Extrait de l’entretien accordé à Tafsut (avril 1985)

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Tafsut : Commençons par une question d’ordre général : l’après-guerre n’a pas donné naissance à une génération d’écrivains qui aient la taille d’un Mammeri, d’un Yacine ou d’un Feraoun. La production en langues populaires peut-elle prendre la relève?

Mohand-ou-Yahia : C’est une chose que tout le monde constate en effet… L’après-guerre n’a pas donné naissance à une génération d’écrivains qui aient l’envergure d’un Mammeri, d’un Yacine ou d’un Feraoun. Certes des noms émergent d’ici, de là mais, outre que ce sont malheureusement des exceptions qui confirment la règle, ceux-ci, apparemment, ne parviennent pas à susciter cette espèce de complicité du public à défaut de laquelle il me paraît difficile d’utiliser à leur endroit l’expression de génération d’écrivains.

Quant à savoir si la production en langues populaires peut prendre la relève, que puis-je répondre ?… Car justement, toute la question est là. Bien qu’à proprement parler la question ne soit pas tellement d’assurer la relève de qui que ce soit mais bien plutôt d’essayer de développer une tradition littéraire en langues populaires, et ce, indépendamment de ce qui pourrait se faire par ailleurs.

Mais, pour revenir à cette production en langues populaires, tout d’abord celle-ci est aujourd’hui ce qu’elle est ; c’est à dire en réalité, peu abondante et puis trop marginalisée et ce, entre autres, parce qu’elle consiste surtout en poésies et chansonnettes. Pourtant, et pour ne nous tenir qu’à ce qui se fait en kabyle, puisque c’est ce que connaissons le mieux, on constate que ce qui a marqué notre histoire culturelle de ces dix dernières années, c’est bien le fait que ces poésies, dites ou chantées, soient encore ce qui reflète le mieux les réalités vécues par notre société. Et je dis ceci en tout état de cause, dans la mesure où les faiblesses et les maladresses qu’on ne manque pas d’y relever sont elles-mêmes significatives du niveau culturel des gens de chez nous.

Maintenant, pour répondre plus précisément à la question du développement d’une tradition littéraire en langues populaires, je dirai qu’au vu des expériences réalisées jusqu’ici, oui, il est tout à fait possible de développer une tradition littéraire en langues populaires. Il reste que pour vraiment concrétiser les choses et aller encore plus loin dans ce domaine, les plus grands efforts sont nécessairement demandés au plus grand nombre. Je m’empresse d’ajouter, néanmoins, qu’il serait illusoire de viser tout de suite à produire des œuvres de la classe de l’Opium et le bâton, entièrement rédigées en langue vernaculaire. En fait, le public lui-même n’est pas prêt à accueillir des ouvrages d’une telle importance. Par conséquence, ce qui serait plus réaliste, serait de multiplier les expériences et de procéder par étapes. La plus petite réalisation devenant ainsi un gage pour l’avenir.

D’autre part, il conviendrait peut-être de reconsidérer la question sous l’angle plus général qui est celui de la communication. Le problème à résoudre devenant ainsi celui de faire passer le maximum d’informations, au sens large du terme, avec le minimum de moyens, aussi bien linguistiques, techniques, que matériels. C’est ce qui permettrait de recourir, selon les cas, aux moyens les plus opportuns, lesquels pourraient être ceux de l’écrit ou ceux de l’audio-visuel ; et ceci sans le moindre complexe, il va de soi.

Du point de vue pratique donc, à supposer que nous voulions réellement faire quelque chose, ce qui reste encore à prouver, un effort considérable doit être fait en premier lieu en vue de recenser le maximum de possibilités de dire les choses qu’offre la langue vernaculaire. Ces possibilités sont offertes, entre autres, par le système lexical, la syntaxe, la grammaire, les locutions, les apophtegmes, les mimiques et, j’ajouterai même, les silences dans certains cas. En un mot, si nous voulons nous exprimer dans notre langue, la condition nécessaire, sinon suffisante, est d’abord et avant tout de bien étudier cette langue, c’est à dire de l’étudier à la lumière des acquis de l’analyse linguistique. Ceci afin de toujours mieux en connaître les ressources.

Je dis peut-être une banalité, mais tant pis. Je vois trop de gens jouer aux grands artistes et qui n’ont qu’une connaissance infuse de leur langue. Cela ne prêterait pas à conséquence si, de surcroît, ils ne se prétendaient les défenseurs acharnés de cette langue. Mais passons… Je veux surtout dire par là qu’il serait peut-être l’heure de mettre un terme au temps des incantations et de se mettre un peu au travail.

En tous cas, ce qui transparaît à travers cette question de la relève, c’est bien le défi auquel nous devons aujourd’hui faire face. Car tout est de savoir si effectivement nous sommes d’ores et déjà en mesure de parler de notre société aussi bien, sinon mieux, que ne l’ont déjà fait des écrivains tels que Mammeri ou Feraoun, et ceci dans uns langue accessible à tous les éléments qui composent cette même société.

Pour ma part, je dois dire que je ne vois pas d’autre alternative qui réponde à ce défi en dehors de celle qui consiste à écrire dans la langue vernaculaire. Car, dans le contexte de l’Algérie d’aujourd’hui on constate, premièrement, qu’en dépit de toutes les vicissitudes de l’histoire, la sensibilité à la langue maternelle est peut-être plus vive qu’elle ne l’a jamais été ; deuxièmement, que pour la majorité des Algériens la langue maternelle est toujours, quoi qu’on dise, la langue la mieux maîtrisée. Par conséquent, la réponse qui serait apportée à ce défi est pour elle, pourrait-on dire, une question de vie ou de mort. Mais qu’est-ce qui peut amener quelqu’un aujourd’hui à s’exprimer dans la langue vernaculairs ? Il fut un temps où l’arabe classique aussi bien que le français conféraient à ceux qui les possédaient prestige et sécurité de l’emploi. Or tel n’est plus le cas aujourd’hui où l’arabe classique devient une langue de pédants et où nous voyons tant de bacheliers ne trouver, au mieux, qu’à s’employer comme veilleurs de nuit à Paris. Et ceci remet déjà les choses à leur juste place ; je veux dire que la langue redevient de fait, et ce aux yeux de la plupart des gens, ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, c’est-à-dire un outil de communication et rien de plus. Alors, outil de communication pour outil de communication, pourquoi pas la langue maternelle ? Ceci pour dire que s’il reste une seule chose qui puisse présider au choix d’une langue, c’est uniquement le souci de se faire entendre de telle ou telle catégorie de gens. On peut aussi bien entendu choisir de s’exprimer dans une langue pour plaire à certains ou encore pour déplaire à d’autres, mais ce qui n’en demeure pas moins vrai cependant, c’est que si l’on veut être compris de la majorité, on ne peut que s’exprimer dans nos langues vernaculaires, c’est à dire le berbère ou l’arabe populaire.

En somme donc, et pour parler d’ailleurs en termes plus généraux, il n’est pas du tout impensable qu’une vie culturelle d’expression populaire – une vie culturelle digne de ce nom, je veux dire – puisse voir le jour chez nous. Cela dépend en premier lieu des efforts que fournit chacun de nous pour se réapproprier sa langue maternelle. Le reste est une question d’intendance et une question de techniques, (techniques littéraires, techniques audio-visuelles, etc.). Or, l’intendance, cela s’organise et les techniques s’acquièrent. Car en définitive, qu’est-ce qu’une oeuvre littéraire, artistique, cinématographique ? C’est une combinaison de signes linguistiques, de formes, de couleurs… reflet de la vie d’un groupe et au fil de laquelle passe, comme un écho, le souffle de la vie.

Un mot sur la langue utilisée… Pourquoi les recours fréquents aux emprunts ? Cela est sans doute efficace face à un public… Mais pour l’écrit, pour le long terme… Ne penses-tu pas fixer autrement par écrit ton travail ?

La langue que j’utilise, c’est tout simplement la langue des gens auxquels je suis censé m’adresser. Comme dirait Djehha, celui qui n’en est pas convaincu peut toujours vérifier. Et je ne dis pas cela pour me justifier. Car, en fait, si je devais justifier quelqu’un, ce serait précisément ces gens que je devrais justifier. On peut lire dans n’importe quel manuel de linguistique générale qu’une langue est un fait social. Donc, à ce titre, une langue est sujette à évolution, et ceci du simple fait que la société qui la parle évolue elle-même tout au long de son histoire. Voilà pour les généralités. Maintenant, pour le cas précis des mots que nous empruntons à l’arabe et au français, je crois qu’ils témoignent tout simplement du déséquilibre des échanges que nous entretenons avec les sociétés qui nous entourent. S’il faut donc que soit posé le problème, celui-ci doit être posé entièrement.

Il y a, je crois, deux grandes catégories de littérateurs. La première est celle de ceux, et ce sont de loin les plus significatifs qui se contentent de refléter aussi fidèlement que possible l’image de la société dans laquelle ils vivent. Libre à ceux qui les lisent, évidemment, de faire de cette image ce que bon leur semble. La deuxième catégorie est celle de ceux qui voudraient voir la société en question se conformer à une image préétablie. C’est à cette catégorie qu’appartiennent,entre autres,lestenantsde la veine du réalisme socialiste dans saversiondes années 60, lesquels poussent la manie jusqu’à ne plus débiter que des inepties. Si j’avais donc réellement voulu faire œuvre de littérateur, je n’aurais rien pu faire de mieux que d’essayer de refléter, aussi fidèlement que possible, l’image de la société dans laquelle nous vivons. D’où je déduis la chose suivante : dès lors que le recours aux emprunts est un des traits caractéristiques de notre société, il n’y avait pour moi rien de mieux à faire que refléter aussi bien ce trait dans mes compositions. Je veux surtout dire par là que le problème des emprunts est un problème de société et que, s’il doit être posé, il doit l’être au niveau de toute la société et non au niveau d’un auteur ni même au niveau d’un spécialiste, quel qu’il soit. Car le rôle de ces derniers est uniquement de prendre acte de ce qu’ils sont amenés à constater.

Il reste une chose dont il faudrait peut-être aussi avoir conscience, c’est que, dans la réalité de tous les jours, à vrai dire, tout le monde n’utilise pas les emprunts de la même manière. Premièrement, la fréquence des emprunts varie suivant l’expérience vécue du sujet parlant ; plus on s’éloigne du monde paysan traditionnel, plus cette fréquence augmente. Deuxièmement, les mots empruntés subissent des distorsions par rapport à ce qu’ils sont dans les langues d’origine, distorsions dans la prononciation et distorsions aussi dans le sens.

Mais, cette fois-ci, plus on se rapprocha au contraire du monde paysan, plus ces distorsions deviennent importantes.

S’il devait être permis à celui qui écrit de ne reculer devant rien lorsqu’il s’agit d’être expressif au maximum, on s’apercevra je crois facilement de ce que cet état de fait lui offre comme marge de manoeuvre. Un simple petit exemple : que celui-ci ait, et la chose est fréquente, à camper un personnage, le seul fait de mettre dans la bouche du personnage en question tel ou tel type d’emprunt lui donne la possibilité de le situer précisément et à moindre coût dans telle ou telle catégorie sociale.

En dernier ressort, il faut quand même dire aussi qu’il vaut encore mieux emprunter un vocable à une autre langue que rester muet. Ceci évidemment lorsque la langue vernaculaire, telle que nous l’avons héritée de nos aïeux, n’offre pas d’autre ressource. Le drame de la situation, en l’occurrence, car il y a tout de même un drame, vient à mon avis du fait que beaucoup de nos emprunts peuvent paraître totalement gratuits ; ce qui est d’ailleurs très souvent le cas, il faut bien le reconnaître. Tout se passe dans ces cas là comme si le recours aux emprunts devenait un palliatif, non pas au manque de ressource dont souffrirait la langue vernaculaire mais à la méconnaissance de ces ressources. Et, chose certainement plus grave encore, un palliatif qui renforce cette méconnaissance. Nous avons le sentiment, dès lors que les emprunts concurrencent et finalement court-circuitent les ressources propres à la langue vernaculaire.

Tout ceci pour dire que l’emprunt peut se justifier chez celui qui y recourt en toute connaissance de cause mais qu’il peut effectivement prêter à discussion lorsque celui qui en fait usage le fait à tort et à travers. Ne perdons pas de vue, au demeurant, qu’une situation quelle qu’elle soit n’est jamais définitive. Le propre d’une langue vivante, tout comme celui d’un organisme vivant, est de passer par une succession d’états transitoires, succession à laquelle la mort seule peut mettre un terme. Le passage d’une langue d’un état transitoire à l’état suivant, lequel sera fatalement tout aussi transitoire, entre parenthèses, est dicté de manière impérative par le besoin qu’ont les hommes qui parlent cette langue de faire toujours mieux répondre celle-ci à leurs besoins en matière de communication.

Or,il se trouve que jusqu’à présent ces besoins en matière de communication ont trouvé une réponse dans l’utilisation que nous faisons des termes provenant d’emprunts. Mais, il est bien évident que de nouveaux besoins surgissent tous les jours, auxquels il faudra bien trouver de nouvelles réponses. Donc, il ne s’agit pas, à mon avis, de proscrire les termes provenant d’emprunts, surtout ceux bien acclimatés. En revanche, il faut bien sûr souhaiter la renaissance d’une créativité propre au berbère pour répondre aux besoins de désignation des choses nouvelles.

A cet égard, nous pouvons considérer que l’élaboration du lexique de mathématiques paru récemment pourrait devenir une expérience exemplaire pour ce qui est de l’introduction des néologismes, Car, s’il répond vraiment à un double besoin, celui des élèves et celui des professeurs, et surtout, ceci est capital, s’il a été élaboré par ceux-là même qui s’en serviront, ce lexique de mathématiques devrait avoir toutes les chances d’entrer dans les moeurs. Et puis, imaginons un instant que chaque branche de l’activité humaine se donne aussi son nouveau lexique ; celui-ci, dès lors qu’il se serait d’abord imposé aux gens concernés, finirait fatalement par s’imposer aussi aux autres et donc aussi à ceux qui seront les écrivains de demain.

Mais c’est à ces gens concernés qu’il appartient d’abord de faire le premier pas. Car un auteur n’invente jamais une langue. Un auteur ne peut écrire que dans la langue communément admise autour de lui, parce que son unique but, précisément, est d’être avant tout efficace face à un public. Je veux citer un exemple : l’auteur de la chanson de Roland ne pouvait pas écrire son texte dans le français d’aujourd’hui, puisque à son époque, c’est à dire au XIème siècle, ce français n’existait même pas encore. Un auteur témoigne donc de l’état d’une langue à un moment de l’histoire. Par contre, on peut dire qu’il n’est en rien responsable de l’évolution de celle-ci, car cette évolution est en réalité l’affaire de tous. Dans cet ordre d’idée on peut dire que si la langue de Dante s’est vue consacrée, la responsabilité de cette consécration incombe à tous les Italiens et non à Dante lui-même.

Si je voulais aller jusqu’au bout de mon raisonnement, je dirais aussi la chose suivante : l’oralité étant encore une des caractéristiques de notre langue vernaculaire, la publication sous forme de cassettes audio et/ou vidéo est encore ce qui correspond le mieux aux exigences de l’heure. Ceci dit, il va de soi en réalité que le problème de l’écrit entre aussi dans mes préoccupations. Dois-je préciser que tout ce que j’ai publié sur cassettes a d’abord été élaboré par écrit ? II reste que pour régler la question de l’écrit de manière définitive, il conviendrait peut-être de se pencher sérieusement sur les deux points suivants : premièrement, celui de la notation des intonations, ceci sur le plan purement technique, et, deuxièmement, celui de l’analphabétisme ambiant, lequel malheureusement sévit encore au niveau de notre société. Toujours est-il que je publierais volontiers par écrit si le manque de temps ne m’en empêchait.

Le pays change vite et profondément. Quelle attitude préconises-tu par rapport à l’islam et à l’arabe classique entendu comme langue nationale ? (leur utilisation ou leur rejet…)

La première chose que je dirai ici est que je ne me sens bien évidemment aucune qualité pour préconiser quoi que ce soit. Ce qui ne m’empêche pas, au demeurant, d’avoir mon opinion sur les sujets évoqués ici.

Il y a peut-être un an de cela, quelle n’a pas été ma stupéfaction d’entendre Lakhdar Hamina, qu’on interrogeait sur Radio n Tmazight à Paris, dire textuellement ceci : « II y a 20 millions d’habitants en Algérie, ce sont 20 millions de tubes digestifs » !!!… J’en suis encore à me demander ce qu’il voulait dire par là.

Voulait-il dire que les Algériens ont mal tourné depuis qu’ils sont indépendants ? Mais alors à qui la faute ? Ceux qui nous gouvernent ont au moins une responsabilité à cet égard. Or, Monsieur Hamina, cinéaste tout ce qu’il y a de plus officiel et ce surcroît haut fonctionnaire algérien, appartient bel et bien à la famille de ceux qui pendant vingt ans ont eu la haute main sur le destin des Algériens.

Voulait-il dire que les Algériens consomment plus qu’ils ne produisent ? Mais, là encore, l’exemple vient de haut. La politique d’arabisation coûte des milliards d’investissement à l’Algérie et produit des « infirmes mentaux », et ceci est encore une expression de Monsieur Brerhi, notre ministre de l’Enseignement supérieur.

A moins que Monsieur Hamina n’ait voulu dire par là que les Algériens ne méritent même plus l’air qu’ils respirent, auquel cas la chose est simple, cela voudrait dire que ceux qui nous gouvernent ne sont pas contents de leur peuple. Ils doivent donc élire un nouveau peuple.

Ce qui précède pourra peut-être sembler une manière d’esquiver la question qui m’est posée, Mais c’est que le spectacle de ces changements rapides et profonds qui interviennent chez nous a souvent de quoi dérouter le plus désabusé des hommes. Et puis, il se pourrait aussi que la démythification conduise au pessimisme…

Je trouve à peine la force de dire qu’il faut quand même oser regarder loin devant soi. Il me semble que le prochain grand rendez-vous de l’Algérie avec l’histoire sera celui de l’après-pétrole. Car, si aujourd’hui encore la rente pétrolière autorise le pouvoir politique algérien à persévérer dans toutes ses fuites en avant ou à se livrer à des contorsions, le jour, lequel n’est peut-être pas si loin, où cette rente viendra à manquer, il lui faudra bien trouver autre chose.

En attendant chacun doit être libre d’agir suivant ce qu’il croit être ses intérêts. Ce qui n’empêche pas qu’on puisse songer sérieusement, et ce dès à présent, à chercher les issues qui nous permettraient d’échapper à l’obligation qui nous est faite d’avoir à choisir entre l’abrutissement par l’arabe-islamisme ou l’abrutissement par l’alcool.

T.O.A.

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