Les toiles de Bahi Lounès, un ex-instructeur aujourd’hui à la retraite, dans leur écrasante majorité, ont ceci d’atypique qu’elles sont teintées d’une certaine figuration naturaliste, laissant transparaître en filigrane, une verve satirique peu commune. “C’est un ami professeur de dessin qui m’a mis le pied à l’étrier. C’était en 1997”, se souvient l’artiste dont la soumission est à la fois sa muse et son égérie. Lounès a cessé d’écumer les bouges — il ne s’en cache pas — dès ses premiers traits tracés et ses premières palettes barbouillées. Depuis, cet homme déglingué à la tignasse en bataille et bacchantes poivre, sel, a donné du corps et du cœur à une multitude de toiles. L’artiste ne se fait pas prier et répond promptement à toutes les sollicitations pour exposer ses produits à l’occasion des manifestations culturelles organisées partout en Algérie et même à l’étranger (Toulon 2002). L’auteur recueille avec une authentique conviction les legs de la sagesse du terroir qu’il transpose dans des toiles d’une grande force plastique. Certaines œuvres telles que “l’arroseur des fleurs” sont d’une banalité déconcertante. La simplification formelle contraste ici avec l’arabesque de la ligne qui dénote une certaine idéalisation de la vie. La liberté extrême de la touche, on la retrouve aussi dans le paysage illustrant une clairière. Une subtile synthèse de l’espace à deux dimensions de la toile, obtenue par le mélange de couleurs pastel posées en touches irrégulières. L’expressionnisme chez Bahi est matérialisée par cette statuette en bois intitulée “L’homme débonnaire” d’un baroquisme éloquent avec des relents de cubisme (agencement des plans et des arêtes) cher à Paul Cézanne. Enfin, l’équipée surréaliste de l’artiste trouve la mesure dans cette sculpture objet qui donne forme à la déconstruction d’un primate. L’auteur y donne libre cours à son fantasme et au délire de son imagination.
N. Maouche
