De Mâatkas aux Ouadhias en passant par Mechtras, la donne est la même. Le lait en sachet est introuvable. Paradoxalement, le lait de vache vendu à 35 D/ le litre est parfois disponible d’où l’apparition d’une interrogation fort légitime chez les consommateurs : “Veut-on relever le prix du lait courant ?”
Pour rappel, son prix actuel est de 25 DA, un produit de large consommation donc soutenu par l’Etat comme c’est le cas pour le pain.
Au passage du camion-livreur, on assiste à de véritables bousculades. Inutile de préciser que les coups de coude sont de mise pour se frayer un passage afin de mettre la main sur un ou deux malheureux sachets de lait. Bien entendu, les quotas sont vite épuisés et ne seront servis que les premiers arrivés.
Quant aux autres, ils devront s’en passer ou se rabattre sur le lait en poudre vendu entre 150 et 180 DA le paquet. C’est dire que ce n’est pas du tout donné. Une situation qui complique davantage la vie aux ménages, qui ne savent plus où donner de la tête. La cherté d’une part et la rareté d’autre part. Une équation à deux inconnues.
Double file pour deux sachets de lait
Une scène lamentable à laquelle nous avons assistée ; pourtant l’établissement concerné est réputé depuis des lustres pour la disponibilité et l’abordabilité des prix. Hélas, la rareté du lait en sachet et la trop forte demande sur ce produit a poussé le propriétaire à s’organiser pour, semble-t-il, satisfaire les clients.
Alors, il faut d’abord faire une interminable queue devant la caisse pour acquérir le sesame (ticket) et puis refaire la chaîne devant le camion-livreur pour recevoir les deux malheureux sachets. Comme c’est toujours le cas, les retardataires ne s’en prendront qu’à leurs têtes car les quelques centaines de sachets sont vite vendus.
Le souvenir de cette dame qui priait le commerçant de lui vendre au moins un sachet ne nous quittera jamais. “Donnez-moi un seul sachet, c’est pour mon bébé», disait-elle. Le commerçant n’a pas trouvé mieux que de lui dire : “Il n’y a plus de lait.”
au courant de la semaine passée, nous avons été saisi par un rassemblement de citoyens. Nous avons à juste titre pensé que c’est là une quelconque manifestation ou peut être un rassemblement politique. Une fois sur les lieux, à notre grand étonnement c’est le camion-livreur de lait qui était pris d’assaut. C’est dire que la crise est criarde.
Un sachet de lait courant et un sachet de lait de vache imposé !
Pour bien sonder l’ampleur de la crise, nous avons décidé de faire une virée du côté de Mechtras, une localité voisine. Dans la première boutique apparue, le lait était disponible. Il y a le lait normal et le lait de vache. Mais, lorsque nous avons voulu acheter deux sachets de lait courant de 25 DA, le laitier nous arrête : “Pour deux sachets de 25 DA, il faut également acheter deux sachets de lait de vache à 35 DA le litre.” Devant notre insistance, le vendeur n’a rien voulu comprendre et trouvera à dire : “Dans ce pays, il ne faut jamais s’étonner. Peut être que demain, on décidera en haut lieu d’augmenter le prix du lait et personne ne s’y opposera.”
Dans d’autres points de vente que nous avons visités, le lait courant a disparu et a fait place au lait de vache de 35 DA. Un comportement qui fait planer dans l’air le spectre des pénuries durant les années 1980 et 1990. Une période sinistre de l’Algérie indépendante où il fallait galèrer pendant des heures pour trouver un kilo de lentilles, de pois chiches ou d’haricots. Une période où même le tabac à chiquer se faisait rare et “si le commerçant ne nous connaît pas, il ne nous le vendra pas», disait feu Matoub.
Manque d’approvisionnement et indisponibilité de la poudre
Pour en savoir plus sur les causes de cette rareté nous avons jugé utile d’apostropher certains détaillants et certains livreurs.
Ce commerçant dans la région des Ouadhias expliquera : “D’habitude mon quota est de trois cents sachets quotidiennement. Actuellement, le livreur ne passe qu’une seule fois tous les deux jours et il ne me livre que deux cent sachets. C’est pourquoi nous n’arrivons plus à satisfaire nos clients.”
Un livreur qui s’approvisionne de l’usine de Draâ Ben Khedda révélera : “Nos quotas sont revus à la baisse. Il paraît que la poudre de lait n’est pas disponible en quantité suffisante à l’usine d’où le rationnement.”
Il est également à signaler que certains commerçants véreux se réservent la part du lion pour la fabrication des glaces et des crèmes. Un comportement qui accentue l’ampleur de la rareté. A l’approche du Ramadan, une période où la demande sur le lait deviendra comme à l’accoutumée très forte, les citoyens ne saurons ni quoi faire ni comment réagir si la crise perdure.
Hocine Taïb