement par la domination de l’imprévisibilité, par la mesure des risques présents et à venir et par la mobilisation de toutes les structures relevant de la gestion de l’économie nationale, tels semblent se présenter les grands axes des attributions de cette nouvelle institution. Pour ces objectifs, les spécialistes ont tracé au moins de grandes étapes : le diagnostic de la situation de l’économie (atouts et contraintes), plan stratégique (objectifs généraux en fonction des hypothèses), propositions de programmes et budgets répondant aux objectifs et, enfin, le contrôle et les mesures coercitives (analyse des écarts par rapport aux objectifs : rasions et remèdes). Le plus indulgent des observateurs a pu se poser de légitimes questions sur les modalités d’application, la stratégie d’ensemble et la faisabilité même des derniers plans de développement mis en branle par le gouvernement algérien dans le cadre du Plan complémentaire de soutien à la croissance et des programmes complémentaires Hauts Plateaux et Sud. À eux seuls, ces trois axes totalisent une enveloppe budgétaire de quelque 150 milliards de dollars. Pour rendre justice à l’ancien ministre des Finances, M. Abdellatif Benachenhou, c’est tout à fait au début de la conception de la première tranche de ces projets- pour 50 milliards de dollars- qu’il montra ses appréhensions en mettant l’accent sur le manque de performance des entreprises algériennes pour prendre en charge les travaux objet de ces investissements. Ensuite, ce fut le tour de certains experts, dont le docteur Abdelhak Amiri, de proposer un sursis d’une année pour procéder à des études qui, à leurs yeux, paraissaient indispensables pour mettre en application de tels méga-projets qui engagent l’avenir de la Nation. Il a même été suggéré qu’une partie de ce montant historique serve à la mise à niveau de certaines de nos entreprises pour pouvoir affronter le terrain. En tout cas, il demeure clair que sur le plan de l’étude du milieu et de l’aménagement du territoire- pour une cohérence et une efficacité garanties des projets de développement- le préalable de l’identification des actions et des sites constitue un facteur essentiel de réussite. Rien n’y fait. Les inscriptions des programmes étaient effectuées au département des Finances et la machine s’est emballée. Même si le concept de planification a été galvaudé au temps du ‘’socialisme spécifique’’- l’économie planifiée n’a plus bonne presse depuis le triomphe du libéralisme économique et symbolise un dirigisme étatique à tout va-, partout dans le monde, à l’ombre même du libre-échangisme le plus débridé, les services de la planification tournent à plein régime. Il ne s’agit pas, loin s’en faut, de dicter à la ferme son plan de culture ni à l’atelier le nombre d’unités à produire et de travailleurs à employer. Mais, comme la commune définit son POS (plan d’occupation du sol), la collectivité nationale a besoin de définir ses priorités, ses objectifs, sa stratégie et les moyens nécessaires à leur réalisation. Les pays d’Europe occidentale, à commencer par la France, ont bâti de solides politiques de planification depuis la fin de la seconde Guerre mondiale. Le Plan ‘’Monet’’ mis en œuvre à partir de 1947 est un bel exemple de prospective et d’anticipation économique.
Pour une politique budgétaire basée sur les objectifs
Depuis la disparition, à la fin des années 1980, du ministère de la Planification, l’Algérie gère son présent économique par le seule grâce de la loi de Finance votée annuellement. Pire, cette loi a fini par être fractionnée pour donner un appendice qui a pour nom la loi de Finances complémentaire.
Mais au vu des incohérences des programmes de développement, aussi bien dans l’espace que dans l’interaction des tâches prévues, la nécessité de renouer avec l’esprit de la planification rationnelle a fait son chemin au sein des cercles décisionnels. C’est ainsi qu’en août 2006, un projet de décret portant sur la création d’un Commissariat général à la planification et à la prospective a été adopté.
Cet organe, présenté comme « un instrument efficient d’aide à la décision et à l’orientation des stratégies de développement », vient donc d’être doté d’une direction officielle. De même, le prestigieux Institut supérieur de gestion et de planification (ISGP), sis à Bordj El Kiffan, est passé sous la tutelle du ministère des Finances. Il aura à former des cadres dans la prospective et l’intelligence économique. « Nous avons les ressources financières, mais cela ne suffit pas », dira, lors de la cérémonie de transfert, M. Medelci, alors ministre des Finances. La planification se trouve au cœur de l’action de développement et de gestion. Les hautes autorités du pays commencent à reconnaître cette réalité et à lui réserver son terrain institutionnel. Mieux vaut tard que jamais.
C’est ainsi qu’un nouveau mode d’élaboration de la loi de Finances- canevas dans lequel ne seront pas distingués le budget de fonctionnement et le budget d’équipement- et un nouveau Plan comptable national ont été élaborés.
Au début de l’année en cours, un forum portant sur les modes et les systèmes de la gestion publique, s’est tenu à Alger sous le parrainage du ministre des Finances. L’intitulé de cette réunion scientifique était » La performance au rendez-vous de la réforme budgétaire « . Les experts et les hauts responsables du secteur des Finances étaient appelés, à l’occasion de ce forum technique, à débattre du système budgétaire algérien en vigueur tel qu’il est véhiculé par la loi de finances annuelle qui décline le budget de l’État en budget de fonctionnement et en budget d’équipement, comme ils ont eu à examiner de près le projet du nouveau Plan comptable national établi selon les normes internationales IFRS. La réforme budgétaire ne peut évidemment pas se concevoir comme étant un projet isolé ou autonome.
Elle fait partie du grand projet des réformes de l’administration, des structures de l’État (territoire, institutions et missions). La nouvelle loi portant sur la Fonction publique (2007) est censée être confortée et prolongée par le projet du nouveau découpage du territoire, une décentralisation plus hardie et rationnellement configurée de l’administration et la promulgation des nouveaux codes de la commune et de la wilaya restés en instance au niveau du ministère de l’Intérieur depuis des années.
Amar Naït Messaoud
