Vol à At Rgad : Un étranger, un grand blond aux yeux bleus, entre dans l’épicerie de Taddart, pose un billet de 500 euros sur le comptoir et demande de la monnaie. L’épicier ouvre la caisse. Aussitôt, l’étranger brandit un doukdouk rouillé et demande tout ce qu’il y a dans le tiroir. Le voleur prend l’argent et s’enfuit rapidement, laissant le billet de 500 euros sur le comptoir. La somme dérobée était de… 2 555 dinars. Cela est arrivé la veille de la fête, Une de plus, des tabloïds.
Le fait divers, plutôt cocasse, a pris des proportions inimaginables. «Un diplomate étranger vole At Rgad», «Un daech français échange un billet de 500 euros contre 2 555 dinars», «L’affaire de l’épicerie d’At Rgad : le quai d’Orsay impliqué», «Le ministre de la com procédera himself à la fouille du personnel de l’ambassade de France», lit-on entre autres dans la presse. Ghurub-tv, elle, y voit carrément la volonté d’Allah d’imposer le dinar à Wall Street. Elle y consacre un plateau avec comme thème : «Allah protège le dinar». Les médias semblent avoir trouvé meilleurs clients que les «frères ennemis» Ferhat-Ouyahia.
– Si seulement nos voleurs étaient aussi cons que notre brave Tarzan ! espérait Sadiya n l’Euro
– Qui ça ? demande le vieux Dezdeg
– Tarzan, mmis lhadj Belqasem, paix à son âme.
Tarzan, de son vrai nom Hend n Belqasem, est un quinquagénaire. En 1990, il avait à peine vingt ans. Tamurt était en phase de mutation positive. Même sans pétrole, tous les espoirs étaient permis. Mais, saisi d’un éclair de lucidité Hend, lui, avait déjà digéré que le pire est à venir. Il décide alors de tourner le dos à la société de vivre seul dans la montagne. L’ermite ne connaîtra pas le fis, le HCE, le FLND, le FFCD, les ârchs, Khalifa, Chekib le daech, hamadache, Mezrag, député spécifique, le Cnapest, le patronat, l’instrument à percussion, la grippe aviaire, la brucellose…
D’où est venue l’idée à Hend de s’armer d’un doukdouk et s’attaquer à l’épicerie ?
En fait, Hend est atteint dans son ermitage du virus-médiaticus. Le virus en question est né dans le grand laboratoire de la main étrangère. Il a pour effet d’affoler toutes personnes atteintes. C’est un virus de la même famille qui est responsable de ce que l’on appelait la vache folle. À At Rgad, la Besace a été chargée de sa diffusion. Il se chargea de sa mission, il y a quelques temps à Tikjda. Le lâcher de virus-méditicus en haute altitude avait touché Hend. Dans un premier temps, Tarzan bredouillait pêle-mêle : «ulac smah, ulac, Djazayer houra, 3alayha nahya, one, two three, anwa wigi,…». Ensuite, les choses se sont accélérées de manière incohérente, jusqu’à se retrouver dans une épicerie, armé d’un doukdouk et avec un faux billet de 500 euros trouvé dans une cache de terroriste.
T.O.A
PS : «Les sociétés n’aiment pas les ermites. Elles ne leur pardonnent pas de fuir. Elles réprouvent la désinvolture du solitaire qui jette son moi à la face des autres. Se retirer c’est prendre congé de ses semblables. L’ermite nie la vocation de la civilisation, en constitue la critique vivante». Sylvain Tesson