Le dispositif mis en branle

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Les manœuvres de simulation effectuées par les éléments de la protection civile et les agents forestiers la semaine dernière dans la forêt d’Erriche à Bouira, en présence du directeur général de la Protection civile, symbolisent le début de la campagne de lutte contre les incendies de forêts au titre de l’année 2011

Ces deux corps sont, en effet, pleinement engagés dans les actions de préservation du patrimoine forestier national, et pendant tout l’été ils se retrouvent presque chaque jour sur le front des incendies qui affectent non seulement les forêts, mais aussi les terrains agricoles, fermes et autres formations végétales.

Au cours de ces dix dernières années, la moyenne nationale des superficies forestières incendiées tourne autour de 25 000 hectares par an, tout en sachant qu’il y a des wilayas qui dépassent largement cette moyenne pour grimper parfois jusqu’à 35 000 hectares.

Le patrimoine forestier national est estimé à quelque 7 millions d’hectares, comprenant les forêts, au sens technique et économique du terme, les maquis et la nappe alfatière. Les forêts proprement dites, les maquis et les broussailles occupent une superficie de 4,1 millions d’hectares, soit 11% de la superficie du Nord du pays. Les efforts du gouvernement en matière de couverture forestière est de ramener ce taux à au moins 25% de la superficie de la région Nord du pays. Ce patrimoine subit les aléas naturels liés à la géographie et à la climatologie du milieu dans lesquelles il évolue et des aléas anthropiques liés à l’activité des populations locales. Les facteurs naturels qui conditionnent le milieu forestier sont essentiellement : le climat semi-aride qui domine la majorité des massifs situés dans les monts de l’Atlas tellien et qui se caractérise par une période sèche très longue dans l’année et une pluviométrie moyenne allant de 400 à 500 mm/an, la forte pente qui gêne le dispositif d’intervention dans la lutte contre les incendies et la prédominance des essences résineuses (Pin d’Alep) facilement inflammables. Même si sur la région côtière et sur les hautes altitudes la pluviométrie est plus importante (plus de 800 mm sur les sommets de Jijel, Béjaïa et le Djurdjura), les facteurs favorisant le déclenchement des feux de forêt ne manquent pas : forte présence de sous-bois, activité humaine intense et proximité des routes à partir desquelles beaucoup de foyers d’incendies sont signalés. En outre, la forte présence humaine dans la partie septentrionale du pays est à l’origine d’autres formes de dégradations (défrichements à but agricole ou de construction illégale,…).

Les facteurs sociaux et humains qui concourent à la dégradation de la forêt sont, entre autres : la forte présence humaine autour et à l’intérieur des massifs forestiers, la pauvreté et le chômage qui conduisent les habitants à commettre des délits forestiers pour pouvoir subvenir à leurs besoins primaires (coupe et vente illicites de bois, fabrication de charbon pour les rôtisseries à partir du chêne vert, défrichements pour l’extension des parcelles de céréales, surpâturage,…), la présence des carrières d’extraction de pierres et des stations de concassage à l’intérieur des massifs, les constructions illicites d’immeubles à usage d’habitation ou d’élevage, les incendies liés aux activités agricoles, aux actes criminels et à la lutte anti-terroriste,…

Multiples facteurs de dégradation

Ces différents facteurs, dans une combinaison qui se retrouve dans la majorité des régions du pays, ont fragilisé davantage l’écosystème forestier et réduit l’étendue du couvert végétal. Des niches écologiques propres au singe magot et à certains rapaces de montagne ont été fortement perturbées. Des sources dans lesquelles s’abreuvaient des perdrix, des lapins de garenne et d’autres animaux se sont taries au point remettre en cause la vie faunistique en forêt. Cependant, l’interdiction de la chasse et l’exode des populations rurales depuis l’avènement de l’insécurité dans l’arrière-pays montagneux ont conduit à la prolifération du sanglier qui a fini par investir la périphérie des villages et les zones sub-urbaines. À la périphérie immédiate de certains massifs (à l’image du Parc national du Djurdjura), des espèces ont pullulé par le moyen de l’hybridation. C’est le cas du chacal qui, après copulation avec le chien, a donné à une espèce de chien sauvage qui s’est attaqué ces dernières années aux habitants des bourgades et villages attenants à la forêt.

Le rôle de la police forestière échu aux Conservations des Forêts des wilayas a vu sa marge de manœuvre réduite au cours de ces dernières années pour plusieurs raisons : d’abord, la loi qui régit le secteur des forêts (loi 84-12) est dépassée par les événements au vu de son caractère non dissuasif. Les amendes et les sanctions qui y sont prévues contre les délinquants sont trop faibles par rapport à la nature des dégâts auxquels elles s’appliquent.

De ce fait, la récidive ou la consécration du fait accompli sont souvent la règle. Ensuite, cette mission a été longtemps entravée par la situation sécuritaire. Après la survenue des premiers actes terroristes dans les wilayas du Nord, les agents forestiers ont été désarmés au même titre que les citoyens. A cela s’ajoute la détérioration de certaines infrastructures comme les maisons forestières situées à l’intérieur même des massifs et qui hébergeaient les gardes forestiers chargés de la protection des massifs contre toutes sortes de délits.

Le propre de la zone écologique méditerranéenne à laquelle appartient l’Algérie est la fragilité et l’extrême inflammabilité de son couvert forestier.

Que ce soit en Grèce, en Turquie, en France méridionale, en Espagne, au Portugal, au Maroc ou en Italie, le couvert végétal perd une forte proportion d’humidité à partir de la fin du mois de mai suite à l’entrée en vigueur de la saison sèche qui se prolonge parfois jusqu’au début octobre. Cette situation a fait que l’écosystème forestier du pourtour de la Méditerranée est d’une fragilité exceptionnelle. Les changements climatiques par lesquels sont chamboulées les saisons ont aggravé le phénomène des incendies de forêt. En 2009, les incendies ayant affecté le patrimoine sylvicole du Portugal pendant plusieurs semaines ont requis l’intervention de plusieurs pays européens. Les peuplements de chêne-liège, l’une des premières rentes du pays (premier exportateur du monde de cette matière première), ont subi des d’énormes dégâts y compris sur la façade atlantique.

Les moyens d’intervention

Le dispositif de lutte contre les feux de forêts obéit à une organisation assise il y a plusieurs années et qui évolue au fur et à mesure de l’émergence de nouvelles donnes sur le terrain. Ainsi, les conservations des forêts des wilayas préparent le plan de lutte contre les incendies de forêts, appelé ‘’Plan Feu’’, à partir du mois de mars de chaque année.

Le document qui en est issu est adressé à plusieurs institutions et structures (wilaya, communes, Protection civile, APC, daïras, Sonelgaz, Travaux Publics,…) pour que chacune d’entre-elles initie les actions de prévention dépendant de son secteur selon les servitudes qui lui reviennent : débroussaillement au-dessous des lignes électriques et aux abords immédiats des routes avant le 30 juin de chaque année,…Des Comités de coordination de commune, de daïra et de wilaya (COC, COC, COW) sont ensuite installés pour assurer la coordination des opérations de lutte contre les incendies.

Des actions de sensibilisation sont initiées à l’endroit des populations, des écoliers et des institutions à l’occasion de la Journée nationale de l’arbre (25 octobre) et de la Journée mondiale de l’arbre (21 mars). Au cours de la période estivale, l’administration des forêts recrute des ouvriers temporaires pour renforcer la lutte anti-incendie.

Les moyens matériels mobilisés pendant la campagne de lutte contre les incendies ont beaucoup évolué au cours de ces cinq dernières années. Alors qu’auparavant les wilayas étaient dotées, dans le meilleur des cas, d’un camion-citerne, de quelques véhicules 4X4 et de quelques lots d’outillage traditionnel (pelles, pioches, haches, serpes,…) qu’elles affectent qu’elles affectent aux circonscriptions, ces moyens ont été revus à la hausse et diversifiés. La lutte de proximité mobilise aujourd’hui des véhicules 4X4 munis de citernes incorporées avec la benne. Une quinzaine de wilayas ont été déclarées prioritaires en matière de lutte contre les incendies et leurs circonscriptions ont été pratiquement toutes dotées de véhicules 4X4 avec citerne.

Lors des grands incendies dont l’ampleur dépasse les capacités d’intervention d’une wilaya, le wali déclenche le Plan ORSEC (organisation de secours) qui peut faire intervenir plusieurs wilayas limitrophes. Ces wilayas mobilisent principalement les unités de la Protection civile qui sont sous leur coupe.

Sur la majorité des parcelles incendiées au cours des deux dernières années, une forte régénération a été enregistrée. Les programmes sectoriels et les actions de développement rural ont consacré une partie de leurs budgets aux travaux sylvicoles de façon à bien conduire la croissance des peuplements régénérés. Des actions de repeuplement sur les parcelles non régénérés sont envisagées dans les programmes de la Direction générale des forêts. Ainsi, le Plan national de reboisement (qui fait partie du PNDA piloté par le ministère de l’Agriculture) est conçu pour reboiser 100 000 ha par an. Ces programmes, pris en charge par les différentes conservations du pays, voient leur mise en œuvre assurée dans le cadre des plans sectoriels de développement, du programme Hauts Plateaux et des projets de proximité de développement rural intégré (PPDRI). Ces derniers sont destinés aussi à améliorer le niveau de vie des populations de l’arrière-pays montagneux et steppique de façon à préserver les espaces forestiers des dégradations directement liées à la pauvreté et au chômage.

Amar Naït Messaoud

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