«La prévention est le meilleur remède au diabète»

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Dans cet entretien, Pr Salah Mansour, médecin-chef du service de médecine interne du CHU Nedir Mohamed de Tizi Ouzou parle du diabète et de sa progression inquiétante en Algérie.

La Dépêche de Kabylie : Quel constat faites-vous de la prévalence du diabète en Algérie ?

Pr Salah Mansour : Le constat est alarmant, il ne faut pas avoir peur des mots. La progression galopante des cas de diabète de type 2 en Algérie a atteint une prévalence de 14,4% de la population âgée entre 18 et 69 ans, soit environ 4 millions de malades.

Cette augmentation était prévisible, vu le manque d’activité physique devenu endémique et l’alimentation toujours trop riche en calories.

Nous sommes un des pays les plus grands consommateurs d’hydrates de carbones et de sodas au monde. L’Algérie est le 5ème plus grand consommateur de sucre.

Sur le plan hygiène de vie chez la personne, cet état aboutit inéluctablement au stockage excessif de graisses dans le corps qui a comme conséquence directe l’obésité, ensuite le diabète de type 2 et ses complications.

À ce sujet, la population doit être beaucoup sensibilisée sur ce risque et surtout sur la possibilité de l’éviter en adoptant une hygiène de vie semblable à celle de nos aïeux. Il s’agit en fait de revenir au régime méditerranéen.

Vous pensez que ce qui se fait présentement est insuffisant en matière de sensibilisation ?

On ne peut jamais prétendre qu’on fait suffisamment en matière de prévention. Il faudra surtout que les pouvoirs publics prennent vraiment conscience de ce problème de santé et mettent les moyens de prévention, économiquement beaucoup moins onéreux que la facture de la prise en charge de la maladie et de ses complications.

Donc, il devrait constituer à la fois un souci sanitaire mais aussi économique.

Quel est le profil du patient diabétique dans notre pays ?

La réponse est apportée par les résultats de l’étude Baromètre, lancée en 2013 par le ministère de la Santé, de la population et de la reforme hospitalière, en collaboration avec les laboratoires Novo Nordisk, et qui viennent d’être publiés.

Une prédisposition familiale est notée dans plus de 2/3 des cas et l’association à une hypertension artérielle et à des anomalies lipidiques est retrouvée respectivement dans 37,6% et 28,2% des cas.

Cette association n’est pas fortuite puisqu’elle obéit aux mêmes mécanismes et elle est délétère puisqu’elle majore les complications.

Les femmes sont plus atteintes par la maladie que les hommes, avec un sex-ratio de 0,61. Parmi les patients, un peu plus de 40% sont en surcharge pondérale, le quart est obèse et 11% présentent une obésité morbide.

La femme est également plus obèse que l’homme. Parmi tous les diabétiques, seuls 35,5% ont un équilibre glycémique parfait, ce qui est insuffisant.

Et que peut-on dire sur la qualité de la prise en charge des patients ?

Le suivi des patients n’est pas non plus réjouissant, attention je ne suis pas en train de parler de la prise en charge des patients au niveau du CHU de Tizi Ouzou, mais de manière globale sur la maladie et les patients enregistrés sur le plan national.

Et les chiffres indiquent que seuls 40% avaient bénéficié d’un électrocardiogramme, 2/3 d’un examen ophtalmologique et la moitié de la recherche d’une atteinte rénale, alors que ces examens doivent être systématiques afin de dépister les complications au stade utile.

Que préconisez-vous en tant que chercheurs scientifiques pour tenter de garantir une meilleure prise en charge au patient, sachant que c’est là la finalité ?

Les choses sont claires, le constat sous-tend la nécessité de la mise en œuvre de programmes de formation médicale continue obligatoire pour tous les intervenants dans la prise en charge des diabétiques, ainsi que des programmes d’éducation des patients eux-mêmes.

Même si ces mesures sont primordiales, il est indispensable de mettre à la disposition des professionnels de la santé les nouvelles thérapies qui dominent actuellement toutes les recommandations internationales, afin d’optimiser la prise en charge de nos diabétiques et d’éviter les complications cardiovasculaires qui constituent notre hantise et un fardeau économique insurmontable.

Entretien réalisé par Ammar Atmane

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