Un nouveau métier vient de faire son irruption à Ighzer Amokrane (Ouzellaguen) : la forge au chalumeau, qui s’initie sur l’espace public. Le charbon et la cocke métallurgique, les deux principaux combustibles traditionnellement utilisés en Kabylie où l’on est forgeron de père en fils, sont supplantés par le gaz butane. “C’est plus commode, plus propre et plus pratique pour une activité itinérante. Et puis vous gagnez en simplicité sans rien perdre en efficacité”, argumente le plus âgé du groupe de ces quatre artisans, qui ont installé leur attirail au centre-ville. Le métal posé sur un lit de gravillons est chauffé à blanc par la flamme du chalumeau. Il est ensuite retravaillé sur une enclume difforme, coincé à même le sol dans un amas de terre asséchée. “C’est un métier que j’ai hérité de mon père et que j’ai appris sur le tas. Je l’accompagnais dans tous ses déplacements. Nous faisions tous les centres urbains du sud algérien”, marmonne entre sa barbe poivre-sel, un de ces artisans au teint basané. “Nous avons atterri à Ighzer Amokrane par pur hasard. Dans quelques semaines, nous mettrons le cap sur une autre ville. Notre périple nous conduira probablement dans d’autres wilayas du nord”, nous dira entre deux coups de marteau, notre interlocuteur.
En attendant, nos artisans qui se relaient sans cesse n’ont pas de temps mort. Car en plus de rafistoler les outils abîmés, ils en produisent également, à leurs heures perdues. “Nous fabriquons principalement des couteaux de cuisine mais aussi des haches, des houes et des faucilles sur commande”, nous a-t-il indiqué. “Nous exploitons, a-t-il ajouté, toutes les opportunités qui s’offrent à nous pour rentabiliser au mieux nos déplacements et amortir les frais d’hébergement”. Dans la foule des badauds intrigués par cette nouvelle forme d’artisanat venu d’ailleurs, un homme d’un certain âge lance à la cantonade : “Nos jeunes ont tourné le dos à l’activité artisanale. C’est normal que d’autres mains la prennent en charge, car la nature a horreur du vide”.
N. Maouche
