«La femme est l’incarnation du sacrifice»

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Avec sa voix douce et envoûtante, elle a toujours surfer sur des ondes du bonheur pour offrir au public, les meilleurs instants, les meilleurs souvenirs. La diva n’a jamais tremblé devant l’arrogance de certains « artistes », elle est restée égale à elle-même, modeste et disponible.

Du haut de ces années de gloire, et une exceptionnelle carrière, les souffrances et les contraintes d’un destin qui venaient à contre courant de son bonheur, Nouara n’a jamais divorcé avec l’optimisme qui caractérise son talent. Raconter, parler et faire parler de sa vie est en soi une idyllique œuvre d’art à conserver, à apprendre et faire apprendre aux futures générations… Quoi de mieux à apprendre à un enfant qu d’être modeste, aimer la vie et être l’ami de tous, Nouara offre justement cette opportunité car elle incarne toutes ces qualités. Sollicitée pour intervenir sur ces colonnes, un jour de fête qui célèbre la femme, la diva de la chanson kabyle a livré ses impressions, son constat sur la condition de la femme notamment chez les artistes. Elle parlera des souffrances et sacrifices endurés par la femme kabyle mais reste tout de même confiante en un lendemain meilleur.

La dépêche de Kabylie : D’abord, comment Nouara a pu transcender tous les tabous de la société pour investir le monde artistique ?

Nouara : je dois dire en premier lieu que j’ai écouter hier, (Dimanche, Ndlr) l’émission Macci d izli Yasmina qui, à l’instar de beaucoup de femmes artistes, a souffert durant sa carrière. Je trouve qu’elle a, au même titre que d’autres, cassé beaucoup de tabous au sein d’une société qui voyait mal la femme chanter. C’est à travers l’art que nous avons eu l’opportunité de nous exprimer, parler de nos peines et extérioriser les douleurs qui rangeaient ces êtres condamnés à n’être que des citoyennes d’un second plan.

Justement, vous avez eu suffisamment de courage pour affronter une société avec tous ses tabous ?

Il fallait s’armer justement de courage et beaucoup de convictions pour poursuivre le chemin qu’on a voulu suivre avec d’autres femmes artistes. Alors que je faisais le théâtre, je me souviens avoir chanter une fois à la radio au cours d’une émission enfantine et c’est de là que l’aventure a commencé. Si tu veux, c’est par accident que je suis venue à la chanson (rire)… c’est vrai que les tabous et les aléas liés à la famille m’ont gêné au cours de ma carrière. Comme toute femme kabyle, j’ai toujours donné une grande importance à l’avis des membres de ma famille, leurs regards par rapport à ce que je fais, car je suis très attachée à ma famille, je vis pour elle et pas pour les autres. Au cours de ma carrière, j’ai été également bloquée par tout ce qu’à vécu notre pays au cours de la décennie noir. Être artiste, chanter et percer dans le monde artistique n’était guère évident dans ce contexte, notamment pour les femmes. Nous avons enduré beaucoup de souffrances pour offrir de la joie à notre public.

A ce point ?

Oui. La femme kabyle en général, a beaucoup souffert. C’est l’incarnation du sacrifice. Elle se lève très tôt le matin, passe la journée dans les champs à labourer la terre, ramener l’eau des sources du village, elle revient à son foyer pour offrir le sourire à ses enfants sans dire un mot sur ses lassitudes, ses peines et ses souffrances. Pour moi, la femme kabyle, l’ancienne génération, est un être unique au monde. Elle a vécu L’hif (la misère) dans toutes ses dimensions mais elle s’est toujours armée de patience pour le transcender. C’est extraordinaire ! Chaque femme a vécu cette misère à travers sa mère, j’ai vécu ça. Moi aussi, au côté de ma mère à la Casbah.c’est pour cela que la femme kabyle mérite tous les hommages, tous les regards. Celle d’aujourd’hui, n’incarne pas à mon avis la même posture. Elle n’a pas, malheureusement, la patience de nos mamans, c’est complètement diffèrent.

Si ta carrière était à refaire, Nouara aurait- elle évité le monde artistique ?

Absolument pas ! J’aurais fait mieux, c’est sûr. Comme je vous l’ai déjà dit, le fait d’avoir toujours des contraintes m’a empêché de faire certaines choses. Si vieillesse pouvait comme on dit. Je n’ai jamais regretté d’avoir investi le milieu artistique. C’est le meilleur choix que j’ai fait car j’ai eu l’occasion d’offrir de la joie à mon public.

Les femmes artistes ont- elles eu les hommages qu’elles méritaient ?

Je ne pense pas. J’ai eu l’honneur de côtoyer et travailler avec des femmes engagées telle que Djamila, Chrifa, Anissa…qui n’ont pas encore eu les hommages qu’elles méritaient. Djamila, par exemple, est une grande femme qui a beaucoup donné à la chanson et la culture kabyles en générale. Elle qui s’est investie dans le cinéma et le théâtre d’expression kabyle.aujourd’hui, tous les hommages doivent être rendus à cette grande femme.

Une chanson que vous avez produite et qui incarne le plus,les souffrances qu’endurent la femme kabyle ?

Je dirais Felawen achaal Azrigh. Il y en a d’autres mais elles ne me reviennent pas à l’esprit (rire)

Malgré toutes ces souffrances, vous etes toujours souriante, un secret ?

Il faut juste aimer la vie. Tant qu’on fait partie de ce monde, il faut être optimiste, sourire à la vie et offrir de la joie. Celui qui n’aime pas la vie, qui ne porte pas l’amour dans son cœur, ne considère pas l’amitié n’a pas le droit d’exister. J’ai vécu plusieurs dures épreuves, la disparition de ma mère était une épreuve difficile, un événement tragique que je surmonte grâce à l’amour de mon public.

Y a-t-il des projets en vue ?

J’ai un nouvel album qui est prêt depuis des années et qui attend l’enregistrement. Pour le moment, je n’ai pas encore repris goût au travail mais ça viendra, c’est sûr.

Entretien réalisé par Omar Zeghni.

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