Professeur en génie des procédés et ancien doyen de la Faculté des sciences de la nature et de la vie (SNV), Lotfi Mouni a été installé à la tête de l’université Akli Mohand Oulhadj de Bouira à la fin du mois de juillet dernier. Dans cet entretien, il répond à nos questions concernant la gestion de cette université, en évoquant les solutions qu’il apportera aux problèmes soulevés par la communauté universitaire. Le recteur a aussi évoqué la stratégie qu’il compte mettre en application pour développer la formation et la recherche scientifique.
La Dépêche de Kabylie : Vous avez été doyen de la faculté (SNV) de l’université de Bouira où vous avez aussi occupé plusieurs postes de responsabilité. Pouvez-vous nous dire quel a été votre premier constat, après votre installation ?
Pr Lotfi Mouni : L’université de Bouira est jeune sur plusieurs plans et possède beaucoup de potentialités que nous devons exploiter et développer. Nous avons des enseignants et des fonctionnaires jeunes et dévoués, qui font leur travail correctement. Aussi, les potentialités existantes doivent être canalisées. Tel est le premier constat que j’ai établi.
A l’instar des autres universités, celle de Bouira accuse un
important retard sur le plan pédagogique dû aux événements de l’année dernière. Quelles décisions avez-vous prises pour rattraper ce retard et entamer la nouvelle année universitaire ?
Déjà bien avant l’entame de l’année universitaire, nous avions tenu plusieurs réunions du Conseil de la direction où nous avons impliqué tous les acteurs de l’université, notamment sur les plans pédagogique et administratif, et ce dans l’objectif d’inciter ces acteurs, notamment les doyens et les vice-recteurs, à mener une approche de communication et de sensibilisation avec nos étudiants. Cela les fera adhérer au nouveau projet de l’université de Bouira, qui est prometteur. Actuellement, à l’échelle de l’ensemble des facultés qui accusent un retard, des programmes de rattrapage, sur les plans de la pédagogie ou des examens, ont été lancés et cela avance au rythme souhaité.
D’ailleurs, la nouvelle année universitaire a été lancée dans la majorité des départements. Par ailleurs, pour bien lancer la nouvelle année universitaire et réussir notre projet, nous avons tout d’abord mis en place un plan rigoureux afin de sécuriser les deux campus de l’université. D’ailleurs, comme vous pouvez le constater, les accès à nos campus sont pratiquement «hermétiques» et aucun extra-universitaire ne peut accéder à l’intérieur. Il s’agit d’une première mesure urgente que nous avons appliquée, car nous savons que les étudiants, les enseignants et les fonctionnaires doivent se sentir en sécurité, afin qu’ils puissent s’impliquer dans notre projet et remplir complètement leurs missions.
Aussi, nous avons une deuxième priorité qui est l’hygiène au sein de nos campus, car la propreté et le respect de l’environnement comptent énormément dans le milieu universitaire, où les membres de la famille universitaire sentiront qu’ils sont dans un environnement sain et sécurisé. Ils pourront ainsi s’épanouir. L’amélioration de la formation et l’encouragement des initiatives scientifiques sont aussi une priorité et un besoin qui presse. En plus des programmes pédagogiques, nous avons mis en place un programme de formation qui s’étalera sur toute l’année, notamment via des partenariats avec différents organismes de l’enseignement supérieur, afin d’aider nos étudiants et nos enseignants à progresser et à développer leurs connaissances.
Mais le retard cumulé depuis l’année dernière est très important au niveau de la Faculté des sciences et sciences appliquées…
Au niveau de cette faculté, les domaines des mathématiques et informatique (MI) ainsi que des sciences et technologie (ST) sont très en retard et n’ont toujours pas terminé les calendriers de l’année universitaire précédente. D’ailleurs, ils passent les examens du premier semestre, en attendant les examens de rattrapage et du second semestre, avant de pouvoir entamer l’année universitaire 2019/2020. Concernant, ces deux cas, je tiens à vous informer que j’ai moi-même invité les représentants et les délégués des étudiants, avec lesquels j’ai tenu des réunions, la semaine passée. Nous avons donc beaucoup discuté.
Les étudiants m’ont alors exposé tous les problèmes posés, au niveau de la faculté. Des mesures urgentes ont été déjà prises pour résoudre certains des problèmes posés et nous nous sommes donné rendez-vous pour une autre réunion afin d’évaluer la situation dans ces départements. Mon message pour les étudiants était clair. J’ai insisté pour régler les problèmes en profondeur, lesquels doivent être résolus définitivement. Les étudiants ont aussi leur part de responsabilité et doivent bannir toute forme de blocage ou de fermeture des départements, car cela engendre un retard pédagogique, pratiquement chaque année. Nous devons mettre en place une forme de pacte et élaborer des cadres de discussion et de communication entre les étudiants et l’administration afin de résoudre les problèmes rapidement. J’ai aussi programmé une réunion avec les enseignants du domaine des mathématiques et informatique (MI), afin d’évaluer la situation mais surtout discuter et leur expliquer ma politique qui a comme principal objectif d’éviter la reproduction de ce genre de scénario.
Justement, ces actions de blocage et de fermeture sont devenues monnaie courante à l’université de Bouira…
Effectivement, et c’est ce que nous avons constaté. Cependant, pour cette année, nous avons pris des décisions fermes concernant ces blocages anarchiques et injustifiés. Désormais, chaque fermeture d’un accès vers un département ou une administration est passible de conseil de discipline et de poursuites judiciaires, car l’université est une institution publique de l’Etat et nous avons une réglementation à respecter et à appliquer. Je vous donne un exemple. Il y a de cela 15 jours, un groupe d’étudiants a fermé l’accès à la Faculté de droit. Ils ont été directement convoqués et sont passés devant le conseil de discipline. Ils ont été sanctionnés par une année ferme de suspension, en plus de la procédure judiciaire entamée. Nous ne voulions pas arriver à cette situation, car ce sont nos étudiants, mais je vous assure que la loi sera appliquée sur tout le monde et avec rigueur.
Le problème du manque d’agents de sécurité se pose toujours. Qu’avez-vous fait pour parer à cette situation ?
Ce problème a été déjà étudié et comme solution immédiate, nous avons opté pour le renforcement du nombre d’agents de sécurité exerçant la journée par ceux travaillant la nuit. Ces agents ont été placés au niveau des accès de l’université. En plus de cette mesure, nous avons mis en place un système de contrôle à l’intérieur de l’université. Des groupes d’agents de sécurité font des rondes à l’intérieur chaque heure et durant toute la journée dans l’objectif de renforcer la sécurité dans les facultés et les départements. Je veillerai personnellement à l’application de ces consignes, notamment la vérification, au niveau des accès ou même à l’intérieur des campus.
Vous avez par ailleurs lancé l’opération d’inscription pour le master…
Oui, l’opération a été lancée au début du mois de septembre et a été clôturée le 30 du même mois pour les étudiants de notre université, qui auront le droit à 80 % des 3 796 places pédagogiques disponibles, cette année. L’opération s’est déroulée au niveau de nos facultés et les étudiants ont déjà déposé leurs candidatures. Les 20 % restants sont dédiés aux étudiants des autres universités ou aux anciens diplômés. Ces derniers ont eu la possibilité de postuler au master, via la plate-forme du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (Progess). Leurs demandes seront traitées par ordre de priorité et selon la disponibilité des places pédagogiques dans chaque faculté.
Qu’en est-il des inscriptions pour une deuxième licence ?
Malheureusement, cette année, le Conseil de direction de l’université a décidé de ne pas accorder cette possibilité, vu le grand déficit en matière de places pédagogiques dont souffre toujours notre université. Un déficit évalué, cette année, à près de 10.000 places. Donc, c’est uniquement pour cette raison que nous n’avons pas pu accorder cette opportunité aux anciens diplômés. J’espère que nous allons le faire durant les prochaines années.
Quels sont vos objectifs, cette année ?
Comme je vous l’ai déjà dit, les deux premiers objectifs sont la sécurité et l’hygiène. Par la suite, nous allons pouvoir nous concentrer sur le volet pédagogique et formation. Nos étudiants doivent désormais avoir un volume pédagogique de 12 à 14 semaines pour chaque semestre. Nous allons veiller à l’application de ce point précis et à réunir les conditions nécessaires afin qu’il se réalise pour que nos étudiants puissent avoir plus de connaissances dans leurs spécialités, se développer et passer d’un cap à l’autre facilement. Nous ne devons pas aussi négliger les relations extérieures et la recherche scientifique car, actuellement, l’université de Bouira doit s’ouvrir sur son environnement direct et impliquer tous les partenaires extérieurs, notamment à travers un partenariat durable et des conventions.
Dans cette optique, nous allons essayer de multiplier les échanges avec nos partenaires. Par ailleurs, pour ce qui est de la recherche scientifique, nous avons lancé une opération de diagnostic et d’évaluation, notamment concernant le nombre de publications scientifiques par faculté et le nombre d’enseignants chercheurs impliqués dans les laboratoires de recherche. Une fois toutes ces données réunies, nous pourrons prévoir des projets de recherche, des rencontres et des ateliers scientifiques. Notre objectif à long terme est de transformer notre université en un pôle de recherche et d’excellence. L’université de Bouira a besoin de l’implication de tous ses partenaires afin d’atteindre les objectifs pédagogiques et scientifiques que nous avons tracés et qu’elle puisse reprendre sa place.
ntretien réalisé par Oussama Khitouche