Bouira / Un été… comme tous les autres

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Chaque année, à la même période, on revient avec le même « t’as vu comme il fait chaud ! » avec la certitude, à chaque fois, de vivre l’été le plus chaud du siècle. A la même période aussi et toujours avec ce sentiment renouvelé de vivre une canicule exeptionnelle, votre canard focalise sur la thématique de saison : H2O, les feux de forêts, les noyades, les vacances, l’intoxication alimentaire…

Ne dérogeons donc pas à la règle et revenons avec une virée caniculaire à travers les artères de Bouira.

Sept heures. Cela fait juste quelques trois petites heures depuis que nous avions fermé les yeux. Le réveil est donc forcément difficile. Miracle : l’eau coule. Vite sous la douche ! Comme dans la pub, cette douche « fait du bien là où ça fait mal ».

S’en suit la tasse de café accompagné bien entendu, d’une blonde (la cigarette bien sûr). Dès lors, le réveil est presque total. Pas grand-chose à faire at home, d’autant que l’on y vit depuis tout seul comme le bururu, depuis quelques jours.

Le marché ne connaît pas de saison

Dehors, le soleil n’a pas encore ouvert ses étuves. Que cela dure le plus longtemps possible ! Mais faut pas trop rêver.

Nous mettons en marche la radio, juste après le moteur de notre « quatre roues » qui nous semble-t-il toussote déjà. Des voix artificielles et graves nous annoncent sur 103,9 MH, le programme de Radio-Bouira Oui, Bouira à sa radio. La prévention routière et autre émissions allant dans le sens du poil et celui du « hanounisme » ambiant y ont la part de lion. L’autre jour, 103,9 MH a fêté « El Asra oua al miradj (le voyage nocturne que le prophète Mohammed (QSSSL) a accompli de la Mecque à Jérusalem puis au paradis et aux enfers) ». Une radio-halaqa, pourquoi pas ? Il arrive quand même que la radio soit surprise dans son ronron démagogique. L’autre jour, par exemple, un auditeur dément en direct l’invité du plateau (le maire de Dichmia) qui affirmait qu’en terme d’alimentation en eau, sa commune avance et que… et que… C’était les rares moments d’une véritable radio de proximité.

Nous roulons sur le bitume de l’ex-rue Amrouche Mouloud. Ex-rue parce que désormais l’artère a les allures d’un véritable boulevard. Les travaux n’y sont d’ailleurs pas complètement finis. Arrivés au niveau du théâtre communal qui n’a de théâtre que l’appellation, nous empruntons H’douret chadi (la pente du singe). La pente, c’est justifié ! Le singe, mystère !

A cette heure-ci de la journée, un peu moins de huit heures, seul le marché est en effervescence. Nous y jetons un coup d’œil et, par un étrange effet psychologique, nous avons encore plus chaud. Nous garons un peu n’importe comment sur le nouveau boulevard, toujours en chantier. En fait, il n’y a pas une artère à Bouira où des travaux ne sont pas engagés. C’est certainement un signe de la bonne santé du développement local. Des têtes familières attendent que la Résidence ouvre. Ce sont quasiment toujours les mêmes personnes que nous croisons devant le portillon de Bacchus, en nous rendant au bureau. Chacun son petit déjeuner ! Notre collègue Hafidh est absent aujourd’hui. Il savoure un heureux évènement : il venait « d’accoucher » de deux jolis jumeaux. Il ne tardera pas à passer nous dire bonjour, après avoir fait un petit tour du côté de l’état civil. Il fait encore frais au bureau. Pas besoin de mettre, tout de suite, la clim en marche.

Djamel, notre collègue, échange avec nous des appréciations prévisionnelles. Mis à part les « feux de forêt », il en ressortira qu’il n’avait pas grand-chose à mettre sous la dent du canard. Et arrive Hafidh tout en sueur. Non ce n’est pas l’effet de la chaleur : c’est celui du personnel chargé de l’état civil de Bouira. Notre collègue nous apprendra qu’on lui a refusé d’enregistrer un de ses bébés sous le nom de Anzar.

Cela n’arrive qu’à Bouira et Tizi ouzou. Excès de zèle ! Histoire de mettre en exergue la mauvaise foi de la préposée au guichet de l’Etat civil de Bouira, notre ami proposera d’ajouter à côté de Anzar, Abu Mohamed. La fonctionnaire accepta, nous dira-t-il, la proposition. Terrible ! Les choses finiront par s’arranger, après l’intervention du procureur : Anzar est retenu sans « arbib ».

Le soleil commence à taper fort. Il était temps de mettre la clim en marche. Presque onze heures. Nous sortons du bureau. Comme à chaque fois, La Résidence nous nargue. Et comme à chaque fois aussi, nous résistons à la tentation.

En attendant la “Bouhritude”

Un petit tour du côté du nouveau marché couvert. Difficile d’y circuler. Nous sortons de l’autre côté du côté de la gare ferroviaire, pour aller vers le pont Sayeh. La statue de l’Emir Abdelkader sur un cheval y est récemment erigée. Il semblerait que des politiques locaux en sèche, ont trouvé en cette statue, matière à  » boulitiquer « . Au-delà de toutes considérations politico-historiques, l’Emir Abdelkader est une personnalité qui a aussi marqué l’histoire du pays. Donc, de deux choses l’une : ou l’on se reconnaît dans cette Histoire (en intégrant ses faits et ses ‘’méfaits’’) ; ou on la refuse en bloc et, avoir, dans ce cas de figure, le courage de plébisciter la démarche de Ferhat. Le reste c’est de l’hypocrisie et de petites histoires. Nous longeons le boulevard, nouveau aussi, Zighout Youcef. Pas moyen de se cacher du soleil. Alors transirons ! Il paraît, tout comme les chantiers engagés à Bouira, que c’est aussi un signe de bonne santé. Nous nous arrêtons chez Salim de Loundja pour asperger notre gosier. L’établissement ne connaît pas la même affluence que celle qu’il enregistre après les vingts heures. Mais, à part « dawessu » et celui ne pouvant faire autrement, qui oserait mettre le nez dehors à cette heure de “dilatation mercuriale”. Nous passons à côté de la Maison de la culture Ali Zamoum. Le bâtiment est beau. Pas plus. La beauté culturelle, elle, n’y resplendit pas encore. Par contre, « l’anarchie », selon les rédacteurs d’un document adressé au wali et au ministère de tutelle, si. Le document en question souligne que  » l’institution culturelle est le réceptacle de tout sauf de la culture « . Ceci incombe, selon les protestataires à la mauvaise gestion assurée par  » des repris de justice « . Suite à cela une commission d’enquête est venue enquêter sur les lieux.  » Elle, la (commission), est passée à côté « , estiment les contestataires. Quoiqu’il en soit, la Maison de la culture peine à être à la hauteur des attentes citoyennes et à celle du prestigieux nom qu’elle porte. La chaleur est de plus en plus écrasante. Seule, l’insituable et surréaliste statue érigée près du siège de la wilaya résiste au soleil. On a beau la (la statue en question) regarder sous tous les angles, on y voit que du béton. C’est sûrement du grand art qui échappe à nos perceptions sensorielles artistiques. A propos de la wilaya, l’Assemblée populaire avait, il y a quelques jours, lancé sa revue. Louable initiative censée offrir aux électeurs de la prestigieuse assemblée un espace à même de soulever leurs préoccupations. Il n’en est rien. La revue en question, du moins dans sa première livraison, se fait l’écho de l’exécutif. Treize heures. Nous avalons vite fait un « chawarma ». Nous regrettons d’avoir laissé notre “quatre roues” devant le bureau. La chaleur est telle qu’il est impossible de revenir au point de départ à pied. Nous nous rabattons sur la fameuse kabsoula (la capsule). C’est le nom qu’a donné le génie lexical de la rue au petit fourgon de transport. On l’appelle aussi chkara hlib (sachet de lait). La rue, contrairement aux laborantins de la langue, excelle dans l’art d’inventer des mots dont des qualificatifs. Ainsi, Ali Bouguerra est devenu tour à tour Ali Poclain et Ali Rond-point. Cette « pseudonimisation » est, bien entendu, affective. Nous revoilà au bureau. Djamel est sur un papier d’appoint commandé par la rédaction nationale. Hafidh, lui, savoure toujours son moment de bonheur auprès de sa famille dont deux nouveaux petits anges. L’heureux événement n’est toujours pas arrosé. Klaxons. Nous regardons à travers fenêtre : un cortège, encore un. A la tête de la queue automobile, un véhicule est drapé de couleurs nationales. Du coup, on est tentés de penser qu’il s’agit d’un mariage entre mouhafadha. En fait, l’emblème national est devenu à la mode et est mêlé à toutes les sauces, depuis le fameux match opposant nos émigrés au onze égyptien. Le cortège est passé. La chaleur, pas encore. Elle ne baissera d’un cran qu’à partir de dix sept heures. Nous quittons le bureau. Cette fois non sans notre “quatre roues”. Nous nous dirigeons vers le carrefour de Tikjda. Léger bouchon à ce niveau. C’est à partir de cette heure que la station climatique devient attractive. L’attraction est essentiellement bacchusienne. Les descentes inopinées tout au long de la RN 14 ne semblent pas dissuader les amateurs de lalkul. “Chassez le vin, il revient au galop.” Après une petite manœuvre qui nous coûtera quelques sueurs de plus, nous nous retrouvons sur la RN 5. Quelques mètres plus loin, un petit bijou surgit presque au milieu de nulle part : la maison de l’environnement. L’établissement est beau et ambitionne d’inventer la culture environnementale. C’est, de toute façon, à la portée de la culture du directeur de l’environnement. Quelques sueurs plus loin, nous arrivons à « la cité deux fois cent ». Elle s’appelle ainsi la cité de la sortie ouest de Bouira. Un peu plus loin, l’hypermarché de Rebrab (en chantier). Plus loin encore, rien. Vingt heures passées, il fait sensiblement moins chaud. La ville est repeuplée. Tous les espaces verts sont occupés. Les cortèges redoublent de klaxons. Les glaces sont prises d’assaut au niveau du boulevard Zighout Youcef. L’ambiance bon enfant à la faveur de la « bouhriture » durera jusqu’à après minuit. Demain, il fera encore chaud et on jurera que c’est la journée la plus chaude de l’année. L’été prochain, en soutiendra encore que le mercure ne s’est jamais autant dilaté. Mais votre canard sera là pour relativiser les excès et vous rappeler que les étés se suivent et se ressemblent.

Salas O. A.

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