Réhabiliter l’éducateur…

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Sans atteindre la dimension alarmante que connaissent les écoles occidentales, américaines essentiellement, la violence dans nos établissements scolaires est cependant sensiblement remarquée et tend, hélas, à se  »normaliser ».

Suite à une enquête sur le sujet que notre journal a menée à l’échelle des territoires de la wilaya de Bouira, il y a près de trois années, nous avons retenu que cette violence se manifeste essentiellement en milieu urbain.

En effet, dans nos villages et autres zones rurales, on respecte encore l’école, et surtout, le parent d’élève, paysan le plus souvent et quand bien même analphabète, suit de très près son enfant.

Ce respect que voue le village à l’école est, et c’est le moins que l’en puisse dire, considéré comme vieillot par la ville prise dans un engrenage infernal et subissant une pression sociale n’accordant de l’importance qu’au concret. C’est d’ailleurs cet état d’esprit qui qualifiera l’enseignant relégué au rang zéro de la classification socioprofessionnelle de « cheikh meskin (pauvre enseignant) ».

Mais cette violence dans nos villes n’est pas seulement subie par les élèves. L’enseignant aussi en paie les frais. Cette violence est d’abord psychologique puisque déjà le salaire de ce dernier est épuisé avant même son retrait des P et T. Et revoilà l’enseignant qui se rabat sur l’ardoise ! Ensuite, ce même enseignant doit faire face à une classe surchargée et, encore plus grave, indisciplinée. Dès lors, ses nerfs ne sont pas loin de lâcher. Un petit écart de langage juvénile lui fait perdre son allure de pédagogue et le transforme en boule de nerfs prête à exploser. Et c’est, hélas, ce qui arrive le plus souvent. Maladroitement touché dans son amour-propre, l’élève (du cycle moyen et secondaire généralement) refusera l’humiliation devant ses camarades. Il réagira tout de suite et bruyamment à « ya himar! » et autres écarts. Il ira même jusqu’à attendre son enseignant devant le portail pour lui  »régler son compte ». Du coup, l’enseignant en est à la deuxième violence.

Cet engrenage de violence est donc justifié par une situation de pression que subit l’enseignant, dira-t-on pour faire court. En fait, la chose ne semble pas être aussi simple.

La violence est un phénomène social, une culture que la décennie de terrorisme a normalisée. Et comme paradoxalement c’est la rue qui influence l’école, pas le contraire, il est évident que l’établissement scolaire s’en imprègne. Inverser la donne comme c’est le cas sous d’autres cieux en arriverait sans doute à mettre un terme à cette violence en milieu scolaire. Mais cela relève fondamentalement de la volonté du système éducatif à vouloir réajuster le cap et à faire de l’école algérienne un espace où on  »dispense la science » et où l’on forme des citoyens et non des militants, un endroit qui réconcilie l’élève avec son environnement et sa réalité. Réhabiliter la dignité de l’enseignant en révisant à la hausse son salaire et à la baisse son volume horaire serait deux réajustements qui le prédisposeraient à un meilleur rendement, sans aucune pression.

S’inscrire dans la modernité en termes de méthode d’enseignement en optant pour une pédagogie attractive qui associe l’élève dans le  »montage de la leçon » est aussi une démarche qui focaliserait davantage et d’une manière productive l’intérêt de ce dernier. A ce propos, la méthode d’enseignement, dite pédagogie de projet, que les enseignants de tamazight ont retenue pour leurs classes, semble avoir porté ses fruits tant en matière d’acquisition de connaissances qu’en matière du façonnage de la personnalité de l’élève devenu acteur. Cette méthode consiste en gros à monter des projets proposés et exécutés par les élèves. L’enseignant n’est en fait plus cet élément détenteur du savoir sans qui rien ne se fait: il est là pour orienter et accompagner les efforts de ses élèves. Expérience qui gagnerait â être calquée sur d’autres disciplines. Car impliquer l’élève, c’est le responsabiliser. Et le responsabiliser est un tout.

T.O.A

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