Prendre option pour la rigueur

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Amar Naït Messaoud

Un nouveau plan quinquennal 2015-2019 est en phase de consolidation au niveau du gouvernement. Les éléments qui forment son ossature sont issus des besoins en développement identifiés comme tels et qui ne sont pas encore pris en charge par les trois plans quinquennaux mis en œuvre depuis 1999. Si ces derniers ont été orientés particulièrement dans le sens d’un rattrapage en matière d’infrastructures de base et d’équipements publics (routes, autoroutes, chemins de fer, grands ouvrages hydrauliques, habitat, construction d’hôpitaux et d’établissements scolaires et universitaires,…), le plan qui est actuellement en voie de maturation est censé contribuer à la diversification de l’économie nationale en dehors de la sphère des hydrocarbures.  Également, ce plan visera à « renforcer la résistance de l’économie algérienne aux effets de la crise financière mondiale et développer une économie compétitive et diversifiée », selon les orientations du président de la République données au cours du dernier Conseil de ministres tenu mercredi passé. Dans un souci d’efficacité et de large visibilité le plan en préparation sera élaboré « en concertation avec tous les acteurs économiques aux niveaux national et local, en tenant compte des expériences du passé afin d’améliorer sa mise en œuvre et son efficacité », ajoute A. Bouteflika. En matière de méthodologie et de démarche, il parlera même de « rupture » avec l’ancien schéma de conception des programmes. La conception de ce nouveau plan d’investissements et de développement sera appelée à « intégrer les concertations nationales et locales, tirer les leçons des expériences passées, et améliorer son impact sur le développement local et le développement humain, mais aussi le développement d’une économie productive et compétitive dans tous les secteurs ». En effet, les expériences du passé récent en matière d’investissements publics, permis par les recettes en hydrocarbures engrangées au cours de ces dix dernières années, sont toujours là d’autant plus que le plan 2014-2015 n’a pas encore consommé ses délais, et est loin de consommer ses prévisions de réalisations. En effet, le taux de réalisation, à quelques mois de la clôture de l’année 2014 n’atteindraient pas encore 80 %. Le point le plus important, c’est-à-dire le plus instructif, de ces retards est que ces derniers n’ont pas souffert de problèmes de prévisibilité. Des experts nationaux, et même certains officiels qui ne pouvaient malheureusement pas faire valoir leur avis, avaient prévenu contre une certaine précipitation qui consisterait à lancer des grands programmes sans réunir le minimum de condition de faisabilité et d’efficacité. Il s’agissait, entre autres facteurs montés en épingle, de la faiblesse de l’outil de réalisation et des bureaux d’études algériens. Or, un plan quinquennal, ce sont cinq années de travail, décliné en actions, avec un planning d’études (de faisabilité d’impact environnemental, et d’exécution), et de réalisation, ainsi qu’avec le montage financier y afférent. Jusqu’à présent, des centaines de projets inscrits dans le cadre du plan 2010-2014, pilotés par les wilayas et par les communes, n’ont pas encore connu de démarrage. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal l’a déploré publiquement, face aux walis et face aux caméras de la télévision. Il avait donné en 2013, une instruction pour constituer des comités de suivi à l’échelle de chaque wilaya, qui donneront des bilans trimestriels, avec identification des points de blocage et des propositions pour les dénouer. Il en est ressorti que les plus grands freins au lancement des projets sont la disponibilité du foncier industriel, particulièrement dans certaines zones de montagne, et les sempiternelles réévaluations des projets suite à la non-maturation des études. Ce sont là des thèmes qui ont nourri un fabuleux courrier du gouvernement adressé aux walis, aux directeurs des domaines et du cadastre, ainsi qu’à des instances comme le Calpiref. Les directions de la planification et du suivi budgétaire (Dpsb) au niveau des wilayas sont encombrées de demandes de réévaluations formulées par les maîtres d’ouvrage (directions de wilayas, APC), afin de restructurer les opérations en situation de blocage. La restructuration se fait dans le sens d’une rallonge budgétaire, de la transformation de la consistance physique du projet,…etc. En tout cas, cette situation, généralisée à l’échelle de toutes les wilayas d’Algérie et de certains programmes centralisés au niveau des ministères, a amené l’ancien ministre des Finances, Karim Djoudi, à s’ « expliquer » plusieurs fois face aux députés de l’APN et face aux sénateurs. Il a résumé ce persistant travers dans ce qu’il a appelé la non-maturation des études. On peut même joindre le problème de la disponibilité du foncier à cette problématique, car, elle est censée être étudiée à l’avance. D’ailleurs, pour certains projets, une tradition est en train de s’installer, consistant à identifier d’abord l’assiette foncière avant de lancer les autres phases du projet. Si le président Bouteflika avait déjà instruit le gouvernement en décembre 2009 pour éviter au maximum le recours aux bureaux d’études étrangers, qui vendent des expertises à haut prix sans garantie d’efficacité (l’Algérie débourse quelque 12 milliards de dollars dans ce genre de prestation), les bureaux d’études algériens ont besoin d’une mise à niveau technique et managériale pour pouvoir combler ce déficit. Ils ont été malmenés par la période de désinvestissement et de remise en cause de l’outil national de production et de réalisation. De même, la ressource humaine commence à faire défaut, du fait d’une formation universitaire peu portée sur l’aspect pratique de l’enseignement. Quant aux autres faiblesses relevées aussi bien par les experts algériens que par des ministres en charge de secteurs sensibles (Habitat, Travaux publics), leur dépassement est liée à la nouvelle politique de l’entreprise, censée encourager la création de petites et moyennes entreprises (PME), outre l’incitation des grandes entreprises à investir dans  la formation continue et le recyclage des cadres, afin de pouvoir arracher et honorer les marchés publics. Les expériences du passé auxquelles fait référence le président, ce sont tous ces travers et insuffisance, qu’il y a lieu d’intégrer dans une planification rigoureuse. L’on ne peut ambitionner de prendre option pour la fin d’une économie rentière sans l’élément fondateur, le pivot, qu’est l’entreprise.

A.N.M.

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